LE REALISME ET LE ROMANTISME DE FLAUBERT
Publié le 09/12/2021
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La crise romantique exceptionnellement intense que Flaubert traversa pendant ses jeunes années et qui s'accordait avec son tempérament imaginatif et passionné, fut surmontée à force de sens critique et de volonté. Dès lors, il fut l'ennemi impitoyable de la sottise prétentieuse qui se cache parfois au fond des aspirations romantiques, et dont il avait été dupe lui-même. Du romantisme il conserve pourtant l'enthousiasme de l'imagination et du coeur, le goût des visions éclatantes, un penchant au lyrisme, une conception pessimiste du monde, la haine de la médiocrité, le mépris du bourgeois, qu'il définit « quiconque pense bassement », et auquel il reproche son manque de délicatesse et sa méconnaissance de l'art.
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LE REALISME ET LE ROMANTISME DE FLAUBERT
LE ROMANTISME DE FLAUBERT
La crise romantique exceptionnellement intense que Flaubert traversa pendant ses jeunes années et qui s'accordaitavec son tempérament imaginatif et passionné, fut surmontée à force de sens critique et de volonté.
Dès lors, il futl'ennemi impitoyable de la sottise prétentieuse qui se cache parfois au fond des aspirations romantiques, et dont ilavait été dupe lui-même.Du romantisme il conserve pourtant l'enthousiasme de l'imagination et du coeur, le goût des visions éclatantes, unpenchant au lyrisme, une conception pessimiste du monde, la haine de la médiocrité, le mépris du bourgeois, qu'ildéfinit « quiconque pense bassement », et auquel il reproche son manque de délicatesse et sa méconnaissance del'art.Bien qu'il professe que l'écrivain ne doit rien livrer de lui-même, son Éducation sentimentale est un romanautobiographique.
Dans ses autres oeuvres, il a beau se forcer à une sorte de froideur objective, sa personnalitétransparaît toujours.
Lorsqu'il dit : « Madame Bovary, c'est moi », il exprime sous une forme paradoxale une idéeprofondément juste.
LE RÉALISME DE FLAUBERT
Préalablement à son travail de création artistique, il observe et se documente.
Son imagination a besoin du supportde la réalité.
Madame Bovary a pour point de départ une histoire vraie : le suicide de la femme d'un médecinnormand,Delphine Delamare.
Comme cadre de son roman, il a choisi la bourgade de Ry, qu'il décrit sous le nom d'Yonville.Avant de raconter la mort d'Emma Bovary, il se renseigne sur les effets de l'arsenic.
Pour composer Bouvard etPécuchet, il dépouille quinze cents volumes.
Évoquant, dans Hérodias, la décollation de saint Jean-Baptiste, ilregrette de ne pas avoir sous les yeux « une tête fraîchement coupée ».
Il voudrait « faire sentir presquematériellement les choses qu'il reproduit ».Ce goût et ce besoin de l'observation attentive lui viennent peut-être de l'exemple des médecins au milieu desquelsil a passé son enfance et sa jeunesse.
Le portrait charge qui le représente en train de disséquer Emma Bovary nemanque pas de vérité.
Son attitude en face de la vie est celle d'un savant matérialiste, préoccupé de la recherchedes causes, persuadé que le physique conditionne le moral.Il réagit contre la tendance romantique à mettre en scène des personnages exceptionnels.
Il prétend, quant à lui,s'intéresser surtout aux êtres moyens ou médiocres, parce qu'ils sont plus caractéristiques.Il se défend pourtant d'avoir rien de commun avec les théoriciens du réalisme.
« J'exècre, dit-il, ce qu'on estconvenu d'appeler le réalisme, bien qu'on m'en fasse un des pontifes ».
SES EXIGENCES D'ART
S'il existe un réalisme qui consiste à « se faire l'âme de tout le monde pour voir ce que voit tout le monde » (Alain-Fournier), ce n'est pas celui de Flaubert,bourgeois artiste, dont le souci primordial est la recherche de la beauté, et qui écrit pour une élite.
Par la magie desmots, il transfigure le réel.
Il en fait une vision d'art, un monde merveilleux, où il s'enferme.
Il aime les imageséclatantes, les décors somptueux de l'histoire.
Son vrai maître est Théophile Gautier, et Salammbô rappelle àcertains égards Le Roman de la momie.
Pourtant, c'est dans la grisaille de la réalité quotidienne qu'il a puisé leséléments de Madame Bovary.
La médiocrité de cette vie platement bourgeoise qu'il déteste, suffit à nourrir son rêved'artiste.
Il est encore artiste par la façon dont il compose : chacun de ses romans est conçu comme unesuccession de tableaux.Ses scrupules d'écrivain sont extrêmes.
Il passe son temps parmi « les affres du style », attentif à la moindrenuance, corrigeant tout ce qui ne le satisfait pas pleinement, usant sa force nerveuse à ce labeur ingrat.
Il prétendécrire « non pour le lecteur d'aujourd'hui, mais pour tous les lecteurs qui pourront se présenter tant que la languevivra ».
Son style, malgré sa perfection tendue, est d'une rare plénitude et ne laisse pas voir les efforts qu'il acoûtés.
Il porte implicitement condamnation contre la dangereuse facilité, où la vogue du roman feuilleton faisaitglisser la prose française..
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