LES EXPLOITS
Publié le 15/05/2020
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«
87 MORALE - C. M.
LES EXPLOITS
1. Lecture - A l'assaut de l'Ânnapurna.
(Deux alpinistes français, Maurice Herzog et Lachenal, tentent l'ascen
sion de l'Annapurna, un sommet de plus de 8 000 mètres d'altitude.)
Le vent faiblit peu à peu...
Chaque mouvementdemande un véritable
héroïsme.
Ma pensée est engourdie.
La réflexionme coûte.
Nous n'échangeons
pas une parole...
Nous avons bien du mal à sortir des sacs de couchage et à
enretirer nos chaussures complètement durcies par le gel...
Les mouvements
nous essoufflent terriblement Nous suffoquons...
A six heures, nous nous mettons en route.
Il fait très beau, mais aussi
très froid...
Parfois la neige dure porte, mais parfois aussi nous enfonçons dans
une neige poudreuse, molle, qui rend la progressiontrèsfatigante...
...
La température est très basse. Le froid pénètre.Les vêtements spéciaux
deduvet semblent nous laisser nus.
Pendantlesarrêts, noustapons des pieds
avec vigueur.
Lachenal va jusqu'à enlever une chaussure qui le serre un peu :
il est angoissé par laperspective du gel...
La marche estépuisante.
Chaque pas est une victoire de la volonté...
Lachenal se plaintde plus en plus de ses pieds.
« Je ne sens plus rien..., gémit-il.
Ça commence à geler.
»
Il défait de nouveau sa chaussure.
Je finis par être inquiet : je me rends très bien compte du danger que nous
couronset je sais par expérience combien le gel arrivesournoisement et vite si
l'on ne se surveille de très près.
Mon camarade ne s'y trompe pas non plus.
« On risque de se geler les pieds !... Crois-tu que cela vaille la peine ? »
Je suis anxieux.
Responsable, je dois penser et prévoir pour les autres.
Sans doute le danger est réel.
L'Annapurna justifie-t-ellede tels risques ? Telle
est la question que je me pose et qui me trouble. Lachenal arelacé ses souliers...
J'ai froid aux pieds comme Lachenal.
Sans arrêt, je fais fonctionner mes
orteils, même en marchant... Brusquement, Lachenal me saisit : « Si je retourne, qu'est-ce que tu fais ? »
En un éclair, un monde d'images défile dans ma tête : les journées de
marche sous la chaleur torride, les rudes escalades, les efforts exceptionnels
déployés par tous pour assiéger la montagne, l'héroïsme quotidien de mes
camarades pour installer, aménagerlescamps...
Aprésent, nous touchons au
but ! Dans une heure, deux peut-être...
tout sera gagné ! Et il faudrait
renoncer ? C'est impossible. Mon êtretout entier refuse.
Je suis décidé, absolumentdécidé ! La voix
sonne clair : « Je continuerai seul !» S'il veutredescendre, je ne peux pas le retenir.
Il doit choisiren pleine
liberté.
Mon camarade avait besoin que cette volonté s'affirmât IIn'est pas le
moins du monde découragé ; la prudence seule, laprésence du risque lui ont
dicté ces paroles.Sanshésiter, ilchoisit : «
Alors, je te suis ! »
L'angoisse est dissipée.Mesresponsabilités sont prises.
Rien ne nous empêchera plus d'aller jusqu'en haut.
Cette fois, nous sommesfrères.
D'après Maurice Herzog - Annapurna, premier 8 000 -Arthaud..
»
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