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LE TEMPS (cours philo)

Publié le 12/05/2024

Extrait du document

« LE TEMPS Nous disons que nous perdons notre temps quand nous le gaspillons en l'employant mal, c'est-à-dire quand nous le laissons s'écouler sans faire efficacement ce que nous devrions faire.

Mais que doit-on faire, à quoi devrions-nous employer notre temps pour ne pas le perdre ? Premièrement, il faut se demander dans quelle mesure cela fait sens de parler d'un temps que je pourrais perdre ou gagner, et qui serait mien, puisque le temps semble bien plutôt s'écouler indépendamment de ma volonté, faisant subir uniformément son emprise sur les choses du monde comme sur moi, quels que soient mes projets et mes activités.

Deuxièmement, il faudra savoir quel projet vaut la peine d'être poursuivi, car la réalisation de certains projets, bien que me faisant remplir mon temps sans rester inactif, représente peut-être en elle-même une perte de temps.

Mais il faudra aussi se demander si tout projet n'est pas une perte de temps.

En effet, travailler à réaliser un projet, c'est repousser à l'avenir ma satisfaction : or s'il y a bien une partie du temps qui peut être dite « mienne », n'est-ce pas le présent ? En outre, la mort semble condamner tous nos projets à la vanité...

Il semble donc aussi primordial qu'urgent de jouir du présent.

Mais comment pourrait-on jouir du présent si d'une part celui-ci ne se loge que dans un instant, qui par définition est sans épaisseur temporelle, sans durée, toujours fuyant, et si d'autre part il ne peut avoir de signification et de valeur que compris dans un projet ? En somme, le problème à résoudre est le suivant : comment pourrais-je faire un usage profitable de mon temps alors même que celui-ci semble insaisissable et inappropriable par nature et réduisant tout projet et tout emploi du temps vain par sa finalité existentielle qu'est la mort ? .

Objectivité ou subjectivité du temps. Ce que je peux perdre ou gagner, c'est une chose.

Gagner quelque chose ( une voiture, par exemple ), c'est en obtenir la possession alors qu'on ne l'avait pas auparavant.

Inversement, perdre quelque chose, c'est ne plus en avoir la possession alors qu'on l'avait auparavant.

Or le temps n'est pas une chose du monde. D'abord, une chose se caractérise par le fait d'avoir des limites, des contours...

Or le temps est infini : il s'écoule toujours. Ensuite, une chose est perceptible par nos sens, alors que le temps ne se perçoit pas lui-même ainsi, mais est ce à travers quoi les choses dans leur mouvement sont perçues.

Aristote le définissait ainsi comme « le nombre du mouvement selon l'antérieur et le postérieur ».

Sans choses en mouvement ( mouvement local, mais aussi changement de forme, croissance et dépérissement ), le temps serait imperceptible : ainsi quand nous dormons d'un sommeil sans rêve, nous ne percevons pas le temps qui passe.

C'est donc à travers le spectacle des choses et de leur mouvement ( le mouvement des astres, par exemple ) que le temps nous apparaît comme une réalité.

Le temps est précisément ce par quoi nous mesurons le mouvement des choses, en nous rendant capables de dire que quelque chose qui était avant n'est plus, et que quelque chose qui n'était pas est advenu. L'idée même de perte ou de gain consiste donc dans un tel mouvement et suppose ainsi le temps, rendant impossible de perdre ou de gagner le temps lui-même : on ne perd ou ne gagne quelque chose qu'à un instant donné du temps, et en comparaison avec la réalité passée. Une autre raison pour laquelle l'idée de perdre son temps paraît absurde est que le temps semble étranger à ma subjectivité et ainsi échapper tout à fait à mon pouvoir. Le temps paraît s'écouler indifféremment, uniformément et irréversiblement sur toutes choses dont moi-même, et ce, quoi que j'y fasse. Indifféremment, le temps passe : que je marche ou cours, que je regarde ma montre ou non, que je veille ou dorme, que je vive ou sois morte, et les horloges qui en mesurent l'écoulement tournent. Uniformément ( à la même vitesse ), le temps passe : le temps s'écoule selon le même rythme et la même mesure, qui est la même pour toutes les choses du monde qui existent simultanément. Certes le temps peut me paraître court ou long, au sens où la durée objective d'une certaine période peut me sembler subjectivement plus ou moins grande, mais ce n'est qu'un sentiment lié à l'intérêt que je porte à ce que je fais durant le temps, et non pas à la mesure objective du temps, qui, elle, ne varie pas, comme en témoigne l'horloge, qui m'informe justement que l'heure du cours « n'est toujours pas finie », ou au contraire, qu'elle est « déjà finie ».

