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«Le grand talent en littérature est de créer, sur le papier, des êtres qui prennent place dans la mémoire du monde, comme des êtres créés par Dieu, et comme ayant eu une vraie vie sur la terre.» (Edmond et Jules de Goncourt, Journal.) Vous expliquerez ces lignes et vous vous demanderez si on ne peut pas déterminer quelques-uns des procédés essentiels qui ont contribué à la création de ces êtres privilégiés.

Publié le 15/05/2020

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Ci-dessous un extrait traitant le sujet : «Le grand talent en littérature est de créer, sur le papier, des êtres qui prennent place dans la mémoire du monde, comme des êtres créés par Dieu, et comme ayant eu une vraie vie sur la terre.» (Edmond et Jules de Goncourt, Journal.) Vous expliquerez ces lignes et vous vous demanderez si on ne peut pas déterminer quelques-uns des procédés essentiels qui ont contribué à la création de ces êtres privilégiés. Ce document contient 3153 mots soit 7 pages. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système gratuit d’échange de ressources numériques. Cette aide totalement rédigée en format pdf sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en Littérature.

« «Le grand talent en littérature est de créer, sur le papier, des êtres qui prennent place dans la mémoire du monde,comme des êtres créés par Dieu, et comme ayant eu une vraie vie sur la terre.» (Edmond et Jules de Goncourt,Journal.) Vous expliquerez ces lignes et vous vous demanderez si on ne peut pas déterminer quelques-uns desprocédés essentiels qui ont contribué à la création de ces êtres privilégiés. Introduction Que reste-t-il vraiment dans notre mémoire de toutes nos lectures et de toute notre culture littéraire ? Soyonssincères : nous ne retenons qu'approximativement bien des dates, nous serions souvent embarrassés pour donnerl'analyse exacte d'oeuvres, même célèbres, mais sur ce fond un peu désordonné de nos souvenirs, quelques visagesse détachent, des êtres s'animent, nous ne les oublierons jamais, nous ne pouvons pas croire qu'ils n'aient jamaisvécu : ces êtres littéraires, telle sa «sylphide» à Chateaubriand, nous sont plus présents que nombre de mortels.

Onpeut se demander si la grande ambition d'un écrivain n'est pas de contribuer à meubler la mémoire des hommes dequelques-uns de ces fantômes vivants; les frères Goncourt, auteurs d'une importante oeuvre romanesque,écrivaient avec quelque nostalgie : «Le grand talent en littérature est de créer, sur le papier, des êtres qui prennentplace dans la mémoire du monde, comme des êtres créés par Dieu, et comme ayant eu une vraie vie sur la terre.»Ce mot n'est pas sans amertume : eux, les méticuleux naturalistes, n'ont pas su faire pénétrer une de leurscréatures dans ce glorieux royaume dont ils nous invitent, avec un étonnement admiratif, à contempler lesrichesses.

Contemplons-les donc et peut-être saurons-nous déceler, non pas bien sûr les procédés que nousconseillerions à un auteur d'employer, tout au moins quelques traits communs aux êtres de ce royaume. I Les déceptions d'observateurs méticuleux 1 Le mot est avant tout un mot de romancier : depuis Stendhal et Balzac, l'ambition du romancier est deconcurrencer Dieu et l'état civil.

(Ce n'est que tout récemment que la notion de personnage a été remise enquestion par les romanciers) Plus encore peut-être que le dramaturge (et bien que le théâtre soit un grandpourvoyeur de types), le romancier veut, à l'aide de toutes les magies de son art, soulevant le voile desconsciences, expliquant lentement les genèses et les conséquences, décrivant, faisant parler, le romancier veut,disons-nous, contraindre un héros à se lever d'entre les pages de son livre et à nous apparaître comme le frère — àla fois plus singulier et plus significatif — des hommes que nous connaissons.2 Les Goncourt ne manquent pas à la règle : leurs romans ont tous comme titre le nom d'un héros; depuis CharlesDemailly (1860) jusqu'aux Frères Zemganno (1879), c'est avant tout un héros ou des personnages fondamentauxqu'il s'agissait de faire vivre.

Tandis qu'il arrivait à Balzac d'appeler ses romans La Recherche de l'Absolu ou LesIllusions perdues et que, même s'il les appelait Le Médecin de campagne ou Le Père Goriot, c'était surtout unesociété qu'il entendait peindre, les Goncourt veulent avant tout susciter la vie d'un personnage (Germinie Lacerteuxou la vie d'une servante parisienne), et pour cela ils n'épargnent rien, ni les collections minutieuses de documents niles notes d'après nature sur la banlieue ou le Paris des faubourgs.

Souvent les héros qu'ils peignent ont réellementvécu, ce sont souvent des cas psychologiques et pathologiques tels les divers peintres qui apparaissent dansManette Salomon.

Comment dès lors ne prendraient-ils pas place sur la terre, dans «la mémoire du monde» ?3 Or l'oeuvre tout entière des Goncourt est à peu près un échec à ce point de vue; ils ont un succès d'estime et ongarde d'eux le souvenir d'un style, d'une écriture, la fameuse écriture «artiste».

Mais de cet immense travail dedocumentation, de cette analyse psychologique ou médicale, pas un seul personnage ne se lève pour rejoindre leroyaume des grands «types» littéraires, le royaume d'Andromaque, de Figaro ou de Julien Sorel.

Vraiment, leursemble-t-il, il faut bien du talent pour créer «sur le papier» des êtres qui prennent place dans la mémoire du monde! II Mythes, références et types Ce royaume, lui, n'est pas seulement sur le papier : il existe réellement, on y vit d'une vie intense et on s'y agitesouvent avec frénésie.

Peut-être ne devons-nous pas accueillir de la même façon toutes les créatures que nous yrencontrons.

Déjà, en 1881, se plaçant sans doute à un point de vue trop étroitement moral, Taine, dans saPhilosophie de l'art, suggérait de distinguer trois sortes de types littéraires : au plus haut degré il plaçait les typesles plus idéaux et les plus purs, tels qu'ils naissent généralement à l'origine des peuples, types qui ont quelque chosede religieux, voire de divin, comme Achille, Roland, le Cid; à un degré inférieur, mais encore dramatique et puissant,ces types qui se caractérisent surtout par l'hypertrophie d'une passion, d'une faculté, d'un trait de caractère, quece soit en bien ou en mal, tels Antigone, Don Quichotte, Macbeth, Othello, le Père Grandet, Madame Bovary, etc.(ce sont, selon lui, les types les plus littéraires); enfin, au plus bas degré, les types réalistes et comiques,véritablement populaires, tels Sancho Pança, George Dandin, Joseph Prudhomme, pour lesquels Taine sembleéprouver un certain mépris.

Sans accepter la hiérarchie suggérée par Taine, nous pouvons nous en inspirer pouressayer de clarifier un peu cet univers des types et mieux comprendre ce à quoi pensent surtout les Goncourt.1 Ces types très purs et très primitifs auxquels pense Taine sont en fait plutôt ce que nous appellerions aujourd'huides mythes ou des archétypes et ils préexistent souvent à la création littéraire.

On pourrait dire qu'ils hantent lesécrivains plutôt que ceux-ci ne les inventent : Andromaque, la mère et la veuve fidèle, aurait existé sans Racine,peut-être même sans Virgile (Enéide, III, y.

292-332), peut-être était-elle déjà un mythe au temps où Homère nous. »

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