Le jansénisme.

« Le jansénisme. La religion aussi se pénètre d'héroïsme.

Le jansénisme apparaît à point nommé pour satisfaire les esprits quirêvent de vertu intransigeante, de pureté mystique.

Son lieu d'élection en France fut un couvent de femmessitué dans la vallée de Chevreuse, l'abbaye de Port-Royal. En 16o8, la jeune abbesse de Port-Royal, Angélique Arnauld, alors âgée de dix-sept ans, entreprend de ramener soncouvent, trop pénétré d'influence mondaine, à la stricte observation de la règle.

Ainsi commence la célébrité dePort-Royal.

Le site était malsain.

La Mère abbesse transfère en 1625 ses religieuses à Paris.

Toutefois lacommunauté conserve sa maison des champs. En 1635, Duvergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran, dont le catholicisme austère avait conquis toute la familleArnauld, devient le confesseur de Port-Royal.

Il y introduit la doctrine de saint Augustin, telle que lui-même et sonami Cornelius Jansen ou Jansénius, évêque d'Ypres, la comprenaient.

Selon cette doctrine exposée dans un ouvrageposthume de Jansen, l'Augustinus (1640), l'homme, corrompu par le péché originel, est incapable, s'il n'a pas la grâce, de résister à l'attrait du mal.

Or Dieu n'accorde sa grâce qu'à des êtres prédestinés.

Pourtant, l'hommeconserve l'entière liberté de ses actes, dans l'ignorance où il est des intentions de Dieu à son égard. Les jésuites s'étaient toujours opposés à la doctrine augustinienne de la grâce.

De son côté, Jansénius avaitcombattu les arguments de Molina, Suarez, Vasquez et autres théologiens de la compagnie de Jésus.

La publicationde l'Augustinus envenima le débat.

Si l'affaire fit tant de bruit en France, c'est que la famille Arnauld, qui s'y trouvait mêlée, jouissait d'une importante situation mondaine.

Il y eut à la cour, au Parlement, dans le clergé un partijanséniste, dont l'autorité la plus considérable fut un frère de la Mère Angélique, Antoine Arnauld, surnommé le grandArnauld. Les bâtiments désaffectés de Port-Royal des Champs accueillirent, à partir de 1637, des religieux et des laïquesdésireux de vivre dans la retraite, selon l'idéal janséniste.

On les appela « les Solitaires » ou « les Messieurs » dePort-Royal.

En 1648, la Mère Angélique avec une partie de ses religieuses réintégra l'abbaye.

Les Messieurss'installèrent alors dans une ferme voisine, Les Granges, consacrant l'essentiel de leur activité à l'enseignement,qu'ils donnaient dans leurs « petites écoles », éparses autour de Port-Royal.

Plusieurs d'entre eux, en dehorsd'Antoine Arnauld, ont laissé un nom illustre : Arnauld d'Andilly, Antoine Le Maître, le grammairien Lancelot, lemédecin Hamon, le moraliste Nicole. L'histoire de Port-Royal est une suite de persécutions entrecoupées de trêves.

En 1638, l'emprisonnement de Saint-Cyran amène la dispersion provisoire des Solitaires.

En 1661, priées de signer un formulaire désavouant Jansénius,les religieuses acceptent d'abord, puis se reprennent, ce qui finit par provoquer, en 5664, une opération de policecontre Port-Royal de Paris et l'expulsion des religieuses.

Un nouveau formulaire, proposé en 1668 par le pape, assurejusqu'en 1679 la paix de l'Église.

Puis les difficultés recommencent.

En 1705, la situation se gâte tout à fait,aboutissant à la dispersion définitive des religieuses (1709) et à la destruction des bâtiments (1712) . La pensée janséniste tient dans la littérature du XVIIe siècle une place importante.

Elle domine toute l'oeuvre dePascal.

Elle a profondément marqué Racine, qui fut l'élève des Solitaires.

Son action s'est exercée sur plusieurscercles mondains : celui de Mme de Sablé, celui de Mme de Lafayette.

Chez Boileau, chez La Bruyère, chez Bossuetlui-même on trouve des traces de jansénisme.. »