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Le sommeil de la raison engendre des monstres (Goya)

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« Nom: FREYMOND Prénom: Francis Adresse mail: [email protected] I.

Introduction. • Quel est, tout d'abord, le sens de l'intitulé du sujet ? Il s'agit de savoir si le sommeil, l'inactivité, l'absence de vigilance de la faculté de bien juger et de raisonner font naître, créent et produisent des « monstres ».

Mais que faut-il entendre par ce dernier terme ? Tout d'abord, quand nous évoquons cette « notion », quelque chose d'inquiétant, de bizarre et de déplaisant se présente à notre puissance imaginative.

L'angoisse surgit ou se profile à l'horizon.

Nous sommes bien près d'un sentiment d'étrangeté, d'un arrachement à l'univers paisible des certitudes journalières tranquilles.

Déjà cette « inquiétante étrangeté » est manifeste à l'énoncé anecdotique de la phrase mais, bien plus, quand le « monstre » est évoqué de manière moins accessoire.

Tout peut basculer dans l'angoisse et ce potentiel affectif ne doit pas être sous-estimé.

Conceptualisons davantage cette « idée » ou ce « terme » de monstre.

Nous y trouvons, soit l'idée d'un animal fantastique et terrible, celui des légendes, soit celle d'un être de conformation anormale, soit celle d'une réalité bizarre, atypique...

Dans tous les cas, l'être examiné est au-delà des normes et des règles et ce caractère d'exception suscite en nous l'angoisse. Le sens du sujet est donc le suivant : l'absence d'activité de notre faculté de bien juger et raisonner engendre-telle des êtres ou des comportements fantastiques et inquiétants ? • Mais le problème est alors de savoir s'il n'existe pas aussi une dialectique pathologique de la raison en tant que telle dans son exercice, si celle-ci est vraiment la source des normes idéales. A.

Thèse : le sommeil de la raison engendre des monstres. Regardons bien l'oeuvre de Goya intitulée Le sommeil de la raison engendre des monstres.

Cette représentation (qui fait partie de la suite des Caprices) se trouve au musée du Prado, à Madrid.

Un homme est assis, probablement assoupi, le sommeil s'empare ou s'est emparé de lui.

On remarquera que son « absence de vigilance » ainsi que la perte de conscience (si perte il y a, car après tout, il n'est même pas certain que l'homme soit totalement endormi) n'ont nullement conduit à un tranquille abandon.

Il y a, en sa pose même, une extrême tension et une souffrance ; les « monstres » sont là, menaçants : chauves-souris, tigres sauvages, prêts à dévorer, figures de l'agression ou de la mort.

Tout ce présupposé de notre expérience quotidienne, que nous expulsons de notre vécu à grand peine, quand il nous sollicite, voici qu'il guette l'homme endormi ou s'endormant.

La suite des Caprices date de 1797.

Goya y traite de la folie et des monstres qui assaillent l'homme quand sommeille la raison.

Mais quelques années avant, en 1781, Johann Heinrich Füssli avait évoqué, dans son oeuvre célèbre Le Cauchemar, les fantasmagories terrifiantes qui s'emparent de l'homme lorsque s'endort la raison.

C'est donc un thème appartenant au « préromantisme » et au « romantisme » que celui de la plongée « nocturne » dans l'univers des « monstres ».

Mais comment comprendre ces admirables oeuvres ? Remarquons, tout d'abord, qu'elles donnent à voir une situation qui est nôtre, quotidiennement. En effet, notre activité journalière est, grosso modo, régie par l'organisation et l'unité de la raison.

Notre faculté de « bien juger » s'exerce sans cesse : elle est à l'oeuvre et impose à notre existence mesure, calcul et efficacité. Rappelons que la raison est d'ailleurs envisagée, dans cette perspective, comme le signe distinctif de l'humanité. Grâce à la raison, nous possédons, en effet, une aptitude à discerner le vrai du faux, à développer discursivement des propositions et ces instruments nous permettent de bien saisir le réel et de bien agir sur lui.

La raison et la pensée rationnelle semblent avoir pour tâche de juguler toute prolifération un peu inquiétante, de la maîtriser, de la soumettre à des « normes », à des règles, ou à des « lois ».

Or, que se passe-t-il quand cesse l'exercice de la raison ? C'est ici que nous retrouvons l'oeuvre de Goya.

Quand la faculté de bien juger n'est plus active, quand elle entre en sommeil en même temps que notre activité consciente, alors nous pouvons assister à l'irruption et aux « menaces » du rêve et de l'imaginaire.

Alors tout semble basculer.

Et c'est ce « basculement » que manifeste la gravure de Goya.

Tout ce qui a été refoulé dans la vie diurne parvient à s'exprimer et triomphe.

Ainsi les rêves de la nuit sont-ils pleins de « monstres », de désirs bestiaux et contre-nature (c'est de cette manière que Platon les analysait, dans un texte célèbre de La République).

Alors, la partie raisonnable de l'âme, celle qui est faite pour commander aux « monstres », est endormie.

Surgissent, en cet état de sommeil, les créatures terribles de la partie sauvage qui est en nous.

Or les « monstres » créés sont, pour nous, en cet état, innombrables.

Et, sans doute faut-il élargir cette notion de « monstres », apercevoir en eux toutes les réalités bizarres dont nous accouchons dans le sommeil de la raison.

« Tu sais qu'en cet état [la partie bestiale] ose tout, comme si elle était détachée et débarrassée de toute pudeur et de toute raison [...] il n'est ni meurtre dont elle ne se souille, ni aliment dont elle s'abstienne [...] » (La République, IX).

Ainsi, pris stricto sensu, le « sommeil de la raison », envisagé comme suspension de la vigilance, de la conscience et de la partie rationnelle qui est en nous, accouche-t-il de bien des « monstres » (compris aux sens divers de ce terme). Bien entendu, toute cette analyse pourrait être approfondie avec l'étude de l'imagination, de l'art, de la passion, etc.

Dans tous les cas, le « sommeil de la raison » ne serait plus conçu stricto sensu mais de manière plus métaphorique ou symbolique, comme suspension générale de l'activité de juste mesure de la raison, suspension qui aboutit aux « monstres ».

Nous ne pouvons, évidemment, développer tous ces exemples ; bornons-nous à citer les créations de l'imagination (où nous rejoignons, évidemment, l'interprétation de l'oeuvre de Goya) ou de la passion.

La. »

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