LE NOUVEAU TEXTE DE L’ARTICLE 226 DU CODE PENAL IVOIRIEN A-T-IL ETE EXPURGE DE LA NOTION D’ORIENTATION SEXUELLE ?
Publié le 15/12/2022
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«
LE NOUVEAU TEXTE DE L’ARTICLE 226 DU CODE PENAL IVOIRIEN A-T-IL ETE
EXPURGE DE LA NOTION D’ORIENTATION SEXUELLE ?
Il y a quelques temps, en fin d’année 2021, l’actualité sociale avait été animée
par le débat sur certaines modifications, présentées par le gouvernement, dans
un projet de loi, tendant à introduire dans le corpus juridique ivoirien la
pénalisation de certains actes de discriminations ; dont celui visant des atteintes
à l’orientation sexuelle.
Le projet a finalement été adopté avec le retrait de cette notion conflictogène.
Ce
qui a semblé rassurer et satisfaire tous ceux qui s’en étaient faits les ardents
pourfendeurs.
Au titre desquels des leaders religieux 1 Pourtant, à bien lire le
texte adopté, on se rend compte que cette notion, sortie par la porte y est
revenue par la fenêtre qui lui a été grande ouverte (2).
Par ailleurs, et en
conséquence, certaines dispositions du Code du travail vont être lourdement
impactées par cette modification (3) alors que, à bien y regarder, le statu quo
ante (1) règlementait, suffisamment, bien la situation.
1.
Le statu quo ante
En effet, l’article 226, avant la modification adoptée, indiquait, avec
suffisamment de détails et de précisions les situations qui pouvaient être
qualifiées de racistes, xénophobes, tribales et discriminatoires.
Et l’article 227
introduisait une nuance pour viser toutes les autres situations qui n’en étaient
pas, compte tenu de nos traditions, us et coutumes, des restrictions établies par
l’Etat entre ses ressortissants et les non nationaux (la préférence nationale), y
compris les mesures spéciales en faveur de certains groupes ayant besoin d’une
protection particulière, et des distinctions particulières faites dans un but
purement scientifique ou technique, dans les documents spéciaux.
Ces deux textes, de manière générale, et s’ajoutant à ceux du Code du travail,
pour ce qui nous concerne spécifiquement, balayaient tout le spectre du sujet et
établissaient des dispositions pertinentes pour s’opposer à tout acte de
discrimination contre les personnes.
Il ne semblait donc pas nécessaire de les
modifier ; sauf à vouloir en transformer la substance.
Cependant, lorsque le
projet de texte a été soupçonné d’une telle visée, les voix se sont élevées pour
démentir une telle manœuvre et jurer qu’il n’en était pas question.
Finalement, le projet de texte présenté sur la table de la Commission des Affaires
Générales et Institutionnelles de l’Assemblée Nationale mentionnait bien cette
notion d’orientation sexuelle.
En effet, l’article 226 proposé était ainsi libellé : «
(…) est qualifié de : discrimination, toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée sur
l’origine nationale ou ethnique, la race, la couleur, l’ascendance, le sexe, la situation de famille,
l’état de grossesse, l’apparence physique, la vulnérabilité résultant de la situation économique
apparente ou connue, le patronyme, le lieu de résidence, l’état de santé, le handicap, les mœurs,
l’orientation sexuelle, l’âge, les opinions politiques, religieuses ou philosophiques, les activités
syndicales, qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la
jouissance ou l’exercice, dans les conditions d’égalité, des droits de l’homme et des libertés
fondamentales, dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre
domaine de la vie publique (…) ».
Toutefois, après des débats forts animés, de ce qu’il est rendu compte 2, cette
notion, rejetée par les représentants de la Nation, avait finalement été retirée du
texte final adopté.
