Légitimité du droit et désobéissance civile
Publié le 05/03/2021
Extrait du document
«
LEGITIMITE DU DROIT E T DESOBEISSANCE CIVI LE
1.
Désobéissance civile et objection de
conscience
Dans l’optique fondationnelle contemporaine (Rawls,
Habermas, Dworkin,…), celui qui pratique la
désobéissance civile, par exemple s’il s’oppose à
l’expulsion des mal -logés, s’il bloque un train de déchets
nucléaires, etc.
accomplit ses actes pour obtenir d’une
majorité de ses concitoyens un changement de la loi.
En ce sens, il enfr eint une loi particulière mais ne remet
pas en cause le système dans son ensemble, qu’il veut
même, ou prétend vouloir, améliorer.
Cela suppose
qu’indépendamment de l’acte, celui qui pratique la
désobéissance civile argumente pour convaincre.
Il faut donc distinguer ce type de militant de l’objecteur
de conscience .
Ce terme est en général utilisé à propos de ceux qui
refusent d’effectuer leur service militaire, quand celui -ci
est obligatoire, mais il peut être généralisé : celui qui
refuse une transfusion sanguine au nom d’un interdit
religieux pratique l’objection de consci ence, c’est -à-dire
qu’il s’oppose en ce qui le concerne à l’application de la
loi pour une raison morale ou de conscience personnelle.
C’est la différence avec la désobéissance civile :
l’objecteur ne veut pas nécessairement changer la loi, il
ne milite pas forcément pour que tous refusent de faire
leur service militaire, ou refusent les transfusions, mais
il veut se soustraire aux conséquences de la loi pour lui -
même et ses proches (alors que dans la désobéissance
civile, celui qui, par exemple, bloque l’exp ulsion des
mal -logés n’est pas forcément lui -même un mal logé).
En effet, l ’objecteur fait appel à des motifs ou croyances
personnels qu ’il ne souhaite pas forcément voir se
généraliser dans la société. Il s ’appuie sur des
convictions religieuses ou philosophiques, dont il
considère parfois qu ’ils ne sont acce ssibles qu ’à une
minorité même si la majorité doit leur reconnaître une
sincérité qui mérite qu ’on lui épargne d ’obéir comme les
autres.
Il ne veut pas changer la loi mais sur certains
points vivre en marge de la loi.
La désobéissance civile et l’objection de conscience
doivent aussi se différencier de la militance des
révolutionnaires, qui veulent détruire l’ordre juridique
présent dans son ensemble (pas s eulement le modifier
sur quelques points ou s’en exempter), une attitude qui,
si le système est démocratique, ne peut cependant être
argumentée.
2.
Différence des moyens employés
La désobéissance civile et l’objection de conscience se
différencient dans leur mod e respectif de pratique de la
non -violence, ou de résistance passive.
Le militant de la désobéissance civile veut en général
agir publiquement, parce que son objectif est, à travers
une action illégale, de faire évoluer l’opinion de manière
à faire changer la loi ou son application.
Il veut ouvrir un
débat, attirer l’attention sur une imperfection du système
juridique et en ce sens il est réformateur.
De même, le militant de la désobéissance civile ne
cherche pas à échapper aux conséquences légales de son
action (il peut accepter d’aller en prison, sans fuir dans
la clandestinité).
Enfin, le militant de la désobéissance civile n’agit pas de
manière violente contre les personnes : il bloque des
routes, des passages à niveaux, s’accroche à des arbres,
etc.
S’il peu t éventuellement s’attaquer à des biens, c’est
de manière symbolique : il démontera un Mac Donald,
mais ne s’attaquera pas à tous les Mac Donald.
La non -violence du militant de la désobéissance civile
est censée témoigner de son respect global de l’ordre
juridique et de sa volonté d’ouvrir un espace de
communication, ec qui impliquele respect d’autrui que
la violence nie.
L’objecteur de conscience ne cherchant pas à modifier la
loi (par exemple à interdirele service militaire et la
guerre), n’a pas besoin d’ une prise de conscience
collective pour généraliser son attitude, mais désirant
obtenir une exception à la loi, il revendique au moins sa
liberté de vivre selon sa conscience.
Son combat est
parfois public, mais l’objecteur de conscience pourra
aussi se ca cher ou changer d’identité pour échapper à la
loi.
L’objecteur de conscience n’utilise pas non plus la
violence parce qu’il considère que sa revendication
s’appuie sur les droits d’une conscience libre, qui garde
sa liberté même en prison (où les objecteur s de
conscience contre le service militaire sont parfois jetés).
Le révolutionnaire ne reconnaît pas l’opinion publique
de la société démocratique comme un juge objectif, apte
à comprendre ses revendications.
Pour lui, le peuple est
trompé, abruti ou corro mpu (les trois aussi).
Doncl’action de persuasion est insuffisante.
La lutte violente (guérilla, émeutes, terrorisme, …) et la
clandestinité sont au contraire légitimes,et nécessaires,
si elles sont efficaces.
Le militant de la désobéissance civile ou l’ob jecteur de
conscience peuvent accepter de subir les conséquences.
»
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