Les Animaux malades de la Peste
Publié le 23/01/2025
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«
LECTURE ANALYTIQUE QUI MELE ANALYSE THEMATIQUE ET LINEAIRE // droits d’auteur réservés…
Depuis Esope (VIe siècle av.
J-C) et Phèdre (Ier siècle), en passant par les conteurs du Moyen Age,
la fable1 est un genre connu, populaire, didactique.
Ce n’est pourtant qu’avec Jean de La Fontaine (16211695), que la fable acquiert une place importante dans la littérature, qu’elle cesse d’être un genre « bas »,
sous-estimé.
La fable qui nous est présentée s’intitule « Les Animaux malades de la peste », elle est parue dans le 7 e livre
des Fables, La Fontaine maîtrise son art comme jamais.
Ce long récit, aux registres variés, relate les
événements déclenchés par l’horrible maladie : le Lion exige de ses courtisans une confession publique afin
que le plus coupable soit puni et donné en sacrifice pour que cesse la colère divine… Mais, le véritable
propos de cette fable est une satire sociale et politique.
Le poète y critique le comportement des puissants et
l’arbitraire de la justice humaine.
Mais comment La Fontaine a-t-il défendu la morale du juste ? Y
parviendra-t-il d’ailleurs ? Pour répondre à ces questions, nous nous pencherons sur l’art du conteur, puis
sur l’art de la mise en scène, si caractéristique de La Fontaine.
(I- L’art du conteur)
(1) La composition relève d’un schéma simple et complexe en même temps.
Pour les anciens, la
fable est composée d’un récit, le « corps de la fable », et d’une morale, « son âme ».
L’analyse de la structure peut se révéler plus complexe.
A première vue, on peut repérer trois étapes : un préambule qui explique les raisons pour lesquelles
le roi va tenir conseil (l.1-14) ; puis le soi-disant « conseil des animaux », où chacun doit se confesser
publiquement pour calmer la colère divine (l.15-62), et enfin un seul distique final qui comporte la morale,
comme dans beaucoup de fables.
Cependant, il est clair qu’une autre composition peut apparaître.
En ce cas, on aurait un récit
construit en 5 parties.
Cette construction en cinq parties rappelle le schéma narratif de V.
Propp : situation
initiale ( l.1-14 : le tableau terrifiant ), élément perturbateur (le discours du lion), péripéties (vv.34-48 : le
discours du renard, puis l’intervention malencontreuse de l’âne - vv.49-60), l’élément de résolution (la
condamnation de l’âne, vv.49-60), situation finale (l’exécution de l’âne).
Mais il semble évident que la construction en cinq « actes » rappelle aussi la tragédie et que cette
interprétation convient particulièrement bien au sujet développé.
De surcroît, au-delà de cette structure qui
montre l’art du poète, nous allons voir que les registres sont employés d’une façon tout aussi habile.
(Récapitule et annonce la partie suivante.)
(2) Notons l’importance et la variété des registres.
Par exemple, le tableau initial est à la fois
tragique, épique, et déjà ironique.
(v.1 à 14)
En ce qui concerne la dimension tragique, « un mal » fait l’objet d’une anaphore (vers 1 et 2), on ne
sait pas de quoi il s’agit à cause de l’indéfini « un ».
Il y a un effet de retardement et de tension, une
dramatisation, ou une certaine répugnance de la part du narrateur à évoquer « la peste », sans doute à cause
de la peur qu’elle soulève dans les esprits, et ce n’est donc qu’au vers 4-5 que le locuteur « ose » la
nommer.
Cette dimension tragique est soulignée par les mots à la rime « terreur, fureur, guerre » (vv.1,2,6),
et par une allitération en l et r sur les 3 premiers vers.
Le chiasme 2 « Ils ne mouraient pas tous, mais tous
étaient frappés » (v.7) suggère qu’il n’y a aucun espoir possible et que toutes les classes sont touchées.
L’emploi de l’imparfait montre d’ailleurs que cette catastrophe a duré un temps indéfini.
On pourra voir
dans ce thème une allusion d’Œdipe de Sophocle 3 et n’oublions pas qu’au XVIIe siècle, les médecins
parlent « d’humeur peccante » pour la fièvre, « peccante » signifiant « due au péché », de « peccare » :
pécher…
En dépeignant cette peur ancestrale, ce passage relève donc, en même temps, du registre épique.
