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Le juge administratif et la Constitution

Publié le 17/01/2024

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« Le juge administratif et la Constitution Dans sa décision du 23 janvier 1987, le conseil constitutionnel est venu élever au rang de principe reconnu par les lois de la République, la compétence du juge administratif en ce qui concerne l’annulation et la réformation de décisions prises par des autorités administratives. Le juge administratif serait donc constitutionnellement compétent pour annuler un acte administratif illégal ou inconstitutionnel, c’est-à-dire contraire à la loi ou au bloc de constitutionnalité. Cependant, le Conseil constitutionnel crée en 1958, a pour mission principale justement de faire respecter la constitution au regard de la loi ou des traités internationaux.

Il tire ses compétences d’attribution de la constitution elle-même.

Des conflits de compétences peuvent donc apparaitre entre la juridiction administrative et le Conseil constitutionnel dans la mesure où un acte administratif peut être pris en application d’une loi inconstitutionnelle. Il s’agit du problème posé par ladite « théorie de la loi écran ».

La loi n’étant pas du domaine du contrôle de la juridiction administrative, un acte administratif qui fait application d’une loi inconstitutionnelle ne peut être soumis au juge administratif puisque ce type de contrôle est réservé au Conseil constitutionnel. Le même problème se posait lorsqu’un justiciable soutenait qu’un acte administratif allait à l’encontre d’un traité international puisque les traités, ont, en vertu de l’article 55 de la constitution, une place supérieure par rapport à la loi.

Encore une fois, c’était la théorie de loi écran qui était invoquée par la juridiction administrative notamment dans l’arrêt Syndicat général des fabricants de Semoules de France en 1968. Cette jurisprudence sera dépassée par l’arrêt Nicolo de 1989 où le Conseil d’État surpassera la théorie de l’écran législatif.

A noter que ces arrêts concernent le contrôle de conventionalité de la loi, ici sera principalement étudié la compétence du juge administratif par rapport aux contrôles de constitutionnalité des traités et des actes administratifs qui peuvent être pris en application d’une loi. Dans les cas de contrôle de la constitutionnalité d’un traité ou de la loi, il s’agit de la jurisprudence administrative couplée à la constitution de 1958 qui est venue trancher ce genre de conflits toujours en faveur du Conseil constitutionnel puisque son rôle est, précisément, de veiller au respect de la constitution. Cela implique donc, à contrario, certaines incompétences de la juridiction administrative.

D’où la jurisprudence qui viendra affirmer ces incompétences pour laisser le Conseil constitutionnel exercer ses missions. Néanmoins, dans certaines hypothèses précises liées à la reconnaissance constitutionnelle de ses compétences, la juridiction administrative pourra être compétente dans certaines matières qui, de prime abord, pourraient relever de la compétence du Conseil constitutionnel. Comment s’articulent les compétences et les incompétences du juge administratif par rapport aux nombreux contrôles de constitutionnalité ? Le contrôle du juge administratif d’une loi ou d’un traité par rapport à la constitution est hors du champ de la compétence du juge administratif, et cela, même antérieurement à la création du Conseil constitutionnel en 1958 (I).

De l’autre côté, le juge administratif dispose de compétences de contrôle de constitutionnalité lorsqu’un acte administratif est en jeu (II). I- DE NOMBREUSES INCOMPÉTENCES DU JUGE ADMINISTRATIF À L’ÉGARD DE LA CONSTITUTION La jurisprudence constante du juge administratif couplée à la création du Conseil constitutionnel en 1958 fait que le juge administratif est, en principe, incompétent pour évaluer la constitutionnalité d’une loi (A).

De même, la juridiction administrative ne peut évaluer la constitutionnalité d’un traité puisque cette mission est un monopole du Conseil constitutionnel (B). A) Une incompétence du juge administratif dans le contrôle de constitutionnalité d’une loi Le juge administratif ne peut juger de la contrariété entre la constitution et une loi.

Ce principe fut posé dans un ancien arrêt datant de la troisième République.

Il s’agit de l’arrêt Arrighi rendu en 1936 par le conseil d’État qui refuse d’opérer ce genre de contrôle.

Cela fut justifié par le fait, qu’à cette époque, la doctrine du légicentrisme était encore appliquée. L’on défendait le fait que la loi émanant du parlement était « l’expression de la volonté générale » et que cette volonté générale ne pouvait être restreinte par quelconque contrôle.

