Les jeunes travailleurs

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« Dans l'industrie moderne, peu de postes répondent au goût d'un travail difficile et varié. L'ouvrier qui connaît ce goût du travail réagit à cette situation par un total désintérêt vis-à-vis de ce dernier. Il y a une seule exception : le cas des jeunes. « Le travail? Oui, je l'aime. J'aime tous les travaux manuels et intellectuels. J'aime tout faire, chaque chose a un intérêt. » Ce jeune ouvrier, soudeur de vingt ans, s'adonne de grand coeur à tout ce qu'il fait. Il se passionne pour tout. Pour lui, le plus mauvais moment de la journée n'est pas celui où il faut se lever pour se rendre au travail, ni le temps passé à celui-ci, mais c'est « lorsque je ne parviens pas à l'atelier à faire un travail comme je le voudrais ». Quand les jeunes ouvriers se prononcent ainsi en faveur de leur travail (et ils sont assez nombreux à le faire) ce n'est pas parce que « l'entrée à l'atelier est d'abord souhaitée comme une libération du joug paternel, le travail comme un moyen d'échapper à la famille ». Cela peut entrer en ligne de compte, ce n'est pas l'essentiel. Les directeurs des Centres d'apprentissage et les moniteurs de la formation professionnelle sont plus près de la vérité quand ils nous disent, comme le fit ce président d'une commission pour concours psychotechniques d'admission à la F.P.A. : « D'abord, à l'école, on a des horizons plus larges qu'à la maison. Puis l'apprentissage, c'est encore du neuf. Après, c'est l'atelier, l'horizon s'élargit encore. Ça ne dure pas. Bientôt ce ne sera plus que la routine. Ce qu'ils ont appris dans les trois années d'apprentissage, ils sont rares à pouvoir s'en servir une fois à l'usine. L'industrie moderne leur offre rarement l'occasion d'en faire usage, moins encore de se former davantage. Ils ne tarderont pas à se désintéresser de leur travail... » Comme le dit un autre ouvrier (soudeur à l'arc, 29 ans) : « Dans la boîte, on n'apprend plus rien, la vie est finie. » Ainsi, amour du travail et insatisfaction totale du travail que l'on fait vont presque toujours de pair à l'heure actuelle. Les techniques ont vidé le travail de son intérêt. Ce n'est pas vrai seulement pour les ouvriers dits spécialisés, mais aussi en règle générale pour le professionnel, donc pour l'écrasante majorité des ouvriers. Avec l'éclatement des métiers et la spécialisation du travail qualifié lui-même qui en est résulté, la routine l'a emporté sur l'ingéniosité. Andrée Andrieux et Jean Lignon : L'Ouvrier d'aujourd'hui (p. 53) Marcel Rivière éd. ...»