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Léon XIII

Publié le 16/05/2020

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« Léon XIII 1810-1903 Léon XIII s'est acquis dans l'Histoire la réputation d'avoir été le premier pape du XIXe siècle à essayer de comprendre son époque.

Son pontificat ne peutpas se résumer à un simple contre-pied de celui de Pie IX.

Mais deux tempéraments différents et deux cultures dissemblables donnèrent le sentiment quel'Église passait brusquement de la résistance au mouvement.

Or le génie de Léon XIII consista dans une alliance subtile de la souplesse et del'intransigeance.

Favori des modérés et en particulier des Français au conclave, le cardinal Pecci, camerlingue depuis 1877, fut élu au troisième tour.

Iln'était pas une figure notable des milieux romains.

Né en 1810 dans une famille de petite noblesse du Latium, V incenzo Gioacchino Pecci entra en 1824 aucollège romain de l'Académie des nobles et fut ordonné prêtre en 1837.

Jeune clerc de la maison de Grégoire XVI, il se montra soucieux, comme ilconvenait, de fare una carriera et fut mis à l'épreuve dès 1838 par une nomination comme délogat à Bénévent, puis en 1841 à P érouse.

Dans l'exercice defonctions administratives et judiciaires délicates en un temps où les aspirations libérales de l'opinion étaient étouffées par le parti des Zelanti(Intransigeants), Joachim P ecci réussit à concilier l'accomplissement de sa tâche avec la démonstration de qualités humaines qui lui valurent une raresympathie.

Son esprit de finesse trouva l'occasion de s'employer avec plus d'ampleur dans la charge de nonce à Bruxelles pour laquelle il fut désigné en1842.

Dans un jeune État dirigé par un prince protestant et que Grégoire XV I avait désiré ignorer pendant longtemps, le nonce Pecci parvint à s'imposer auroi et à affirmer l'autorité de Rome.

Toutefois, son habileté se refusa à éviter un conflit sur la question scolaire et il fut rappelé à la demande du roi.

Le papele désigna comme évoque de Pérouse.

La même année, Pie IX succédait à Grégoire XV I, pour la joie des libéraux très tôt déçus.

Mgr Pecci allait traversersans transfiguration un pontificat tourmenté.

Il fut élevé à la pourpre en 1853, mais il n'entra jamais dans la faveur de Pie IX ni de son entourage.

Suspectde libéralisme aux yeux du pape, il entretenait de son côté certaines réserves sur le comportement sans nuances de Pie IX.

Il préféra se taire au concile.Cependant, les trente-deux ans passés sur le siège de P érouse furent un temps de maturation dans la lecture, la méditation et la mise au point d'une penséepersonnelle.

Le cardinal Pecci avait acquis pendant sa nonciature en Belgique une certaine connaissance de l'Europe parlementaire et industrielle par desvoyages à Cologne, à Paris et à Londres.

Il en résultait chez lui un sens des réalités contemporaines qui le différenciait de P ie IX, clerc émotif et pieux d'uneItalie rurale et encore féodale.

Libéral, le cardinal P ecci ne l'était pas.

M ais en 1864, année du Syllabus, il reconnaissait dans un mandement que lacaractéristique fondamentale des temps était “ la séparation des deux sociétés civile et religieuse, la religieuse devenant subordonnée à la civile ”.

Ilsentait qu'il ne suffisait plus à l'Église de nier pour continuer de s'affirmer.

Une semblable attitude était propre à créer le changement attendu par tous à lamort de Pie IX. Les résultats les plus spectaculaires et les plus rapides furent obtenus dans le domaine diplomatique.

Léon XIII renonça, hors d'Italie, à la figure de martyrdans laquelle s'était complu Pie IX et compensa sa position d'assiégé dans le Palais du V atican par l'acquisition d'une situation de puissance à puissanceauprès des autres États.

Les nonces représentèrent dorénavant un intermédiaire capital entre le Souverain Pontife et les pouvoirs publics, la hiérarchie, lesfidèles.

Léon XIII, par le canal de leur influence, mit la main sur les esprits et les volontés des catholiques et n'hésita pas à sacrifier le Zentrum à la fin duKulturkampf en Allemagne, à empêcher A lbert de Mun de fonder en France un parti catholique en 1885, à remplacer en Suisse des évêques difficiles auxautorités.

Cette volonté de conciliation dépassa le cadre étroit de l'Europe à l'ouest de l'Elbe.

Une ouverture fut cherchée vers le monde slave par l'envoid'un représentant au couronnement d'Alexandre III en 1882 et des manifestations d'intérêt pour les Églises chrétiennes d'Orient.

La Grande-Bretagne futhonorée par l'élévation à la pourpre de M gr Manning en 1879, un rapprochement fut esquissé avec l'Église anglicane et des liens d'estime furent établisavec les Etats-Unis.

Intraitable sur la question romaine, la papauté se donnait à l'extérieur de l'Italie une autorité destinée vraisemblablement, dans l'espritde Léon XIII, à impressionner celle-ci et à la conduire à trouver les voies d'une entente.

