Les épurés
Publié le 10/12/2021
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15 septembre 1944 - Quand les Français s'entretuent, ils n'y vont pas de main morte. Et encore moins lorsqu'il s'agit d'évaluer les massacres. Il a fallu longtemps pour que le nombre des victimes de la Terreur soit correctement établi : 24 000 morts. Beaucoup de gens sont encore persuadés que 100 000 personnes au moins sont tombées sous les coups de la Résistance avant et après la Libération. Le chiffre a de la majesté il contrebalançait celui des 100 000 fusillés dont s'est glorifié le Parti communiste. Curieux équilibre des massacres. La France a subi alors tant de coups et de contrecoups qu'il n'est pas nécessaire d'en accroître l'horreur. Les Allemands et la Milice ont fusillé ou massacré 30 000 résistants de toutes obédiences, en dehors des 75 000 morts en déportation. Les maquisards, vrais ou faux, ont exécuté sommairement avant et après la Libération 10 000 personnes environ, qui n'étaient pas toutes des collaborateurs. S'y ajoutent 767 condamnés " dans les règles " et qui furent exécutés. De Gaulle, dans ses Mémoires de guerre, parle de 10 842 exécutions sommaires, les statistiques officielles disent 10 882. Robert Aron, prolixe historien de l'épuration, de donnée compensée en donnée compensée, atteint de 30 000 à 40 000. L'Américain Peter Novick, dans l'Epuration française 1944-1949, fait justice de ces approximations. Pour lui, les chiffres officiels sont très proches de la vérité, même s'ils la minimisent un peu. Novick démonte les mécanismes : le désir de faire place nette pour une France nouvelle et le poids des dossiers innombrables qui immobilisèrent la moitié de la magistrature française; il montre la relative indulgence de l'épuration en France : elle a touché 0,94 % des Français contre 3,74 % des Danois, 4,19 % des Hollandais, 5,96 % des Belges. Le record est norvégien : 6,33 %. Cela fait beaucoup de monde quand même : 700 policiers parisiens arrêtés, 5 000 suspendus dans toute la France. 11 343 fonctionnaires ont fait l'objet de sanctions ... Au total, 126 000 internés, 160 000 dossiers instruits, 87 000 condamnés: de la dégradation nationale à la peine de mort. La sévérité de la SFIO Des partis d'avant-guerre, la SFIO s'est montrée la plus sévère 96 des 151 membres survivants du groupe parlementaire d'avant-guerre ont été expulsés ou suspendus en novembre 1944... Deux forteresses, l'Eglise, qui s'en tira avec huit évêques démis de leur siège épiscopal, et l'Académie française: Abel Bonnard et Abel Hermant ont perdu leur fauteuil et ont été aussitôt remplacés, mais les fauteuils vides de Philippe Pétain et de Charles Maurras le sont restés jusqu'à leur mort... L'épuration n'en a pas moins mécontenté tout le monde. Des résistants, qui l'ont trouvée trop lente et trop indulgente, à l'autre camp, qui en a dénoncé l'injustice et la sauvagerie... D'amnistie en amnistie, 62 condamnés étaient toujours emprisonnés en 1956, 19 en 1958, plus personne en 1964.
15 septembre 1944 - Quand les Français s'entretuent, ils n'y vont pas de main morte. Et encore moins lorsqu'il s'agit d'évaluer les massacres. Il a fallu longtemps pour que le nombre des victimes de la Terreur soit correctement établi : 24 000 morts. Beaucoup de gens sont encore persuadés que 100 000 personnes au moins sont tombées sous les coups de la Résistance avant et après la Libération. Le chiffre a de la majesté il contrebalançait celui des 100 000 fusillés dont s'est glorifié le Parti communiste. Curieux équilibre des massacres. La France a subi alors tant de coups et de contrecoups qu'il n'est pas nécessaire d'en accroître l'horreur. Les Allemands et la Milice ont fusillé ou massacré 30 000 résistants de toutes obédiences, en dehors des 75 000 morts en déportation. Les maquisards, vrais ou faux, ont exécuté sommairement avant et après la Libération 10 000 personnes environ, qui n'étaient pas toutes des collaborateurs. S'y ajoutent 767 condamnés " dans les règles " et qui furent exécutés. De Gaulle, dans ses Mémoires de guerre, parle de 10 842 exécutions sommaires, les statistiques officielles disent 10 882. Robert Aron, prolixe historien de l'épuration, de donnée compensée en donnée compensée, atteint de 30 000 à 40 000. L'Américain Peter Novick, dans l'Epuration française 1944-1949, fait justice de ces approximations. Pour lui, les chiffres officiels sont très proches de la vérité, même s'ils la minimisent un peu. Novick démonte les mécanismes : le désir de faire place nette pour une France nouvelle et le poids des dossiers innombrables qui immobilisèrent la moitié de la magistrature française; il montre la relative indulgence de l'épuration en France : elle a touché 0,94 % des Français contre 3,74 % des Danois, 4,19 % des Hollandais, 5,96 % des Belges. Le record est norvégien : 6,33 %. Cela fait beaucoup de monde quand même : 700 policiers parisiens arrêtés, 5 000 suspendus dans toute la France. 11 343 fonctionnaires ont fait l'objet de sanctions ... Au total, 126 000 internés, 160 000 dossiers instruits, 87 000 condamnés: de la dégradation nationale à la peine de mort. La sévérité de la SFIO Des partis d'avant-guerre, la SFIO s'est montrée la plus sévère 96 des 151 membres survivants du groupe parlementaire d'avant-guerre ont été expulsés ou suspendus en novembre 1944... Deux forteresses, l'Eglise, qui s'en tira avec huit évêques démis de leur siège épiscopal, et l'Académie française: Abel Bonnard et Abel Hermant ont perdu leur fauteuil et ont été aussitôt remplacés, mais les fauteuils vides de Philippe Pétain et de Charles Maurras le sont restés jusqu'à leur mort... L'épuration n'en a pas moins mécontenté tout le monde. Des résistants, qui l'ont trouvée trop lente et trop indulgente, à l'autre camp, qui en a dénoncé l'injustice et la sauvagerie... D'amnistie en amnistie, 62 condamnés étaient toujours emprisonnés en 1956, 19 en 1958, plus personne en 1964.
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