En d’autres termes, la hiérarchie des normes actuelle n’était pas appliquée, l’on faisait prévaloir la loi sur tout.

Le concept même de contrôle de constitutionnalité n’existait pas, aucune juridiction ne faisait ce type de contrôle puisque cela irait à l’encontre du légicentrisme défendu à l’époque de l’arrêt. Toutefois, avec la constitution de 1958, fut créé la Conseil constitutionnel qui a, précisément, pour mission de garantir le respect de la norme suprême en application de l’article 61 de la Constitution.

Même avec ce changement de paradigme doctrinal où l’on fait désormais prévaloir la Constitution sur la loi, la jurisprudence Arrighi reste toujours d’actualité mais plus Pour les mêmes raisons.

En effet, elle reste applicable puisqu’elle permet au juge administratif de garantir un non-conflit de compétence avec le Conseil constitutionnel et l’effectivité de ses missions données par la constitution. Cette incompétence du juge administratif fait aussi suite à la théorie de la loi écran, la loi n’est pas le domaine de contrôle du juge administratif en termes de contrôle de constitutionnalité.

Si un acte administratif fait application d’une loi, l’évaluation de sa constitutionnalité ne pourra avoir lieu puisque la loi fera « écran » au contrôle.

A noter tout de même que, cela fut remis en question dans la situation où la loi dont l’acte administratif fait application ne contient aucun principe de fond.

Dans ce cas, il a été admis par l’arrêt Quintin de 1991 du Conseil d’État que la loi était un « écran transparent » et que par conséquent le contrôle de constitutionnalité de l’acte administratif pouvait se faire en dépit de la loi dont l’acte administratif fait application. En plus de cela, la théorie de la loi écran peut fortement être remise en question avec la révision constitutionnelle de 2008 où la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) fut introduite à l’article 61-1 de la Constitution.

Elle permet à un justiciable, devant toute juridiction administrative ou judiciaire de soulever l’inconstitutionnalité d’une disposition législative qui est appliquée au litige.

En somme, si un acte administratif fait application d’une loi qu’un justiciable affirme comme étant inconstitutionnelle, le juge administratif devra évaluer si la méconnaissance du principe constitutionnel pose une question sérieuse, peu importe si la loi est de pure forme.

Il fait donc un contrôle de constitutionnalité de la loi avant de déférer la question au Conseil constitutionnel. A l’incompétence de principe du juge administratif en termes de contrôle de constitutionnalité́ de la loi, s’ajoute son incompétence pour évaluer la constitutionnalité d’un traité.

Encore une fois pour éviter tout conflit de compétence avec le Conseil constitutionnel. B) Une incompétence du juge administratif dans le contrôle de constitutionnalité d’un traité La juridiction administrative connait une autre incompétence en plus de celle précédemment évoquée.

Il s’agit du contrôle de constitutionnalité d’un traité.

En d’autres termes, qu’un traité ratifié par l’État français ne méconnaisse pas les principes posés par le bloc de constitutionnalité. Cette incompétence provient encore une fois du fait que c’est le Conseil constitutionnel qui est compétent pour effectuer ce type de contrôle puisque sa mission consiste justement à protéger la constitution en tant que norme suprême.

Il tire sa compétence de l’article 54 de la constitution qui prévoit la situation où un traité avant son entrée en vigueur, serait contraire à la constitution. Dans ce cas, la constitution pourra être révisée puisqu’un traité a fait l’objet de négociations entre pays et ne peut être changé unilatéralement par un État parti au traité au motif qu’il méconnaitrait la constitution. Même si la compétence du Conseil constitutionnel est reconnue par la constitution, le juge administratif est venu confirmer son incompétence pour effectuer le contrôle de constitutionnalité d’un traité puisque certains justiciables ont pu soulever ce moyen.

D’où l’arrêt Commune de Porta rendu en 2002 par le Conseil d’État où il est expressément affirmé que le Conseil d’État n’a pas à se prononcer sur le moyen selon lequel un traité, dans ses stipulations, méconnaitrait des principes contenus dans le bloc de constitutionnalité.

Ce principe fut réaffirmé́ dans l’arrêt « fédération nationale de la libre pensée » rendu en 2010 par le Conseil d’État où il était soutenu par les requérants qu’un traité conclu avec le Vatican méconnaissait le principe de laïcité contenu.... »

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