Certes aussi les choses du monde vieillissent et dépérissent plus ou moins rapidement : mais cette différence de durée de vie ne se mesure précisément que grâce à l'uniformité de l'écoulement du temps. Irréversiblement ( dans le même sens ), le temps s'écoule et ne peut ni être retenu, ni être rappelé. Ce qui est passé l'est pour toujours, et c'est cette inflexible nécessité qui nous fait d'ailleurs regretter des décisions passées, ou rêver à l'invention de machines à remonter le temps.

Que le temps s'écoule irréversiblement, cela se traduit dans la réalité objective par une vieillissement et un dépérissement nécessaire de toutes choses : le deuxième principe de la thermodynamique ( dit « principe d'entropie » ) stipule ainsi que dans un système clos, le temps s'écoulant donne nécessairement lieu à une désorganisation progressive des éléments dudit système. Le temps s'écoule donc que je le veuille ou non, et en ce sens il semble impossible de le gagner ou de le perdre : je ne suis que spectatrice de sa réalité, de son action et de son œuvre.

Est-il pour autant tout à fait étranger à moi-même, et ne puis-je dire malgré tout qu'il est mien en un certain sens ? Certaines raisons nous invitent même à considérer que la réalité du temps est essentiellement dépendante de ma subjectivité, ce qui autoriserait à dire qu'en partie au moins, il est mien, bien que je ne puisse le modifier à ma guise. En effet, comme le remarquait déjà Aristote, la réalité du temps, conçu comme mesure du mouvement selon l'avant et l'après, ne peut s'éprouver que par une âme ( autrement dit par une sujet conscient ).

Comme nous l'avons vu, quand nous sommes dans un état d'inconscience comme un sommeil sans rêve, aucun mouvement n'est remarqué, et en conséquence, le temps ne paraît pas s'écouler, et donc pas exister du tout.

Cependant que le temps ne puisse se connaître que par un sujet conscient, cela n'implique pas que le temps n'existe pas en dehors du sujet conscient et indépendamment de lui : quand je dors ou quand je meurs, le temps ne meurt pas avec moi. Mais cette croyance suppose que le monde que je perçois ( avec sa dimension temporelle ) existe tel quel indépendamment même de ma perception.

Or, qu'est-ce qui me l'assure ? Kant considère au contraire que si le temps est toujours nécessairement existant quand nous percevons quelque chose, alors même qu'il n'est pas une chose du monde, cela prouve qu'il est une réalité subjective.

Plus précisément, c'est une réalité transcendantale, c'est-à-dire une condition de possibilité de ma perception sensible des choses du monde.

Le temps est, avec l'espace, une forme ( une structure, un cadre ) a priori de ma sensibilité : c'est une manière subjective de percevoir la réalité, et non une réalité perçue.

Si le temps me paraît être présent dans tout ce que je perçois, ce n'est pas qu'il est du côté des choses, mais c'est que la nature de mon esprit est telle que je ne peux percevoir quelque chose en général grâce à mes sens qu'à la condition que cette chose m'apparaisse sous une forme temporelle.

Ainsi, la réalité que je perçois et qui est temporelle, c'est la réalité d'ordre phénoménal ( ce qui m'apparaît dans les limites de la nature transcendantale de mon esprit ), et non la réalité telle qu'elle est en elle-même ( les choses en soi ), indépendamment de ce que je suis capable d'en percevoir et d'en connaître. .

Le temps comme dimension essentielle de mon existence. Saint Augustin fait remarquer que l'idée de temps, qui comprend les notions de passé et d'avenir, serait incompréhensible sans un sujet conscient qui s'y rapporte au présent.

En effet, ce qui est passé n'est plus, et ce qui est à venir n'est pas encore : si je peux dire que le passé et l'avenir sont bien quelque chose et non pas rien, c'est que je les connais au présent ( seule partie du temps existante actuellement ), au moyen d'une « distension de l'âme ».

Le passé, c'est en réalité le présent au sujet du passé, à savoir la mémoire.

Le futur, c'est en réalité le présent au sujet du futur, à savoir, l'attente.

Enfin le présent, c'est.... »

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