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Les fonctions de l’ironie chez Rabelais

Publié le 14/01/2020

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rendre est cité et modifié : il signifie d’abord l'idée de reddition (comme dans rendre les armes, pour ne pas se faire tuer) puis l’idée de mourir (rendre l’âme). La réplique de Frère Jean reproduit ironiquement le propos pour lui donner une signification inverse.

Ces ironies visent à combattre la bêtise et 1e mal par la force des mots. Elles témoignent de la confiance de Rabelais dans le langage, qui 1e pousse à écrire un roman satirique, véritable machine de guerre contre tes vices de l'humanité.

IRONIE ET SARCASME

L'ironie peut aussi être littérale. Elle relève alors du sarcasme et a des effets mordants, à la limite de la cruauté. Frère Jean en est . encore l’émetteur typique. Voici comment il se moque des pèlerins : « Et tes moynes, quelle chere font ilz ? Le cor Dieu, Hz bisco-tent voz femmes ce pendent que estes en romivage [pèlerinage] » (chap. xlv, p. 318). Les humanistes reprochaient aux pèlerins de délaisser leurs familles et leurs devoirs civils pour parcourir les routes. Le sarcasme de Frère Jean montre à ces personnages quels risques ils courent en laissant seules leurs épouses.

La réponse de l’un d’eux amplifie ce sarcasme : « Hinhen ! (dist Lasdaller) je n’ay pas peur de la mienne. Car qui la verra de jour ne se rompra ja le col pour l’aller visiter la nuict. » Rabelais ironise sur les motivations des pèlerins, en suggérant que ce pieux personnage part sur les routes pour fuir la laideur de sa femme. Le nom de ce pèlerin est également sarcastique : Lasdaller (« fatigué de voyager »).

L’IRONIE SOCRATIQUE

L’ironie peut être plus subtile et contraindre le lecteur à un effort d’interprétation, Une telle ironie est typique de Socrate. Ce sage de l’Antlquîté grecque, maître de Platon, déstabilisait en effet ses

rabelais

« qui voulut dérober les cloches : " Mais par honnesteté les laissa, non parce qu'elles estoient trop chauldes, mais parce qu'elles estaient quelque peu trop pesantes à la portée " (chap.

XVII, p.

156).

L'antiphrase ironique prétend que le voleur fit preuve d'honnêteté en renonçant à emporter les cloches, alors que la véritable raison réside dans le poids énorme de ces objets.

Qu'il s'agisse des sophistes ou des voleurs, l'ironie a pour cible l'humanité corrompue.

Comme les prétentieux professeurs, les voleurs sont coupables d'agir au mépris de la charité et de l'har­ monie civile.

l Ironie et citation Nombre d'ironies contiennent une citation : l'ironiste cite plus ou moins explicitement un propos ou un point de vue, qu'il rejette parce qu'il les trouve ridicules, scandaleux ..• Frère Jean est l'auteur récurrent de telles citations.

Voici comment un ennemi le supplie de l'épargner:" Ha! monsieur le priour, je me rendz, monsieur le priour, mon bon amy, [ ...

]que Dieu vous face abbé ! [ ...

] je me rends à vous.

» Frère Jean répond : " Monsieur le posteriour mon amy, monsieur Je posteriour, [ ...

] je vous feray icy cardinal ! [ ...

) Vous aurez un chapeau rouge à ceste heure de ma main [ ...

].

Et je te rends à tous les diables ! » (chap.

XLN, p.

310-312).

Chaque réplique du moine cite des élé­ ments de la supplique en les modifiant : " monsieur le priour "• « que dieu vous face abbé » et " je me rends à vous ,, sont iro­ niquement transformés en " monsieur le posteriour "• « je vous feray icy cardinal" (Frère Jean a l'intention de trancher le crâne de l'archer et de lui confectionner ainsi un " chapeau rouge '" attribut des cardinaux}, " je te rends à tous les diables » (rendre au sens de " reddition " devient rendre au sens de " redonner, restituer »).

L'attaque du clos de Seuilly employait déjà ce procédé : " Ha ! Frere Jean, mon amy, frere Jean, je me rend.

Il t'est {disoyt iQ bien force ! Mais ensemble tu rendras l'âme à tous les diables ! » {chap.

XXVII, p.

226}.

Comme dans l'exemple précédent, le verbe PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 95. »

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