En effet, les termes « répandre », « Achéron4 », « Ciel » (v.16) et « guerre » confèrent une dimension
biblique et mythique à cet événement, et on peut alors parler de registre épique ; il y a effectivement un
agrandissement digne des grands récits mythologiques...
Ce n’est plus la peste qui ravage la population,
mais une punition divine, « un céleste courroux » (v.19) qui vient frapper les animaux.
Enfin, les vers 8 à 14 relèvent encore du registre tragique mais aussi du registre ironique.
Là, le conteur
s’amuse visiblement de ce qu’il décrit.
Certes, les conséquences de la maladie sont tragiques.
Dans ces vers,
elles touchent la vie sociale et morale : tous les rapports qui existaient sont perturbés (l’appétit, la chasse,
Récit court qui a pour but de faire passer une leçon morale.
Construction en croisement (grammatical ou sémantique).
3
Thèbes est envahie par la peste, qui est un châtiment des dieux, et on recherche le coupable.
4
Chez Homère et Virgile, les ref.
à la mythologie étaient courantes et connues de tous au XVIIe.
1
2
1
l’amour).
L’accumulation des négations, « On n’en voyait point …Nul mets … ni loups ni renards… plus
d’amour.
» (vv .
9-10-11-14), insiste sur la destruction de ces instincts de survie (la nourriture et
l’accouplement).
L’oxymore « une mourante vie » (v.9) montre à quel point les valeurs de l’existence sont
niées par la maladie.
Cependant, que dire des vers 11-12 et 13-14 ?
Ne font-ils pas, en même temps, sourire ? L’expression « douce et innocente proie », ironique, et la
brièveté du vers « Plus d’amour, partant plus de joie.
» contrastent avec le tableau tragique des premiers
vers.
L’allusion nette au peuple des opprimés peut se lire dans la première, une tonalité lyrique dans la
deuxième.
On notera que tout ce passage (vv.10-14) est justement écrit en octosyllabes, et que le poète n’y a
pas inséré d’alexandrin comme plus haut.
Ce passage n’est donc plus aussi tragique qu’il n’y paraît.
Le
poète n’est pas sérieux, il s’amuse aussi de ce qu’il raconte.
Au moins trois registres sont exploités en
quelques vers.
A ceux-là, en plus, s’ajoute l’art de l’ellipse (ou l’art d’une narration rapide et marquée par la
légèreté).
(3) En effet, la narration chez La fontaine est vive, rapide, justement grâce aux formules
elliptiques.
Notons l’emploi du participe présent qui résume le malheur des animaux au vers 14 : « Plus
d’amour, partant plus de joie », remarquons l’emploi de la proposition infinitive au vers 43 : « Ainsi dit le
renard ; et flatteurs d’applaudir » : autant de procédés pour relancer l’allure du récit.
A nouveau, lisons la
chute de la fable, qui concerne l’exécution du pauvre âne, particulièrement elliptique et sommaire : « Rien
que la mort n’était capable d’expier son forfait : on le lui fit bien voir.
»
On pourra sans doute dire que les vers irréguliers de cette fable 5, avec leur alternance d’octosyllabes et
d’alexandrins, participent eux aussi à la rapidité du récit.
A la lecture, le vers devient naturel, seuls les mots
importants sont mis en valeur.
Composition simple et efficace, variété des registres, rapidité du style… Pourtant, l’art du poète ne
peut être résumé à cela : La Fontaine est plus qu’un conteur, c’est un metteur en scène (virtuose ! Ajoutez si
vous le pensez…).
(II) Etudions l’art de la mise en scène dans la caractérisation des personnages et le recours à toutes
les formes des paroles rapportées.
Chacune des prises de parole ici relèvant du dialogue argumentatif.
(1) Chose convenue dans le genre de la fable, les personnages renvoient à une caractéristique
morale attendue.
On dit que le fonctionnement de la fable est allégorique : une idée est exprimée par un
objet, un être ou un animal.
Par exemple, les « tourterelles » (v.13) sont inévitablement associées à l’amour
dans notre imaginaire collectif.
Le lion, bien sûr, incarne la puissance et le pouvoir.
Le renard,....
»
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