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Lecture lineaire Rabelais la naissance de gargantua

Publié le 16/05/2024

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« Lecture linéaire n°7, « La naissance de Gargantua », chapitre 6. Premier mouvement A cause de ce contre temps, une partie du placenta se relâcha. On remarque l’utilisation d’un vocabulaire médical, exprimant le savoir de l’auteur, qui annonce un curieux mélange entre érudition et fiction.

La naissance est décrite en termes réalistes, elle démarre comme une naissance ordinaire. L’enfant le traversa d’un sursaut, entra dans la veine cave1, et, grimpant par le diaphragme jusqu’au dessus des épaules (là où ladite veine se sépare en deux), continua son chemin vers la gauche puis sortit par l’oreille de ce même côté. Champ lexical de la médecine qui s’affiche, cf éléments surlignés.

CL du corps également, ce qui renforce l’ancrage réaliste, thème important dans l’œuvre par ailleurs.

Le corps est gigantesque, démesuré, il est le lieu de tous les excès, comme le montre l’épisode où sa mère mange trop de tripes.

Au lieu de descendre par « voie naturelle », l’enfant monte et sort par la tête, ce qui donne une dimension allégorique à sa naissance, qui annonce son rapport au savoir, à l’éducation. Par ailleurs : • une succession de verbes au passé simple décrivant le chemin, verbes d’action, qui expriment le mouvement. • des CC de lieu qui prétendent décrire avec précision le chemin, comme si c’était exact et réel. • l’enfant est déjà vivant et actif, il ne subit pas l’évènement, mais le créé. Dès qu’il fut né, il ne cria pas, comme les autres bébés : « Mies2 ! Mies ! Mies ! ». Caractère extraordinaire de l’enfant annoncé : il n’est pas « comme les autres ».

c’est un personnage hors norme, hors du commun, et sa naissance l’inscrit d’emblée dans un registre extraordinaire, voire épique : c’est l’épisode fabuleux de la naissance du héros. Rabelais se moque des légendes mythologiques.

Il y fait référence, montre sa culture, mais s’en moque en même temps.

Intertextualité au cœur de l’œuvre. Mais, à haute voix, il s’écria : « A boire ! A boire ! A boire ! », comme s’il invitait tout le monde à boire.

Et si fort qu’il fut entendu dans tout le pays de Beuxes et du Bibarais3. • Renforcement de l’idée, non d’un bébé, mais d’un enfant, qui parle déjà.

Il demande de la boisson, thème central de l’œuvre, car la boisson est désir de savoir, c’est une métaphore de l’appétit de culture et de savoir. 1 2 3 Veine qui ramène le sang vers le cœur. Allusion à une légende antique, le roi égyptien Psammétique, voulant savoir quelle langue était la plus ancienne, fit enfermer deux nourrissons dans un isolement total.

Lorsqu’ils crièrent, ils prononcèrent le mot « becus » pain en phrygien.

Rabelais utilise « mies » (de pain) pour se moquer. Jeu de mot sur le Vivarais, et le mot boire.

Beuxes, ville de Touraine, évoque aussi le verbe boire. • Cris de l’enfant extraordinaire aussi, car tout le pays l’entend. • Allitération en -b Transition : une naissance qui fait du personnage un héros extraordinaire, par le lieu de sa naissance, mais aussi ses paroles et son désir de boire, métaphore de la connaissance qui viendrait le remplir. Pourquoi cette naissance par l’oreille ? Depuis l'Antiquité, l'oreille est associée à la mémoire; c'est le lieu de vécu qui remonte jusqu'au fœtus dont les sons lui parviennent au travers la paroi utérine. Au cours du Haut Moyen Age la conception de Jésus a été symbolisée par la pénétration du Saint esprit dans l'oreille de Marie. En Inde, l'oreille symbolise la connaissance et la perfection: les oreilles de Ganesh séparent le bien du mal, ouvrent les voies du savoir. En Chine: les oreilles longues sont en lien avec la noblesse et le mérite.

Plus elles sont longues, plus nombreuses ont été les réincarnations, dans le bouddhisme. ➔ Le thème du savoir est donc sous jacent derrière cette naissance extraordinaire, à travers les oreilles, mais aussi le vin ou la boisson. Deuxième mouvement Je suppose que vous ne croyez pas en cette étrange nativité4.

Si vous n’y croyez pas, je ne m’en soucie guère. • Parole de l’auteur qui vient rompre l’illusion narrative et perturber la croyance à la fiction. Un « je » s’adresse à un « vous », utilisation présent d’énonciation, moment de la lecture et de l’écriture coïncidant, créant une rencontre auteur + lecteur. • Allusion à un des dogmes les plus importants de la Bible : la naissance de JC miraculeuse, alors que Marie est vierge.

