Le maréchal Lyautey a écrit: L'homme est toujours l'enfant qui préfère son livre d'images à tout livre de lecture, et il a raison: l'image c'est la vie. Qu'en pensez-vous ?
Publié le 09/12/2021
Extrait du document
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«
A l'image le succès, à l'écriture la respectabilité.
Voici comment l'on pourrait résumer les relations de ces moyensd'expression.
Le maréchal Lyautey constate cette préférence pour le «livre d'images».
Mais loin de la déplorer, ilaffirme que l'homme «a raison».
C'est, en effet, un esprit d'enfance qui le porte spontanément à choisir la vie.
Notreépoque, depuis, connaît une «révolution audiovisuelle».
Bouleversement technique Qui a consacré aussi lasuprématie du cinéma, de la télévision.
Autrefois, les livres de classe contenaient peu de gravures et l'on se cachaitpour lire des «illustrés».
Aujourd'hui, l'image conquiert tous les secteurs du quotidien.
Faut-il y voir le triomphe de lavie et s'explique-t-il par la survivance en chacun des jeunes années? Doit-on, au contraire, regretter cetteévolution? Enfin, la lecture et l'audiovisuel sont-ils irréductibles ? D'après le maréchal Lyautey, l'enfant est attiréinvinciblement par l'image : le chatoiement des couleurs, les formes, le mouvement même fascinent.
Pouvoir bienconnu des publicistes qui parviennent aisément à convaincre un jeune public.
En feuilletant un livre d'images, il a leplaisir de reconnaître le monde qui l'entoure.
Ensuite, il établit des liens un peu étranges entre les dessins, et le rêveanime sa vision.
S'il fallait définir la vie, on dirait peut-être qu'elle réside dans cette alliance d'un monde ressenticomme réel et de l'imaginaire.L'hypothèse avancée par Lyautey consiste à dire que cet enfant n'a pas complètement disparu dans le cœur del'adulte.
On a souligné que les conditions du spectacle cinématographique crée une véritable régression : le noir, uneatmosphère close, un certain confort et le bercement des images.
Sans aller aussi loin, il est juste de dire que lespectacle charme facilement.
Comme l'enfant pris entièrement par ses jeux, l'homme est totalement captivé au pointd'en perdre le sens de la durée.
En outre, l'approche ne nécessite généralement pas un grand effort, et l'on retrouvelà un monde où tout est facile.
La bande dessinée frappe et conquiert son lecteur par des couleurs flatteuses.Celui-ci retrouve avec plaisir la simplicité de l'enfance.
La lecture, au contraire, suppose un effort; le charme opère,mais sous l'effet d'une attention dirigée.
Surtout, elle atteint un degré d'abstraction qui rebute l'enfant et découragel'adulte.
Dans ce cas, la pensée est considérée comme le signe de ce qui est artificiel et dénué de vie.
Cependantcette préférence peut être interprétée de façon différente.
Certains y voient une immaturité, excusable chezl'enfant, impardonnable pour un adulte.
En ce sens la piètre qualité des productions ne serait pas le fruit du hasard.L'audiovisuel s'adresserait en priorité à la part infantile de l'homme, à celle qui n'a pas mûri.
Il entretiendrait lapassivité en anèsthésiant la réflexion.
La personne totalement investie par l'image, conquise, perd tout senscritique.
En outre, le mouvement impose son rythme même à la conscience et, comme l'écrit R.
Huyghe, le regard «ne saitplus qu'absorber en une boulimie précipitée».
De même que l'enfant té.
malléable, de même l'adulte ne résisterait pasà la pression des médias.
Parfois, il a un sursaut, affirme qu'on se moque de lui mais retombe sous le charme.Cette situation consacrerait le triomphe de la sensation sur la pensée.
«L'ère moderne est parlante», écrivait Pau!Valéry.
Tout sollicite l'homme et parfois l'agresse.
Dans ces conditions, la lente méditation de la lecture résiste mal.Pourtant ses apports sont appréciables.
Elle permet l'approfondissement d'une Idée, enrichie par la confrontation dedeux pensées.
Elle inquiète, elle fait réagir, mais suivant un rythme propre.En outre, plus que l'image qui impose tous les détails d'une action, d'un décor, d'un personnage, elle 4aisse librecours à l'imagination personnelle.
La preuve en est la déception que l'on éprouve parfois à l'adaptation d'un roman.Entre les deux positions, la réconciliation semble difficile.
Pourtant Lyautey fait trop peu de cas du plaisir que lesjeunes enfants éprouvent à lire : l'apprentissage strict de l'écriture et de la lecture n'est pas ressenti comme unpensum.
Les caractères intriguent; on voudrait déchiffrer, on voudrait connaître ce monde étrange.
On pense parexemple à la fascination de Sartre dans Les Mots, quand sa mère lui lit une histoire.
D'abord, il ne la reconnaît pas,elle lui semble étrangère.
Mais le désir de lire par soi-même demeure plus fort que tout.
En outre, si l'homme aimeparfois se retrouver enfant, il désire aussi grandir.
Et lire symbolise l'entrée dans le monde des grands : il est déjàl'adulte qui préfère son livre de lecture! Car l'homme apprécie parfois de retrouver la simplicité de l'enfant, il ne s'encontente pas éternellement.
Il lui faut accéder au stade de la réflexion plus poussée.
Ainsi la presse écrite nedisparaît pas parce que la télévision diffuse des nouvelles.
Si l'émission est indispensable pour se tenir au courant del'actualité, les articles complètent l'information.Par ailleurs, si l'enfant est actif en regardant un livre d'images, comment croire que l'adulte soit aussi passif enopérant la même action? On ne saurait réduire un spectateur à un regard vide : l'émotion naît instantanément, elleest parfois durable.
La réflexion suit quand le film ou l'émission s'y prêtent.
Si l'on refuse toute valeur à lacontemplation, ne risque-t-on pas de mépriser l'amateur d'art, le plaisir à regarder un tableau?Ce serait une erreur que d'attacher systématiquement du prix à la lecture et de dénigrer automatiquement ce quivient de l'audiovisuel : des films atteignent par leur beauté plastique, par le choc émotionnel qu'ils provoquent austatut d'oeuvre d'art.
Même certains dessins de bandes dessinées ne sont pas exempts de qualités.
La réalisation decertains films dépasse largement en intelligence certains livres.Il est d'ailleurs difficile et même absurde d'établir une hiérarchie entre des œuvres de haute tenue qui empruntentsimplement des voies différentes et sans doute complémentaires.
Conclusion
Dans la conclusion, il faut faire le point.
On détermine surtout si la préférence accordée à l'image élimine à jamais lalecture.
Le développement que nous venons d'établir semble indiquer le contraire, mais il est probable que les formeslittéraires sont transformées, elles aussi, par l'apparition de l'audiovisuel.
Un type d'écriture classique ne peut guèresurvivre, la manière de décrire se trouve fortement influencée par le langage de l'image..
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