Le plaisir de lire Manon Lescaut se limite-il à la découverte d’aventures extraordinaires ?
Publié le 01/04/2024
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«
SUJET DISSERTATION MANON LESCAUT :
Le plaisir de lire Manon Lescaut se limite-il à la découverte d’aventures extraordinaires ?
« Quelles larmes que celles que l’on verse à la lecture de
ce délicieux ouvrage ! Comme la nature y est peinte,
comme l’intérêt s’y soutient, comme il augmente par
degrés, que de difficultés vaincues !“ écrit Sade dans
Idées sur les romans, pour expliquer que l’oeuvre
Manon Lescaut suscite des sentiments et qu’il nourrit
notre envie de romanesque en entretenant l’attention du
lecteur au fur et à mesure de sa lecture.
Il paraît donc
intéressant de se demander si le plaisir de lire le roman
se limite seulement à la découverte d’aventures
extraordinaires.
Autrement dit, si cet ouvrage n’attire
l’attention du lecteur par les seules péripéties
incroyables qu’il contient.
Après avoir analysé la
présence absolue d’aventures, nous verrons que l’étude
psychologique des personnages apporte une attention
particulière sur le roman, pour nous demander enfin si
la volonté de rechercher une morale fait de lui un roman
philosophique amenant à la remise en question du
lecteur.
Pour commencer, on peut affirmer que Manon
Lescaut est un roman d’aventures par son aspect
romanesque.
C’est à dire qu’il met particulièrement
l'accent sur l'action en multipliant les péripéties ce qui
permet d’apprécier la découverte de l’œuvre.
Nous, lecteurs, suivons le parcours des deux
personnages principaux, Manon et Le chevalier des
Grieux, et sommes promenés à travers de nombreux
lieux.
De la première rencontre à Amiens entre
Renoncour et le jeune homme, à la déportation de
Manon en Louisiane, les enchaînement d’emplacements
suscitent notre attention, plus encore puisque ces
derniers relèvent du réel.
En effet, la Prison de Saint
Lazare où est enfermé Des Grieux après s’être fait
dénoncé par G.M ou bien encore la Salpêtrière où
Manon, elle, est emprisonnée, ne sont pas fictifs.
On
pourra observer plus tard des lieux comme York qui ne
relèvent pas de l’imagination dans Robinson Crusoé, de
Daniel Defoe, qui comme Manon Lescaut en est
abondant.
Cette accumulation d’endroits délimite donc
les nombreuses aventures parcourues par les
personnages ce qui entraîne un besoin d’attention
particulier pour poursuivre la lecture comme le
confirme Sainte Beuve dans Causeries du lundi : «Plus
on lit Manon Lescaut, et plus il semble que tout cela soit
vrai, vrai de cette vérité qui n’a rien inventé, et qui est
copié sur nature.
»
Mais encore, cet ouvrage est riche en retournements
de situation, en rebondissements et le suspens se fait de
plus en plus intense au cours de la lecture grâce aux
nombreuses péripéties autant dangereuses que
transgressives comme le meurtre d’un des gardes de la
prison où est enfermé Des Grieux.
De plus, le récit
enchâssé que l’auteur met en place, c’est à dire que le
récit de Des Grieux est interrompu par celui de
Renoncours, le narrateur principal du roman : « Avant
que de donner cette histoire au publique, il faut lui
apprendre comment je l’ai trouvée », amène du rythme.
Comme dans La Dame Aux Camélias, d’Alexandre Dumas
Fils, il se dessine un type de narration permettant une
meilleure insertion du lecteur dans le récit et accrochant
vivement l’attention : le récit débute par l’histoire
perçue par le narrateur, puis la rencontre avec le héro,
Armand, qui prend ensuite la suite de la narration.
On
remarque notamment que le récit rétrospectif entretient
le suspens grâce aux prolepses qui préviennent le
lecteur en révélant évènements futurs dans l’hisoire.
L’audace et le courage sont également
caractéristiques des personnages d’aventure.
