Le rouge et le noir: Éclairage sur l'œuvre et le parcours + sur le personnage de Julien
Publié le 03/06/2022
Extrait du document
«
Objet d'étude : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle.
Œuvre intégrale : Le Rouge et le Noir, Stendhal
Parcours : Le personnage de roman, esthétiques et valeurs.
Éclairage sur l'œuvre et le parcours + sur le personnage de Julien.
La formulation de l'intitulé de ce parcours invite à dépasser une conception strictement narrative de la
notion de « personnage » : celui-ci ne saurait en aucun cas se réduire à une sorte de fil rouge qui servirait
simplement à relier les différents épisodes d'un roman.
Le terme « esthétiques », dérivé d'un verbe grec signifiant « percevoir », nous invite d'abord à
considérer le personnage comme un effet de perception.
Il ne s'agit pas d'un « être de papier » aux
caractéristiques immuables, mais du produit d'une coopération constante entre le texte et le lecteur
1.
Comment le lecteur perçoit-il le personnage de roman et qu'est-ce qui vient orienter cette
perception ?
Telle est la première ligne directrice qui guide l'approche de ce thème.
Pour autant, il ne s'agit pas de
sombrer dans un relativisme constant qui postule que tous les lecteurs ont nécessairement une vision
différente d'un même personnage.
Le but n'est pas de lister les innombrables réceptions, souvent
contradictoires, dont un même personnage peut faire l'objet.
L'enjeu est davantage d'étudier le
personnage comme un « effet » minutieusement programmé par l'œuvre elle-même.
Cela implique
d'aborder le roman dans une tension permanente entre deux pôles, celui de l'écriture et celui de la lecture,
en cherchant à analyser comment l'art du romancier vient déterminer les différentes réactions et jugements
du lecteur face aux personnages qu'il découvre dans la fiction romanesque.
Quant au terme « valeurs », il invite à s'interroger sur la façon dont le roman construit son idéologie :
par quels procédés rend-il sensibles les valeurs dont il se réclame ? Tel est le deuxième questionnement
général qui sert de cadre à l'analyse.
Le personnage, par ses actions, par la nature des objectifs qu'il se fixe
et les moyens qu'il utilise pour les atteindre, par la façon dont il est perçu par le narrateur et les autres
personnages, joue un rôle central dans la construction de l'idéologie du roman.
Encore une fois, cette «
idéologie » ne doit pas être entendue au sens d'un discours dogmatique arrêté et explicitement présent au
sein de l'œuvre mais au sens d'un effet de lecture.
Il s'agit, en d'autres termes, de voir dans quelle mesure
les personnages romanesques participent à ce que Philippe Hamon a appelé l'« effet-idéologie » du roman,
c'est-à-dire à ce processus, inhérent à toute lecture, qui consiste en l'élaboration de normes et systèmes
d'évaluation où du positif s'oppose à du négatif.
Œuvre classique s’il en est, Le Rouge et le Noir constitue un support idéal pour ces questionnements.
En dotant son roman d'un narrateur intrusif qui fait sans cesse des commentaires, en en faisant un faisceau
complexe de points de vue qui se croisent et se confrontent, Stendhal réussit à instaurer une dynamique
unique, dans laquelle la perception que les lecteurs ont des personnages évolue sans cesse au gré des
informations dont ils disposent et du regard à travers lequel ils les observent.
Julien Sorel est-il un
monstre ambitieux et opportuniste ou un plébéien révolté contre une société injuste qui l’opprime ?
Le texte s'applique à poser sans cesse les jalons d'une caractérisation du personnage sans pour autant
priver les lecteurs de leur liberté interprétative, comme le montrent les innombrables lectures
contradictoires dont Julien a fait l'objet au fil du temps.
L'« effet-idéologie » du roman peut, à première
vue, paraître facile à cerner dans sa globalité : libéral en politique, Stendhal dresse un véritable
réquisitoire contre la société conservatrice de la Restauration, dont il n'hésite pas à épingler les
ridicules.
Mais, à l'échelle des personnages, les lignes de démarcation idéologiques sont bien moins
claires.
Certes, dans sa volonté de faire de son roman le miroir de la réalité, Stendhal attribue à de
nombreux personnages des valeurs aisément identifiables qu'il puise dans la société contemporaine : M.
de Rênal comme M.
de la Mole sont des « ultras » par excellence, fermement attachés à l'organisation
verticale de la société monarchique.
Mais le texte offre aussi des personnages qui obéissent à des idéaux
bien plus originaux : Mathilde de la Mole, «ultra» comme son père, fait pourtant de l'extraordinaire son
principe de vie, ce qui la conduit à rompre avec son milieu en épousant un homme de basse condition.
Quant au protagoniste, le doute est constant concernant les valeurs qui guident ses actions : que penser
d'un personnage se présentant comme un plébéien révolté mais n'hésitant pas à trahir la cause du
peuple en se faisant le principal instrument d'un complot royaliste ? Même si l'habile romancier
construit patiemment ses personnages et influence leur perception, le dernier mot est toujours au lecteur,
seul juge des actes et des idéaux qui les animent.
Et c'est précisément cette liberté interprétative qui fait.
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