LE PINTURICCHIO
Publié le 17/05/2020
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LE PINTURICCHIO
1454-1513
DANS sa brève biographie, Vasari parle de Bernardino di Betto, dit le Pinturicchio, avec tant
de mépris qu'il semble ne l'avoir admis qu'à contre-cœur parmi les « plus excellents » artistes
italiens
et seulement en considération des hautes protections dont le Pinturicchio avait joui,
sa vie durant.
Estimant que le renom du peintre « avait dépassé de beaucoup le mérite de ses
œuvres », il affirme sans fondeJrlent que les projets de l'Histoire de Pie II de la Bibliothèque Picco
lomini
de Sienne sont de Raphaël et va jusqu'à inventer une fable· infamante sur sa fin : il serait
mort de dépit, parce que les frères de Saint-François de Sienne, dont il était l'hôte, auraient
trouvé cinquante ducats d'or dans un coffre qu'il avait fait enlever de sa chambre.
· II est bien difficile de démêler les raisons de tant d'animosité : la chronologie exclut les
mauvais
rapports personnels, et l'on ne peut, non plus, la mettre à coup sûr sur le compte du
désaccord, d'ailleurs réel, entre l'art du Pinturicchio et l'idéal esthétique de l'historien arétin.
Ce que l'artiste fut en réalité, le peu que nous savons .de lui ne permet guère de le dire.
Chétif et petit (d'où le surnom sous lequel il a passé dans l'histoire), il était, en outre, dur d'oreille
(d'où le sobriquet Sordicchio, dont semblent l'avoir qualifié ses contemporains).
A en juger par
les bonnes relatiqns qu'il a su conserver tant avec les Borgia qu'avec leurs ennemis les plus acharnés,
son caractère
était timide et accommodant, sinon servile.
Nous savons aussi que, plutôt heureux
dans sa carrière, il fut très malheureux dans son ménage :sa femme Grania, après l'avoir trompé
avec un certain Paffa, soldat pérugin au service de Sienne, ne se fit pas scrupule de marier celui-ci
à
leur fille Clélia; et, lorsque Bernardino tomba gravement malade, elle l'abandonna, l'enfermant
dans sa maison et empêchant que d'autres lui portent secours.
Tout cela, qui ne concerne guère l'art, fait cependant comprendre qu'un homme de cette
sorte
ne pouvait être un artiste révolutionnaire, champion autoritaire de tendances nouvelles,
capable de conquérir de haute lutte sa placé dans l'histoire de la peinture de la Renaissance
italienne.
C'est même
peut-être sa malchance la plus grande que la chronologie et la formation
de son style obligent la critique à le classer parmi les hommes de la Renaissance.
Non que la
comparaison avec
ses contemporains les plus illustres (y compris son grand maître le Pérugin,
au côté duquel il fait très honorable figure et qui, sous certains rapports, lui rend même des
points) le
diminue à l'excès.
Mais il existe une indéniable disparité entre son inspiration la plus
authentique et ce qu'on est désormais convenu d'appeler l'expression plastique de la civilisation
renaissante.
Certes, il
n'a cessé d'affronter, lui aussi, avec une étonnante audace, les problèmes
majeurs
et les thèmes plastiques avec lesquels se mesuraient les peintres de son temps : il n'est
que de regarder l~s pavements de nombre de ses places publiques (Funérailles de saint Bernardin,
à l'église Aracœli de Rome, Jésus au milieu des docteurs, à Spello), qui courent' vers des fonds de
temples
du plus pur style de Bramante, avec une rigueur de perspective digne du Pérugin lui
même.
Et aans ses compositions historiques de la première manière, on ne compte pas les portraits
où l'acuité de la vision paraît soutenue par une sorte d'intransigeance du jugement moral, apanage
suprême des plus grands portraitistes de la Renaissance.
Mais vaincre par audace n'est pas vaincre
(Eglise dt Sainte-Marit-Majeure, Spe/lo.).
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