Les Fleurs du Mal , « Spleen / J’ai plus de souvenir que si j’avais mille ans »
Publié le 03/04/2021
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«
Etude n°9 – Les Fleurs du Mal , « Spleen / J’ai plus de souvenir que si j’avais mille ans ».
Introduction :
La section « Spleen et Idéal » propose un parcours poétique relatant, poème après
poème, la lente désagrégation des idéaux pour laisser place au spleen.
Ce dernier deviendra
peu à peu le véritable sujet de l’expression poétique, ce mal dont il s’agira pour Baudelaire de
cueillir les fleurs.
Pourtant, même s’il partage certains traits du « mal du siècle » cher aux
romantiques, le spleen est un sentiment bien plus complexe qui devra, pour être exprimé et
saisi pleinement, contraindre Baudelaire à un inlassable travail sur la forme qu’il a parfois
appelé « alchimie ».
Dans ce poème intitulé Spleen, la structure comme les images sont extrêmement
déroutantes et le « je » poétique s’imprègne de différentes ambiances pour parvenir à un
état final de réification (Le Sphinx) tout à fait perturbant.
A côté de l’alchimie poétique, il est
donc aussi peut être question d’une alchimie du spleen qui peu à peu transforme l’être en
chose et fait échec à l’homme vivant.
Rappelons à cet égard quelques vers qui, dans « Au
lecteur », évoquent le Diable (le Malin, à défaut du mal) et donnent peut-être de précieuses
indications sur cette force mystérieuse qui « occupe nos esprits et travaille nos corps ».
Dans
ce poème liminaire Baudelaire précise « [Que] le riche métal de notre volonté / Est tout
vaporisé par ce savant chimiste ».
Référence à l’alchimie là encore…
Nous verrons comment, dans le mouvement de ce poème, le changement de forme se
retrouve au centre de la progression, transformant la vie et les souvenirs en une matière
lourde et pesante qui finira, en inversion par rapport à la métaphore alchimique
traditionnelle, par passer du subtil à l’épais ou de l’or au plomb.
Titre et premier vers :
Spleen est un mot d’origine anglaise.
Son sens propre est « rate » ou « humeur noire ».
En
français son sens littéraire est celui de « mélancolie passagère, sans cause apparente,
caractérisée par le dégout de toute chose (Synonymes : cafard, ennui, neurasthénie) ».
Dès le titre, un effet d’écho est mis en place à l’échelle de l’ensemble de l’œuvre puisque
trois autres poèmes placés à côté dans le recueil portent ce même mot pour titre.
De plus,
c’est toute une section du recueil, « Spleen et idéal », qui reprend ce mot.
Nous pouvons
donc dès l’entame mesurer l’importance de ce terme en même temps que son
positionnement au sein d’un jeu de résonnances qui parcourt toute l’œuvre.
Si l’on ajoute à
cela les synonymes nous retrouvons le terme « spleen » au centre d’un maillage encore plus
serré qui inclut le terme « Mal » dans le titre même du recueil ainsi que le terme « Ennui »
mis tout particulièrement en avant dans le poème liminaire « Au lecteur ».
Au vers 1 c’est étrangement la même impression de saturation et de jeu d’écho qui
prévaut, cette fois avec les souvenirs.
Un Moi inconnu y énonce abruptement une prétention
incroyable : « J’ai plus de souvenir que si j’avais mille ans ».
Cette quantité illimitée contenue
dans le nombre mythique « mille » et renforcée par le comparatif de supériorité « plus de »
nous fait entrer, comme le titre, dans un texte marqué par la saturation et l’accumulation.
Du
point de vue du signifié le lecteur peut effectivement se douter que ces mille ans de souvenir
puissent représenter un certain excès.
Il reste à voir dans la suite du poème si cet excès et ce
mélange des souvenirs pourraient être précisément liés au « spleen » dont il est question
dans le titre.
Du point de vue du signifiant, cette idée est corroborée par les effets de rythme et
d’accentuation présent dans ce premier vers.
Le premier hémistiche présente une succession
régulière de syllabes faiblement et fortement accentuées.
Dans le deuxième hémistiche tout
le poids des accents repose sur les deux derniers mots « mille ans » donnant au lecteur une
perception auditive de ce poids des ans, accumulé progressivement..
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