Le « parti pris des choses » ou la métamorphose mythique du quotidien
Publié le 10/05/2022
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«
C/ Le « parti pris des choses » ou la métamorphose mythique du quotidien
La culture du XXe siècle a proposé une réflexion inédite sur les rapports entre le langage
artistique et la réalité qui nous entoure.
La banalité de la vie ordinaire va en effet cristalliser
une part importante des pratiques créatrices : l’obligation de réinventer le monde passe
désormais par le refus des codes et des normes et par un reclassement des choses selon une
vision inscrite dans la réalité et le quotidien les plus communs parfois.
Au « Grand Art », succèdent de nouvelles approches esthétiques marquées par un contexte
historique, social et institutionnel s’absorbant dans l’histoire matérielle : alors que
traditionnellement l’ordinaire ne se destine jamais à l’extraordinaire, deux domaines non faits
l’un pour l’autre, les artistes et les écrivains cherchent moins l’absolu, l’excellence, l’idéal, le
sublime, le transcendantal, que l’affirmation d’un « parti-pris des choses » : tendre vers une
compréhension de l’ordinaire et du banal.
Un « art sans importance » ?
Un mouvement comme le Ready-made, au début du XXè siècle, en élevant « l’objet
manufacturé au rang d’objet d’art […] [a] introduit l’artefact vulgaire dans le monde de
l’esthétique »¹ et entraîné conséquemment un profond brouillage des représentations à tel
point qu’on pourrait parler d’une perte d’identité de l’œuvre d’art : le banal, l’ordinaire, le
trivial sont-ils à même d’exprimer la dimension symbolique et spirituelle que l’artiste
assignait jadis à l’art ?
Nourrie du plus banal de l’existence, cette nouvelle expressivité, si elle confère à l’ordinaire
la prééminence sur l’extraordinaire, implique l’évacuation de tout lyrisme personnel et de tout
préjugé conceptuel.
À ce titre, Marcel Broodthaers (Bruxelles 1924 — Cologne 1976),
célèbre artiste plasticien belge organisera ainsi en 1969 une exposition à l’intitulé très
révélateur : « Vers un art sans importance ? ».
Selon lui, l’art ne doit posséder aucune
grandeur particulière.
Dès lors, il ne répond plus à la définition que l’artiste lui assignait par
le passé : transformer la réalité ordinaire à l’image de ses rêves.
Pour autant, ce choix du banal possède un paradoxe fondamental : « obliger le spectateur à
considérer le banal comme digne d’intérêt.
Ce faisant, réfléchir à la qualité même de la
banalité, au demeurant censée être dénuée de qualité » |Paul Ardenne Le travail sur le
réel amène donc à une forme artistique résolument nouvelle qui vise non seulement à faire
sortir l’art de sa tour d’ivoire pour l’ouvrir sur le monde, mais aussi à métamorphoser
l’ordinaire afin de retrouver l’extraordinaire des choses.
Redécouvrir les choses, réévaluer le banal
D’origine hongroise puis naturalisé américain, André Kertész (1894 Budapest — 1985 New
York) est un représentant majeur de l’avant-garde photographique à Paris durant l’entre-deux
guerres.
Considéré par Henri Cartier-Bresson comme l’un de ses maîtres, il a magistralement
montré dans son œuvre combien le choix des sujets les plus banals ou les plus banalisés
correspond à une nouvelle approche du réel qui, si elle confère à l’ordinaire la
prééminence sur l’extraordinaire, oblige à redécouvrir les choses et à réévaluer le banal..
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