Le Phédon: Épisode relatant la mort de Socrate.
Publié le 22/05/2020
Extrait du document
«
Le Phédon
Platon
Épisode relatant la mort de Socrate.
À ces mots, Criton fit signe à son esclave, qui se tenait près de lui.
L’esclave sortit et,
après être resté un bon moment, rentra avec celui qui devait donner le poison, qu’il
portait tout broyé dans une coupe.
En voyant cet homme, Socrate dit : “ Eh bien, mon
brave, comme tu es au courant de ces choses, dis-moi ce que j’ai à faire.
— Pas autre
chose, répondit-il, que de te promener, quand tu auras bu, jusqu’à ce que tu sentes tes
jambes s’alourdir, et alors de te coucher ; le poison agira ainsi de lui-même.
” En même
temps, il lui tendit la coupe.
Socrate la prit avec une sérénité parfaite, Echécrate, sans
trembler, sans changer de couleur ni de visage ; mais regardant l’homme en dessous de
ce regard de taureau qui lui était habituel : “ Que dirais-tu, demanda-t-il, si je versais un
peu de ce breuvage en libation à quelque dieu ? Est-ce permis ou non ? — Nous n’en
broyons, Socrate, dit l’homme, que juste ce qu’il en faut boire.
— J’entends, dit-il.
Mais
on peut du moins et l’on doit même prier les dieux pour qu’ils favorisent le passage de
ce monde à l’autre ; c’est ce que je leur demande moi-même et puissent-ils m’exaucer ! ”
Tout en disant cela, il portait la coupe à ses lèvres, et il la vida jusqu’à la dernière goutte
avec une aisance et un calme parfaits.
Jusque-là nous avions eu presque tous assez de force pour retenir nos larmes ; mais en
le voyant boire, et quand il eut bu, nous n’en fûmes plus les maîtres.
Moi-même, j’eus
beau me contraindre ; mes larmes s’échappèrent à flots ; alors je me voilai la tête et je
pleurai sur moi-même ; car ce n’était pas son malheur, mais le mien que je déplorais, en
songeant de quel ami j’étais privé.
Avant moi déjà, Criton n’avait pu contenir ses larmes
et il s’était levé de sa place.
Pour Apollodore, qui déjà auparavant n’avait pas un instant
cessé de pleurer, il se mit alors à hurler et ses pleurs et ses plaintes fendirent le c œur à
tous les assistants, excepté Socrate lui-même.
“ Que faites-vous là, s’écria-t-il, étranges
amis ? Si j’ai renvoyé les femmes, c’était surtout pour éviter ces lamentations déplacées ;
car j’ai toujours entendu dire qu’il fallait mourir sur des paroles de bon augure.
Soyez
donc assez calmes et fermes.
” En entendant ces reproches, nous rougîmes et nous
retînmes de pleurer.
Quant à lui, après avoir marché, il dit que ses jambes s’alourdissaient et il se coucha sur
le dos, comme l’homme le lui avait recommandé.
Celui qui lui avait donné le poison, le
tâtant de la main, examinait de temps à autre ses pieds et ses jambes ; ensuite, lui ayant
fortement pincé le pied, il lui demanda s’il sentait quelque chose.
Socrate répondit que
non.
Il lui pinça ensuite le bas des jambes et, portant les mains plus haut, il nous faisait
voir ainsi que le corps se glaçait et se raidissait.
Et, le touchant encore, il déclara que,
quand le froid aurait gagné le c œur, Socrate s’en irait.
Déjà la région du bas-ventre était
à peu près refroidie, lorsque, levant son voile, car il s’était voilé la tête, Socrate dit, et ce
fut sa dernière parole : “ Criton, nous sommes redevables d’un coq à Esculape, ne
manquez pas d’acquitter ma dette.
— Oui, ce sera fait, dit Criton, mais vois si tu as
quelque autre chose à nous dire.
” A cette question il ne répondit plus ; mais quelques.
»
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