Le partage des richesses

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« Cette mutation économique s'accompagne d'une disparité croissante des revenus entre groupes sociaux (et au sein des groupes), disparité que la politique fiscale et surtout l'extension des garanties sociales ont pour effet d'atténuer, parfois d'annuler. Bref, c'est au prix d'une fiscalité accrue et d'une amélioration de la sécurité sociale que l'on a pu parfois éviter une aggravation des inégalités sociales; sans ces deux facteurs — dont la permanence à l'avenir n'est pas certaine — notre société verrait les injustices sociales s'accroître avec régularité. Cela entraîne, bien sûr, une évolution disparate des consommations. La couverture des besoins collectifs essentiels (écoles, hôpitaux, routes, grands ensembles immobiliers...) apparaît moins bien assurée que celle des désirs individuels des classes aisées. [...] Les distorsions que l'on constate seraient moins redoutables si une transformation profonde de notre société pouvait être espérée à plus ou moins brève échéance. Le relais des classes dirigeantes du pays par d'autres groupes sociaux permettrait en effet de tabler sur d'autres motivations, d'autres comportements. Les trois chapitres qui constituent la dernière partie de l'ouvrage laissent peu d'espoir à cet égard. Les « mécanismes de conservation » du pouvoir et de la richesse sont en effet solides et bien huilés. Ils visent à maintenir les centres de décision aux mains des groupes qui les possèdent et leur efficacité paraît peu contestable au statisticien. « N'importe qui ne devient pas n'importe quoi », rappelle M. Praderie, qui cite des chiffres éloquents à ce sujet : un quart des cadres supérieurs et des membres des professions libérales exercent le même métier que leur père; dans ce milieu, 40 p. cent des enfants restent dans ce même groupe social que leurs parents, tout comme, à l'autre extrémité de la pyramide sociale, près de 70 p. cent des fils d'ouvriers demeurent ouvriers. Près de la moitié des enfants de membres de professions libérales ont des diplômes d'enseignement supérieur, contre moins de 1 p. cent pour les enfants de salariés agricoles, de manoeuvres ou d'ouvriers spécialisés. [...] A tous les degrés de l'enseignement — de l'école primaire à l'Université — les « avantages acquis » par les générations précédentes privilégient les descendants : même entre étudiants de licence ou de doctorat, la différence est significative. Parmi les cadres supérieurs, les fils de cadres supérieurs et d'industriels sont hiérarchiquement mieux placés que les autres. ...»