LE RÉGIME DE L’INDIGÉNAT: loi du 28 juin 1881
Publié le 15/11/2020
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LE RÉGIME DE L’INDIGÉNAT
La loi du 28 juin 1881 offre un cadre législatif au régime des « infractions
spéciales à l’indigénat » expérimenté en Algérie depuis 1844.
Ce régime juridique est
différent de celui qui concerne le citoyen français : il concerne le colonisé qui doit y
répondre à de nombreux devoirs, sans pour autant y jouir de nombreux droits.
Cette dualité
juridique, selon Isabelle Merle, « ouvre une brèche dans la conception même de la légalité
républicaine » , bercée dans l’universalisme.
Ce régime de l’indigénat, le sénateur Le Breton
le qualifie en 1888 de « monstruosité juridique » .
Ce monstre est-il une anomalie, ou une
dégénérescence de la juridiction républicaine ? L’enjeu central est ici celui de la continuité
de l’État dans les colonies.
Si le régime de l’indigénat apparaît comme un régime
d’exception, il est pourtant forgé dans un cadre républicain, et traduit une volonté de
normalisation, voire de régulation de la violence légale.
Il faudra déterminer la nature, les
objectifs pour les colonisateurs, l’origine en Algérie, le devenir sur d’autres terrains
coloniaux et l’application sur les colonisés d’une telle juridiction qui, jusqu’aux
décolonisations, est jugée comme indispensable.
1.
Principes de l’indigénat : de l’expérimentation en Algérie à la légalisation de la
violence en 1881
L’expression de code de l’indigénat s’emploie souvent, cependant, elle ne fait pas
sens en ce qui concerne la nature des réglementations qui régissent la vie des autochtones
dans les colonies.
Celles-ci sont très diverses, éparses et spécifiques à chaque colonie.
Comme le rappelle Isabelle Merle, « la codification suppose au préalable une volonté de
pérenniser des règles juridiques en les mettant au jour sous une forme regroupée, articulée
et organisée rationnellement » .
Ce n’est pas le cas de l’indigénat, qui est toujours conçu
comme un système transitoire, et non durable.
La preuve en est que la loi de 1881
s’applique pour sept ans en Algérie.
Les règles sévères de l’indigénat sont ainsi prévues
pour le temps limité de la « pacification ».
Cependant, ce transitoire devient permanent, la
loi de 1881 est renouvelée, et ce régime s’impose progressivement dans toutes les colonies
jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale.
Malgré sa persistance, l’indigénat prend donc racine
dans l’exceptionnalité, et donne ainsi lieu à une justice « spéciale », adaptée au contexte de
guerre.
Spéciale, parce qu’elle repose sur un registre de peines qui ne concerne que les
indigènes, population colonisée qui n’a pas la citoyenneté française.
Spéciale aussi,
puisqu’elle déroge au principe de séparation des pouvoirs administratifs et judiciaires, dans
la mesure où c’est l’administrateur qui rend justice.
L’indigénat s’expérimente dans un premier temps en Algérie.
Le contexte de
conquête y justifie aux yeux des colonisateurs de doter les militaires, puis les
administrateurs en 1854, de « pouvoir disciplinaire » : une discipline sans procédure de
justice.
Ce pouvoir de « haute police » permet, de manière directe, aux comandants
militaires d’interner, ou d’amender individuellement ou collectivement des algériens, ainsi
que de spolier leurs biens.
En 1844, Bugeaud cherche à encadrer cette violence, et il publie
un premier registre d’« infractions spéciales » concernant les indigènes, où sont pénalisés le
« refus d’obéissance aux ordre donnés pour les corvées », ou encore le « refus de
comparaître devant la justice », ou bien celui de « lenteur à payer les contributions ».
Les
sanctions sont des amendes et des jours en prison.
En 1874, on transfère ces peines
indigènes à des juges de paix dans certaines communes, ce qui rétablit une certaine.
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