M ais la diplomatie subtile de Bismarck et les jeux d'intérêts aprèssa disgrâce firent pièce au plan du pape : la signature de la Triple Alliance en 1882 et son renforcement dans la Triplice posèrent la monarchie italienne enrivale heureuse auprès des puissances d'Europe centrale.

En France, le Ralliement proposé le 12 novembre 1890 par le cardinal Lavigerie suscita beaucoupde trouble dans les consciences et n'amena qu'un apaisement de courte durée.

L'affaire Dreyfus relança la lutte anticléricale avec violence. Si le rôle de la papauté sur la scène internationale ne fut pas toujours à la mesure des espérances de Léon XIII, son influence fut considérable dans ledomaine doctrinal.

L'apport de Léon XIII consista à instaurer un équilibre entre les refus traditionnels et les adaptations nécessaires.

Plus qu'on ne le vit àl'époque, sur bien des points, il confirma les enseignements de Pie IX.

Il s'éleva contre le libéralisme laïciste et anathémisa la franc-maçonnerie.

Il insistasur le rôle éminent de la dévotion dans la foi et notamment de la dévotion à la V ierge par neuf encycliques successives.

En 1899, il consacra le mondeentier au Sacré-Cœur.

Mais, à considérer les choses plus profondément, on peut dire que Léon XIII, avec un sens rare de l'opportunité, élabora la sommepositive du Syllabus.

A insi, dans le domaine politique, il prit position sur le fondement de la souveraineté (Enc.

Diuturnum Illud, 1881), sur le libéralisme(Enc.

Immortale Dei, 1885), sur les libertés civiles et politiques (Enc.

Libertas P raestantissimum, 1888), sur les devoirs du citoyen envers l'État (Enc.Sapientiae Christianae, 1890).

Sans renier le fond de la doctrine constituce, Léon XIII parvint à “ faire preuve d'hospitalité à l'égard de toutes les légitimesconquêtes de l'esprit humain ” (G.

Goyau).

De même, dans le domaine théologique et intellectuel, il remit l'enseignement et la démarche de saint Thomas àl'honneur.

Il marqua, devant les exigences du rationalisme, que l'Église n'avait rien à craindre de l'Histoire, qu'elle avait le devoir de remonter aux sourcesde son origine et que Dieu “ n'a pas besoin de nos mensonges ” (Enc.

A eterni Patris, 1879, et Providentissimus, 1893).

Il institua à cet effet, en 1902, unecommission biblique et ouvrit aux chercheurs les archives du Vatican. Rien ne reflète mieux la position d'entre-deux propre à l'enseignement de Léon XIII que l'encyclique Rerum Novarum, promulguée le 15 mai 1891.

Le climatsocial des années quatre-vingts, le développement de l'anarchisme, l'influence croissante du socialisme amenèrent le pape à réagir à la fois entraditionaliste et en novateur.

Il se déclara adversaire du socialisme et de la lutte des classes (Enc.

Q uod Apostolici, 1878) et réaffirma la vigueur de lafamille comme base de la société (Enc.

A rcanum, 1880).

Mais en pasteur, qui, à Pérouse, en 1875, avait fondé les “ Jardins de saint Philippe Néri ” sur lemodèle des Cercles catholiques d'ouvriers animés en France par les frères de M un et la Tour du Pin, il souhaitait que l'Église prît fait et cause en faveur d'unordre social fondé sur la justice. Rerum Novarum fut la synthèse dirigiste d'aspirations aux fonds mêlés, propres à certains catholiques des grands pays industrialisés d'Europe.

C ertes, laquestion ouvrière y est ramenée à un problème moral.

Mais Léon XIII eut le mérite de faire entendre la voix de l'Église sur des questions considéréesjusqu'alors comme extérieures à la foi, qu'il s'agît du juste salaire, des conditions de travail, du droit des ouvriers à s'organiser, du devoir des patrons de lesécouter.

La portée et l'impact de l'encyclique furent considérables. Les dernières années du pontificat, comme il est fréquent, furent marquées par un durcissement de la part de Léon XIII qui apparut plus soucieux desauvegarde que d'imagination.

Le contraste entre les grandes encycliques positives du pontificat et les dernières comme Testem Benevolentiae en 1899(condamnation de l'américanisme) et Graves de C ommuni en 1901.

(réserves à l'égard de la démocratie) souligna le raidissement du pape influencé par lesmilieux conservateurs autour du cardinal Mazella.

M ais sa mort en 1903 suscita une émotion générale à la mesure du prestige conservé par la papauté etde 1'affection que Léon XIII avait su gagner auprès des catégories sociales longtemps ignorées par l'Église.

Pape de mesure et de discernement, Léon XIIIavait orienté l'Église vers des voies inévitables si elle voulait allier la présence au monde au maintien de la vérité de l'Évangile.

A sa mort, la magistraturespirituelle et morale de Rome, gage d'unité dans la diversité, qui semblait être périmée en 1878, était sauvegardée.. »

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