Lecture linéaire : Jean de la Bruyère, "Arrias", Les Caractères, 1688
Publié le 27/03/2025
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«
Lecture linéaire n° 1 : Jean de la Bruyère, « Arrias », Les caractères, 1688
Introduction : La Bruyère écrivain et moraliste du XVIIe S.
Son unique œuvre est Les Caractères (1688), où il cherche à décrire « les
mœurs de ce siècle » (qui est le sous-titre des Caractères).
L’œuvre se présente comme une alternance de portraits et de maximes, réunis
en 12 chapitres abordant chacun un thème particulier (« de la ville », « de la mode », « de l’Homme », « De la société et de la
conversation », « Des femmes », « de la cour »).
Par ailleurs, dans la querelle qui oppose les Anciens aux Modernes, La B appartient au camp des anciens qui revendiquent de s’inspirer des
modèles de l’Antiquité pour composer leurs œuvres => il s’inspire donc du grec Théophraste (4e S avant JC), dont le livre se présentait
avant tout comme une galerie de portraits.
Ce portrait appartient au chapitre 5 des Caractères, intitulé « de la société et de la conversation ».
Dans ce chapitre, La Bruyère élabore
une série de portraits de personnages qui contreviennent aux règles du savoir-vivre et du savoir-parler.
Arrias est le type même du causeur perverti par l’orgueil et la fatuité : il étonne une assemblée de gens courtois par l’insolence de son
propos.
La Bruyère en fait ici une satire.
La Bruyère fait donc ici le portrait d’un homme dans ses relations avec autrui.
Mais derrière
Arrias (un individu), LB peint un type d’individus donc une généralité.
Problématique : Comment la Bruyère fait-il le portrait de l’anti-honnête homme ? ( = satire des faux savants)
Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi ; c’est un homme universel, et il se donne pour tel : il aime mieux mentir que
de se taire ou de paraître ignorer quelque chose.|On parle à la table d’un grand d’une cour du Nord : il prend la parole, et l’ôte à ceux
qui allaient dire ce qu’ils en savent ; il s’oriente dans cette région lointaine comme s’il en était originaire ; il discourt des mœurs de
cette cour, des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes ; il récite des historiettes qui y sont arrivées ; il les trouve plaisantes,
et il en rit le premier jusqu’à éclater.|Quelqu’un se hasarde de le contredire, et lui prouve nettement qu’il dit des choses qui ne sont
pas vraies.
Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l’interrupteur : « Je n’avance, lui dit-il, je ne raconte rien que je
ne sache d’original : je l’ai appris de Sethon, ambassadeur de France dans cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je
connais familièrement, que j’ai fort interrogé, et qui ne m’a caché aucune circonstance.
»|Il reprenait le fil de sa narration avec plus
de confiance qu’il ne l’avait commencée, lorsque l’un des conviés lui dit : « C’est Sethon à qui vous parlez, lui-même, et qui arrive
fraîchement de son ambassade.
»
Plan :
1er mouvement : présentation générale d’Arrias
2e mouvement : l’anecdote : Arrias est mis en situation au cours d’un repas
3e mouvement : Arrias, interrompu et mis en difficulté, répond avec aplomb
4e mouvement : coup de théâtre (chute) qui fait chuter Arrias
Premier mouvement : Présentation générale d’Arrias le pédant
Arrias a tout lu, a tout vu(3), il veut le persuader ainsi(4) ; c’est un homme universel(1), et il se donne pour tel(2) :
il aime mieux(5) mentir(6) que(5) de se taire ou de paraître ignorer quelque chose (7).
La présentation d’Arrias est d’abord générale => présent de vérité générale, qui est celui de la définition (1) et de l’analyse (2).
traits de caractère physique d’Arrias (âge, corpulence, taille, couleur des cheveux) -> traits de caractère moraux du personnage
Cette phrase est construite en deux temps
> 1er temps : pdv d’Arrias sur lui-même : c’est un pdv autosatisfait, l’image qu’il cherche à imposer aux autres, à la société (3).