Cette remise en cause est dangereuse : ne pas croire que Gargantua ait pu naître de cette façon, n’est ce pas ne pas croire en la possibilité de la naissance de JC telle que racontée dans la Bible ? • Déclaration de fausse indifférence de l’auteur comme une figure de prétérition, qd on attire l’attention sur une chose tout en prétendant ne pas en parler.

La suite va contredire cette phrase puisque l’auteur continue à tenter de nous convaincre de la véracité de son récit. Mais un homme de bien, un homme de bon sens, croit toujours ce qu’on lui dit et ce qu’il trouve écrit. Ironie : il faut bien entendre le contraire.

Insistance avec le parallélisme au début de la phrase, l’adverbe de temps « toujours » et l’usage du présent de vérité générale.

Remise en cause de l’opinion commune, des choses colportées, et des écrits, qui peuvent être mensongers. 4 Rabelais fait allusion à la légende selon laquelle JC serait né de l’oreille de Marie. Visée du texte : il nous pousse à remettre en cause nos mécanismes de croyance, d’adhésion à certains discours.

Rationalisme du médecin qui s’exprime ici.

Il faut bien lire le texte comme un texte double : ce qui est écrit, la lettre, et ce qui est en dessous, l’esprit. Est-ce contre notre loi, contre notre foi, contre notre raison, contre les Saintes Écritures ? Pour ma part, je ne trouve rien dans la Sainte Bible qui s’y oppose. Répétition + gradation : le thème de la religion et de la foi sont clairement abordés.

Périphrase « saintes écritures » qui met en valeur leur sainteté. Sarcasme de l’auteur qui se moque des écritures.

Il est en train de dire que la Bible n’est pas plus incroyable que son propre récit.

Il nous pousse à réfléchir sur nos croyances. Et si telle avait été la volonté de Dieu, diriez-vous qu’il n’aurait pu mener à bien cette nativité ? Ha, de grâce! N’emberlificotez jamais vos esprits avec ce genre de pensées stupides. CC d’hypothèse : avec le conditionnel passé, irréel du passé.

Question adressée au lecteur : Dieu peut tout, donc il peut faire naître un enfant par l’oreille.

Sinon, il ne serait pas tout puissant… Marques du discours direct, interjection, exclamation à caractère religieux « de grâce », et ordre donné au lecteur, de ne pas compliquer leurs pensées mais de croire.

Bien sûr ironie et appel au contraire à questionner le dogme.

Antiphrase « stupides ». Car je vous dis que, à Dieu, rien n’est impossible.

S’Il le voulait, les femmes auraient dorénavant leurs enfants de cette façon, par l’oreille. Sorte de discours adressé au lecteur, les pronoms + les temps, situation de discours + verbe « dire », la parole vivante a remplacé le récit au passé.

Le texte a donc bien deux dimensions : un récit fictif et un discours de l’auteur. Forme assertive des phrases, notamment reprise de la formule « A Dieu rien n’est impossible ». Conception traditionnelle de Dieu comme un être tout puissant, omnipotent, omniscient.

Il peut changer le cours des événements / processus naturels. Bacchus n’est-il pas sorti de la cuisse de Jupiter ? Mélange curieux entre foi chrétienne et mythologie, qui semblent mises sur le même plan : ce sont des histoires.

Il y a celle de Rabelais, celle de la Bible, celles tirées de la mythologie… Cette allusion vient encore renforcer la perte de crédibilité jetée sur les textes religieux ou les objets de foi chrétienne ➔ Bacchus est le fils de Jupiter et de Sémélé.

Celle-ci foudroyée à la vue de Jupiter ne peut mener à terme l'enfant qu'elle porte.

Jupiter le coud dans sa cuisse et donne plus tard naissance à Bacchus, dieu du vin, Dyonisos : celui qui est né deux fois. Roquetaillade ne naquit-il pas du talon de sa mère ? Croquemouche de la pantoufle de sa nourrice ? Mélange encore une fois entre récits mythologiques et inventions rabelaisiennes, avec des surnoms humoristiques et imagés, le talon peut faire référence au talon d’Achille, la pantoufle étant un objet prosaïque qui vient surajouter du comique et du farcesque au milieu de ces naissances merveilleuses. Questions, sous forme d’interrogations directes, toujours destinées à mettre en lumière le caractère incroyable et donc peu crédible de ces naissances, alors que Rabelais prétend faire le contraire. Minerve n’est-elle pas née du cerveau de Jupiter, par l’oreille ? Adonis par l’écorce d’un arbre à myrrhe ? Castor et Pollux d’un œuf pondu et couvé par Léda5 ? Énumération des.... »

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