Le texte définitif, contenu dans la loi N° 2021-893 du 21
décembre 2021 modifiant la loi N° 2019-574 du 26 juin 2019 portant Code
pénal, est désormais le suivant : « Au sens de la présente section, est qualifié de : 1°
discrimination, toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée notamment sur
l’origine nationale ou ethnique, la race, la couleur, l’ascendance, le sexe, la situation de famille,
l’état de grossesse, l’apparence physique, la vulnérabilité résultant de la situation économique
apparente ou connue, le patronyme, le lieu de résidence, l’état de santé, le handicap, les mœurs,
l’âge, les opinions politiques, religieuses ou philosophiques, les activités syndicales, qui a pour but
ou pour effet de détruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, dans
les conditions d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dans les domaines
politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique (…) ».
Ce texte est bâti sur le même format que celui qu’il va remplacer ; avec ses
différents alinéas.
Cette similarité, dans la forme, a peut-être abusé la bonne foi
des représentants du peuple qui n’ont pas été plus vigilants quant à l’examen du
fond.
2.
L’incrustation de la notion d’orientation sexuelle
Cette notion retirée, les représentants du peuple n’ont pas remarqué que
l’adverbe « notamment » avait été rajouté au texte adopté.
Sans doute, n’y
ont-ils prêté aucune attention , tant cela ne leur semblait pas digne de cet
intérêt.
Ce faisant, ils ont baissé leur garde et leur vigilance et ont commis une
erreur qui est devenue très commune dans les milieux juridiques ; même les
plus avertis : faire une confiance aveugle au rédacteur du texte et ne pas vérifier
que les amendements apportés à la copie initiale sont conformes aux décisions
arrêtées.
En effet, combien de fois n’avons-nous pas entendu dire que les textes
soumis et publiés ne correspondaient pas à ceux adoptés lors des votes.
Sommes-nous dans un de ces cas de figure ? En tous les cas, on doit se
demander quelle est l’intention de l’initiateur du texte de faire ce rajout qui ne
figurait pas dans le texte initial.
Qu’apporte-t-il au texte pour y justifier sa
mention.
Relisons le texte :« Au sens de la présente section, est qualifié de : 1°
discrimination, toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée notamment sur
l’origine nationale ou ethnique, la race, la couleur, l’ascendance, … ».
On note que l’adverbe qui a été rajouté au texte initial en modifie la portée plus
qu’il ne le laisse imaginer.
Dans le corps du texte, il se remarque à peine, mais il
est d’une importance qu’on imagine jamais à sa juste valeur.
Quelles en sont les
conséquences prévisibles ?
Cet adverbe, simple à première lecture, porte une nuance que les non-initiés
peuvent ne pas percevoir.
En revanche, rien ne peut justifier que des experts du
droit, des juges, des avocats et des législateurs, ne la décryptent pas et puissent
prendre ou prononcer des décisions sur la base de sa mauvaise interprétation.
En
effet, l’utilisation de l’adverbe notamment indique qu’il ne s’agit pas d’une liste
exhaustive, mais que ce sont plutôt les situations les plus courantes, les plus
représentatives qui sont listées.
Et qu’ainsi, par analogie, d’autres situations s’en
rapprochant entrent dans le cadre de cette liste qui n’est pas fermée.
Ainsi, par
la fenêtre, les notions très voisines pourront être admises au même titre que
celles citées.
Notamment étant le synonyme de : entre autres, particulièrement,
en particulier, principalement, singulièrement, spécialement, spécifiquement,
surtout, par exemple, …
En conséquence, la décision de la Cour d’Appel d’Abidjan (Chambre Sociale Matière :
Sociale Arrêt N° : 224 du 04 juin 2010) n’est pas fondée lorsqu’elle soutenait que dans
« la liste exhaustivement dressée par l'article 15-8 du code du travail des causes de suspension
Le cas querellé, bien qu’il
ne soit pas listé, ne pouvait pas être écarté avant que le juge recherchât la
similitude de motif avant de se prononcer sur la validité de la suspension, ou
pas, du contrat de travail par l’employeur.
Dans son principe, l’espèce jugée se
rapprochait de toute situation dans laquelle le salarié est placé dans
l’impossibilité d’exécuter sa prestation de travail ; contre sa rémunération.
du contrat de travail ne figure nullement l'inculpation du salarié ».
Avec l’inclusion de cet adverbe dans le texte adopté par l’Assemblée Nationale,
on est passé d’une liste fermée de dix-sept....
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