Leur
volonté affirmée de vouloir relever des défis presque
insurmontables et la soif de découverte animent leurs
actions.
Nos deux héros sont victimes du destin, volés,
dénoncés, trompés, ils souffrent mais trouvent toujours
le moyen de s’en sortir et d’apercevoir de la lumière.
Lorsqu’au tout début du roman, Des Grieux et Manon
s’enfuient pour Paris, ils trouvent tout deux la force de
se libérer d’une emprise familiale et religieuse :
« j'emploierais ma vie pour la délivrer de la tyrannie de
ses parents, et pour la rendre heureuse.
» annonce Le
Chevalier dès le début de son récit.
Comme jean Valjean
dans les Misérables, de Victor Hugo, ce sont des
personnages courageux et pleins de foi en l’avenir qui
seraient prêts à tout pour parvenir à leurs espérances.
Néanmoins, cette facette du roman n’est pas la seule
qui amène le lecteur à prendre du plaisir à lire.
La
manière dont sont développés les personnages et leur
manière de se comporter entre eux font de lui une
œuvre psychologique qui éveille l’intérêt du lecteur
comme nous le confirme Mellie Mattane-Basset : « la
plupart des critiques attribuent les larmes versées par
les lecteurs du roman à la représentation du langage de
la passion de Des Grieux pour Manon, ou bien à la
représentation des larmes des personnages dans la
fiction ».
Ainsi, la passion amoureuse entre les deux amants
est intangible et rien ne parvient à la défaire.
Le coup de
foudre dès les premières pages du récit de Des Grieux
dénote de cette forte attirance qui uniet nos deux
personnages et qui sera la fil conducteur de notre
lecture.
« J'avais perdu, à la vérité, tout ce que le reste
des hommes estime; mais j'étais le maître du cœur de
Manon, le seul bien que j'estimais.
», par ces paroles, on
comprend que l’amour que porte DG pour le jeune
femme est réel et puissant.
Seulement, ce lien qui les uni
n’est pas parfait.
De nombreuses tromperies de la part
de Manon, comme avec Monsieur de G.
de M., amènent
du mouvement et retiennent donc la curiosité du lecteur
sur la suite de leur histoire.
« Manon était passionnée
pour le plaisir.
Je l’étais pour elle.
», cette citation nous
indique que leur relation est passionnelle, mais elle
laisse également entendre qu’elle est également à sens
unique.
Cela ravive donc l’intérêt du lecteur intrigué qui
souhaite poursuivre pour en découvrir d’avantage sur la
racine de leur lien.
Il ne s’agit donc pas seulement de
leurs actions mais aussi de leur relation qui nous pousse
à prendre du plaisir à lire.
De surcroît, ces jeunes héros sont attachants, de par
leurs épreuves, leurs réactions, leur innocence aussi,
malgré leur ambiguïté comme le vérifient les paroles de
Montesquieu de son recueil Pensées: « Ce roman, dont le
héros est un fripon et l’héroïne une catin […]plaî[t],
parce que toutes les actions du héros, le chevalier Des
Grieux, ont pour motif l’amour qui est toujours un motif
noble, quoique la conduite soit basse.
Manon aime aussi,
ce qui lui fait pardonner le reste de son caractère.
Leur
motivation n’est pas de contester l’ordre mais de
pouvoir s’aimer sans contrainte, ils cherchent une
liberté amoureuse.
C’est pourquoi, le déportement de
Manon en Louisiane leur permet de recommencer sans
avoir peur du futur : « C’est au Nouvel Orléans qu’il faut
venir, […] quand on veut goûter les vraies douceurs de
l’amour.
C’est ici qu’on aime sans intérêt, sans jalousie,
sans inconstance.
».
Leur sentiments véritables et leur
honnêteté nous poussent à nous mettre de leur côté.
Des
Grieux nous le confirme lorsqu’il dit en parlant de son
amante : « Elle pèche sans malice, disais-je....
»
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