Ces
fragments de phrase sont construits sur la répétition assez ironique de mots appartenant au champ lexical de la totalité (3) (rythme
binaire) « universel » => dimension hyperbolique, prétention d’Arrias, soi-disant universalité de son savoir.
C’est un homme prétentieux,
> il y a de la parataxe, une absence de lien logique qui souligne ici l’échec du personnage, qui ne réussit pas à convaincre le narrateur
> 2nd temps : le narrateur intervient pour rectifier ce que dit Arrias de lui-même et l’effort qu’il fait pour en imposer aux autres : (4) et
(2), il est dans le registre du paraître, des apparences.
Le mot « persuader » montre qu’il s’agit pour lui de produire un effet sur autrui,
mais par des moyens autres que le savoir ou les connaissances (par le ton de voix, la posture, par exemple…).
Ce second pdv ironique vient détruire l’image qu’Arrias prétendait imposer à la société => le savoir d’Arrias n’est qu’un faux savoir, son
universalité est fausse.
Ainsi, dès le début du texte, LB laisse entendre l’imposture du personnage.
> La suite de la présentation d’Arrias est fondée sur une comparaison (5), qui met en balance deux verbes : (6) et (7).
Là encore, on voit la
tendance d’Arrias au bavardage, à la volonté de se montrer (« se taire » lui est impossible), de tenir le devant de la scène, à la volonté de
paraître et d’en imposer, comme le montre le verbe « paraître ».
C’est donc un personnage superficiel.
Ainsi, le silence ou l’écoute
n’existent pas chez Arrias, qui leur préfère de loin l’erreur ou le bavardage sot.
Il est défini par sa relation avec la parole.
Deuxième mouvement :l’anecdote, la mise en situation
On parle à la table d’un grand d’une cour du Nord : il prend la parole, et l’ôte à ceux qui allaient dire ce qu’ils en
savent ; il s’oriente dans cette région lointaine comme s’il en était originaire ; il discourt des mœurs de cette
cour, des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes ; il récite des historiettes qui y sont arrivées ; il les
trouve plaisantes, et il en rit le premier jusqu’à éclater.
LB raconte une anecdote qui va permettre d’illustrer les principaux traits de caractère d’Arrias.
Il s’agit donc d’un portrait qui cache un
récit ou plutôt d’un portrait en situation, qui nous permet de voir agir et parler le personnage.
Ce portrait est rédigé au présent.
Ce peut
être – un présent de narration, qui rend le portrait dynamique - un présent de vérité générale, qui montre que LB décrit un type humain, un
« caractère » universel, ayant existé de tout temps.
-La Bruyère commence par situer son anecdote : il s’agit d’une scène de repas, une réception (« la table ») chez un noble (le mot « grand »
désignant une personne noble au XVIIe siècle ) ; puis il précise le sujet de la conversation, c’est sans doute un sujet politique (« une cour du
Nord »).
D’emblée, L B installe une distance spatiale importante entre Arrias et cette cour, ce qui lui permet de préparer le piège dans
lequel va tomber Arrias.
- la suite du texte est basée sur une série de courtes propositions qui :
* commencent toutes par le pronom personnel « il » (désignant Arrias), qui montre l’égocentrisme du personnage : lui seul
existe.
* contiennent toutes de nombreux verbes de parole (« prend la parole », « l’ôte », « il discourt », « il récite », « en rit »)
+L’enchaînement paratactique des propositions dynamise le récit et montre la verve d’Arrias, qui ne laisse aucune place à son public : il
l’étouffe sous ses paroles.
*l’énumération «des mœurs de cette cour, des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes » montre la soi-disant
ampleur de son savoir qu’il étale devant tous.
Cela rejoint et illustre l’adjectif « universel », qu’on avait dans la phrase générale du portrait
(phrase 1).
* la comparaison « comme s’il en était originaire » signale le point de vue de L.B qui sous-entend....
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