«Les Essais, écrivait Gustave Lanson, c'est Montaigne»
Publié le 19/12/2021
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«
INTRODUCTION
«Les Essais, écrivait Gustave Lanson, c'est Montaigne», et de fait peu d'oeuvres
littéraires nous entretiennent aussi complaisamment de leur auteur.
Il ne nous laisse
autant dire rien ignorer de son aspect physique, de ses habitudes de vie, de son
caractère.
D'ailleurs, même s'il s'était montré avare de confidences sur lui-même, la
manière dont il a composé son ouvrage et la qualité originale de son style suffiraient
presque à nous renseigner sur ce qu'il est.
Sa personnalité vigoureuse est partout
présente dans ses écrits.
I.
MONTAIGNE PEINT PAR LUI-MÊME
Le portrait qu'il nous a légué de lui-même est aussi complet qu'on pourrait le souhaiter.
Il nous décrit par le menu son aspect physique : sa taille, qui est petite, son visage qui
est «non pas gros mais plein », et même le timbre de sa voix.
Parce qu'il a jugé bon de
nous le dire, nous savons même qu'il était velu de la poitrine et des jambes et qu'il
portait d'épaisses moustaches.
Il nous renseigne sur son tempérament et sur son état de
santé : il est vigoureux et résistant, capable d'accomplir sans fatigue de longues traites à
cheval mais sujet au mal de mer.
Il jouit d'une bonne denture et à cinquante-quatre ans
est encore capable de lire sans utiliser de lunettes.
Mais il souffre de la gravelle.
Il nous
renseigne sur l'heure de son lever et l'heure de son coucher, sur l'intérêt qu'il prend aux
plaisirs de la table et sur ses mauvaises digestions ; nous connaissons même ses plats
préférés et l'habitude qu'il prit avec l'âge de boire du vin.
Il nous dépeint aussi son caractère.
Il est d'humeur gaie, se plaît aux conversations vives
entre amis et il est franc dans ses propos.
Il n'est point avare et, plutôt que de
thésauriser en achetant des terres, il préfère dépenser son argent pour se donner du
plaisir.
Loyal, il reste fidèle à ses engagements et c'est sans doute pourquoi il en prend le
moins possible.
Homme de réflexion plutôt que d'action, il n'est jamais aussi heureux que
dans sa « librairie », « lisant, réfléchissant et écrivant », mais il s'intéresse peu aux
détails pratiques de l'existence : ce seigneur terrien ignore jusqu'au nom des instruments
de culture et s'en remet à ses gens pour la marche de sa maison, quitte à se faire
raisonnablement gruger par eux.
Quant à l'éducation de sa fille, il la confie à sa femme et
à la gouvernante et les laisse agir à leur guise, même quand il n'approuve pas les
dispositions qu'elles prennent.
Il nous entretient enfin de ses qualités intellectuelles : il a l'esprit curieux, juste et hardi
mais lent.
Sa mémoire est défaillante, ce qui, dit-il, l'a rendu inapte au mensonge.
Tel
apparaît à travers le portrait qu'il trace de lui-même Michel de Montaigne.
Pourtant il n'a
pas tout dit et ses réticences légères nous aident à compléter la physionomie du
personnage.
Jamais il ne mentionne qu'il fut conseiller au parlement et il n'explique pas
non plus d'où est venu à sa famille ce nom d'Eyquem.
Car ce sont là des signes de son
ascendance bourgeoise dont il ne tient pas à faire étalage.
11 est trop fier de ses titres
de noblesse et d'autant plus sans doute qu'ils ont été plus fraîchement acquis.
Ici perce
donc un trait dont il s'est gardé de nous entretenir : sa vanité.
II.
MONTAIGNE RÉVÉLÉ PAR LA COMPOSITION DE SON LIVRE
Mais ce portrait détaillé que Montaigne nous a laissé de lui-même, il ne s'est pas, bien
entendu, préoccupé de l'organiser.
Ses confidences viennent au hasard de sa fantaisie,
se complètent ici et là selon son humeur du moment et le vagabondage capricieux de ses
pensées.
Il est ennemi de toute composition savamment ordonnée.
« Je n'aime point de
tissus, écrit-il, où les liaisons et les coutures paraissent » ; nous y gagnons de le mieux
connaître car il se montre ainsi à nous en toute liberté, dans son élan et dans son
jaillissement.
C'est ainsi que s'impose à nous, dès l'abord, la marque de son esprit
équilibré.
Il mêle au gré de ses associations d'idées les souvenirs de ses multiples
lectures et les souvenirs vécus.
Il exerce sa réflexion aussi volontiers à partir des uns et
des autres.
On comprend donc aisément que sa culture doit autant à la leçon de
l'expérience qu'à celle des textes qu'il a lus et que cet homme de bibliothèque est doué.
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