Le Japon: puissance asiatique, puissance mondiale ?

« Introduction Petit État, à l'étroit dans son archipel, replié sur lui-même jusqu'au milieu de xixe siècle, le Japon est entrétardivement dans l'ère industrielle.

Sa défaite de 1945 l'a contraint à renoncer à toute emprise sur ses voisinsasiatiques et a ruiné son économie.

En dépit de tous ces handicaps, le Japon n'en est pas moins devenu aujourd'huile centre moteur du développement de l'Asie orientale et la deuxième puissance économique mondiale.

Il exerce, àce titre, un rôle déterminant dans l'espace mondial.

Comment le Japon y est-il parvenu, quelles formes a pris sadomination, quelle importance a-t-elle selon les domaines?La puissance japonaise s'est inscrite dans l'espace régional et dans l'espace mondial par la mise en valeur de liensgéographiques et humains.

Elle se traduit par une domination commerciale, financière et industrielle liée à un modèlede développement longtemps considéré comme exemplaire.

Mais elle continue de se heurter à des limites culturelleset politiques. I - Des marges de l'Asie au centre du monde A.

Un pays asiatique d'importance moyenne 1.

Au plan spatialLe Japon forme un chapelet d'îles relativement éloignées des côtes du continent (au minimum 200 km), dont desmers agitées le séparent.

Cet isolement s'est traduit par l'entrée tardive du Japon dans l'histoire (vie siècle), et parla rareté des incursions étrangères : la seule majeure est celle des Américains en 1945.

Il ne faudrait cependant pastirer de la taille assez médiocre du territoire (3/5e de la France environ) l'idée fausse d'une insignifiance spatiale :plus vaste pays de l'« Asie bleue » des marges insulaires et péninsulaires du continent (du Kamtchatka àl'Indonésie), le Japon étire ses quatre îles principales du 45e au 31e parallèles.

Avec les terres plus menues desarchipels des Ryukyu et des Bonin, la «Japonésie» (P.

Pelletier) s'étend presque jusqu'au tropique du Cancer, et auxabords de Taïwan et de la Micronésie (îles Mariannes).

Cette localisation a permis dans le passé de nombreux etmultiformes contacts avec l'Asie orientale; elle fournit aujourd'hui une très considérable Zone Économique Exclusive(ZEE) maritime.

Le Japon côtoie l'Extrême-Orient russe au nord, la Corée à l'ouest, le monde chinois au sud-ouest, lemonde du Pacifique au sud-est. 2.

Au plan humainLe Japon a tiré de son insularité une civilisation très particulière : langue, organisation socio-politique (féodalité,unique en Asie, jusqu'à la Rénovation Meiji de 1868), arts, coutumes alimentaires.

Cependant l'écriture, l'institutionimpériale, l'architecture et les principales croyances (bouddhisme, confucianisme) furent tôt empruntées à laprestigieuse et puissante Chine.

Dans l'autre sens, les marchands, pirates et mercenaires japonais avaient au xviesiècle leurs quartiers dans tous les grands ports de la façade orientale de l'Asie ; et, de la fin du xixe siècle à laSeconde guerre mondiale, au moins 1,5 million de Japonais émigrèrent, la plupart vers l'Asie, et singulièrement enCorée ou à Taïwan, alors colonies nippones.

Aujourd'hui le Japon, pays le plus riche de la région, en forme à lui seulplus de la moitié du PIB, même si son poids démographique (la moitié de l'Indonésie, le dixième de la Chine) fragilise àterme cette prédominance en Asie. B.

Au coeur de l'espace mondial 1.

L'ouverture au mondeAvec l'ère Meiji, le Japon, seul pays d'Asie à avoir été « ouvert » par les Américains et non par les Européens,devient brutalement un relais essentiel sur la principale route maritime transpacifique : Yokohama (le port de Tokyo)est l'étape asiatique la plus proche de San Francisco.

Or le «Grand Océan », si longtemps vide de trafics et mêmed'hommes (dans sa partie nord), devient au xixe et plus encore au XXe siècle un espace d'échanges qui ne le cèdeen intensité qu'à l'Atlantique Nord. 2.

L'ouverture à l'OccidentDe plus, les deux derniers siècles ont démontré aux Japonais que la tentation - toujours plus ou moins présente - durepli nationaliste ou de la confrontation avec l'Occident n'est qu'un passeport pour le désastre.

C'est l'ouverturecontrainte et douloureuse de l'après 1854 qui a permis au Japon d'échapper à la colonisation.

L'alliance avec lespuissances occidentales (Royaume-Uni, en 1902, puis pays de l'Entente pendant la Première guerre mondiale) aconduit le pays dans la cour des Grands du monde.

Par contre l'agression contre les États-Unis en 1941 n'a aboutiqu'à la défaite et à la ruine, en 1945.

Elle a conduit à une méfiance durable à l'égard du Japon, en particulier enAsie.

Cependant, l'alliance avec les États-Unis (1951) et l'acceptation de la démocratie à l'occidentale ont permis unbrillant redressement économique et social. 3.

La relation avec les États-UnisElle est particulièrement décisive.

Dès la fin du xixe siècle, ces derniers s'installèrent au rang de premier partenairecommercial du Japon, et y sont depuis demeurés.

Dans l'autre sens, le Japon a toujours été pour les États-Unis lepays le plus important, et de loin, de la façade ouest du Pacifique.

L'archipel nippon, où sont installées certaines desplus grandes bases militaires américaines à l'étranger, et d'où est pilotée (Yokosuka) la vile flotte (Pacifiqueoccidental) des États-Unis, constitue un relais primordial pour la stratégie mondiale de Washington.

Le systèmeéducatif nippon s'est largement aligné sur celui des États-Unis, avec lesquels la symbiose est également étendue. »