Les caractéristiques des marchés scolaires
Publié le 01/05/2024
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Table des matières
Les caractéristiques des marchés scolaires.............................................2
Des marchés officieux et opaques...........................................................2
Un marché non régulé par les prix..........................................................3
Un marché de la qualité..........................................................................4
Le fonctionnement des marchés scolaires de la qualité...........................6
Du côté des familles : comment « choisir » son établissement ?...........6
Du côté des collèges et des lycées : comment trouver une clientèle ? ..10
Du côté de l’administration scolaire : réguler ou participer au marché ?
.............................................................................................................12
Le rôle des collectivités locales.............................................................13
Les conséquences des marchés scolaires : une segmentation accrue de
l’offre....................................................................................................15
Une segmentation accrue de l’offre.......................................................15
Effet feed-back et renforcement des inégalités scolaires.......................16
L’étude des marchés scolaires et de leurs conséquences sur les inégalités
est aujourd’hui un des objets privilégiés de la sociologie de l’école.
En
témoigne le nombre non négligeable de travaux qui traitent des choix
d’établissement, des marchés scolaires et des « interdépendances
compétitives » entre établissements soit de manière centrale, soit de
façon périphérique.
Comme souvent lorsque l’on aborde les questions
scolaires, les résultats scientifiques alimentent le débat public, qu’il
s’agisse de la « carte scolaire » et des limites de son application, de la
responsabilité des différents acteurs dans la construction même des
inégalités liées aux différences entre établissements, ou encore des
formes de ségrégations scolaires dans leurs relations avec les
ségrégations urbaines.
Ces objets sont donc de première importance pour
le débat scientifique, mais aussi pour le débat public concernant les
questions d’éducation et de scolarité.
L’une des questions est pourtant de savoir comment définir ces « marchés
scolaires ».
L’usage du modèle de l’économie néoclassique est, on le sait,
trop peu satisfaisant.
L’idée d’un marché fruit de la rencontre entre une
« offre » et une « demande » ne résiste pas longtemps à l’analyse dans le
domaine éducatif.
Et ceci pour une raison essentielle : l’offre scolaire est
en France, mais aussi dans la plupart des autres pays, régie et régulée par
la puissance publique.
Elle n’est donc pas le résultat d’un pur mécanisme
de marché.
Les économistes, et avec eux les sociologues, considèrent que
le concept de « quasi-marché » rend bien mieux compte de la nature des
échanges dans le domaine scolaire.
La réforme engagée par le
gouvernement Thatcher avec l’Education Reform Act de 1988 a suscité
l’usage de cette notion pour rendre compte de la double nature de
l’organisation scolaire britannique issue de cette réforme : le choix de
l’établissement est laissé aux parents, mais l’État garde la main sur la
définition des curricula, la création d’établissements ou d’options et la
formation des enseignants.
En un mot, l’offre scolaire reste en grande
partie définie par la puissance publique.
Il s’agit donc bien d’un quasimarché.
Cette définition rend assez bien compte des contextes éducatifs
britannique, belge ou hollandais.
Toutefois, elle est moins adéquate dans
le cas français où le choix de l’établissement reste un élément
« officieux » du fonctionnement scolaire, ce qui complexifie
nécessairement l’analyse.
Le propos de cet article est de mettre en œuvre une analyse des marchés
scolaires à partir des catégories de l’économie de la qualité.
Cela suppose
de considérer ces marchés non pas seulement par leur caractère
« hybride » de quasi-marchés, mais de faire l’hypothèse que la dimension
la plus structurante est celle de la qualité scolaire de l’offre, à la fois
hétérogène, difficile à percevoir par les « consommateurs », et centrale
dans les préoccupations des familles.
Cette approche, dont on trouve les
prémices dans les travaux de Nick Adnett et Peter Davies en GrandeBretagne (2000) sera construite à partir des données empiriques issues de
deux terrains d’enquête français.
L’un sur l’efficacité des lycées et sa
mesure), l’autre sur la ségrégation ethnique au collège.
Après une
description de la nature et du fonctionnement des marchés scolaires de la
qualité, nous en étudierons les conséquences sur la base de nos données
d’enquête.
Les caractéristiques des marchés
scolaires
Des marchés officieux et
opaques
Il n’y a pas en France de marché « officiel » de l’enseignement.
L’offre
scolaire se présente comme égale et uniforme, tant au niveau primaire
que secondaire.
Cette offre est régie par l’État et ses administrations
déconcentrées dans les académies.
Même l’existence d’un secteur privé
d’éducation sous contrat n’implique pas un réel fonctionnement selon les
règles du marché, car les deux secteurs proposent la même offre scolaire,
en termes de programmes, de formation des enseignants et d’organisation
scolaire.
Le choix est certes possible, mais l’offre éducative est censée
être uniforme.
Rappelons aussi que personne ne paie directement le
« prix » réel de l’éducation, dans le privé comme dans le public.
Seuls les
choix religieux ou moraux sont laissés à la libre appréciation de chacun,
tout au moins officiellement.
Le « marché » scolaire en France est donc toujours plus ou moins
légitime, voire clandestin, et cela lui confère une de ses caractéristiques
essentielles : il est « officieux », ce qui renforce son caractère opaque
pour les usagers de l’école.
Le marché est nié en tant que tel puisque
l’offre est censée être uniforme et égale pour tous jusqu’à la fin de la
scolarité au collège, et que la carte scolaire régit les affectations dans les
établissements.
Le « marché scolaire » ne se reconnaît pas en tant que tel
et se nourrit des disparités entre établissements : disparités sociales,
scolaires et ethniques.
Cette opacité est renforcée par le fait que tous les
établissements ne sont pas soumis à une tension forte sur un marché.
Il
s’agit plus « d’espaces de concurrence » que de véritables marchés :
l’échange est toujours localisé entre quelques établissements.
La mobilité
des personnes, nécessairement limitée, implique en effet que les
« marchés scolaires » soient toujours circonscrits à des espaces restreints.
Ce phénomène reste vrai, y compris dans des systèmes scolaires très
libéralisés comme ceux prévalant en Belgique ou dans les pays
anglosaxons.
Par l’alchimie complexe entre les dimensions urbaines,
sociales et scolaires, certains collèges et lycées ont simplement les élèves
qu’ils devraient avoir compte tenu de leur situation spatiale.
Leur public
est, pour ainsi dire, défini par la carte scolaire elle-même.
Pour d’autres,
les tensions sont fortes et leur public se retrouve défini par des
mécanismes plus proches de ceux d’une concurrence entre
établissements.
Ainsi, les marchés scolaires (et, ici le pluriel se justifie) se
présentent comme « des marchés à trous », ce qui complexifie à la fois
leur analyse et les mécanismes de choix pour les parents.
L’opacité est
donc renforcée par le caractère localisé de ces marchés.
Il est complexe
de définir de façon précise la proportion d’établissements « dans » et
« hors » marchés scolaires car il s’agit plus souvent d’un continuum que
d’une séparation nette entre des situations très contrastées.
La définition
même du « choix » de l’établissement par les familles est difficile à
quantifier car l’on peut choisir le collège ou le lycée de son secteur, choisir
d’adopter des stratégies, résidentielle ou scolaire, ou encore ne rien
choisir du tout.
De ce fait, la quantification des choix est impossible car ils
ne se réduisent pas aux demandes de dérogation formulées auprès de
l’administration scolaire.
On peut toutefois approcher l’ampleur de ces
choix par leurs conséquences sur le public des établissements.
Une
recherche sur l’ensemble des lycées d’Aquitaine du secteur public et privé
a montré que pour environ la moitié des établissements les effets de
marché transformaient significativement la nature de leur public scolaire.
Dans la même perspective, notre enquête sur la ségrégation ethnique
dans les collèges a montré que la concurrence entre établissements
n’avait que peu de conséquence à l’échelle d’une agglomération, mais de
très forts effets ségrégatifs sur des espaces localisés rassemblant trois ou
quatre collèges.
La notion de « marché à trou » exprime donc bien cette
situation dans laquelle les effets de concurrence ne s’appliquent que
partiellement et localement, simplement parce qu’elle n’existe pas entre
tous les établissements.
Un marché non régulé par les
prix
Mais le caractère officieux et opaque du marché scolaire n’épuise pas ses
caractéristiques.
Le caractère central de la qualité et les difficultés de sa
perception par les familles est aussi le résultat d’un marché non régulé par
les prix.
On sait que dans le modèle traditionnel des marchés, le prix joue
un rôle central de régulation en hiérarchisant les produits et en donnant
une mesure de leur qualité.
Il constitue, comme le rappelle François
Eymard-Duvernay, « l’opérateur universel de mise en équivalence : tous
les biens, l’ensemble des prestations de travail sont ainsi évalués sur une
échelle de mesure unique ».
Dans certaines situations pourtant, la théorie
économique prend en compte le fait que le prix ne donne pas une
information fiable sur la qualité du produit.
Lorsque l’asymétrie
d’information entre l’offreur et le client est trop grande, comme dans le
cas du marché des voitures d’occasion étudié par Akerlof (1970), le prix
n’est plus une mesure fiable de la qualité, perturbant ainsi le
fonctionnement « normal » du marché.
Dans le cas des marchés scolaires,
il n’y a pas de prix donnant une information sur la qualité des écoles.
Même et....
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