Le génie créateur est-il un pur don de la nature (Diderot) ou le reflet, sur le plan idéologique, de la politique et de l'économie d'une société (Mao Tsé-Toung) ?
Publié le 09/12/2021
Extrait du document
a) Le scandale du génie : l'oeuvre peut toujours apparaître comme explicable; ce qui demeure inexplicable, c'est pourquoi elle a été faite par tel homme. Placés dans des conditions (matérielles, culturelles...) égales, les hommes ne parviennent pas tous aux mêmes résultats. Le génie fait preuve non tant pour l'inégalité entre les hommes que pour la richesse et la diversité, pour les possibilités de l'humanité. b) L'art comme rationalité : vieux sujet, la thèse du miracle absolu et de la non-détermination du génie a très tôt été ressentie comme démissionnaire et réactionnaire (Mme de Staël cherche à lier littérature à histoire et fait des grands hommes - Rousseau et Voltaire - des porte-parole de réalités qui les dépassent). Il y a, d'autre part, une homologie entre les configurations artistiques et la réalité (Taine démontre ainsi la « liaison des choses simultanées » : une tragédie de Racine, l'architecture de Versailles, une oraison funèbre de Bossuet sont comparables et correspondent à la rationalisation et à la mise en ordre de la société classique). Par là le génie est intégré à l'effort prométhéen des hommes au lieu de lui être opposé. Mais la difficulté commence lorsqu'on veut expliquer de la même manière la personnalité : si L. Goldmann a pu rendre compte des tragédies de Racine comme « structures signifiantes » , il ne s'est pas intéressé aux problèmes de la biographie et de la personnalité de Racine. Mais cet effort intégrateur a été vite détruit par une autre entreprise : la réduction du génie à ses conditions d'existence et de fonctionnement.
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Introduction
Comment l'homme de génie, c'est-à-dire celui qui a produit des œuvres exceptionnelles, est-il explicable — ouinexplicable — par son temps, dans son temps? L'homme de génie est un scandale, que tantôt on nous invite àadmirer sans aller plus loin, et que tantôt on nous explique.
Ce dilemme cependant ne peut s'étudier dans l'abstrait;il se pose de manière différente à différents moments de l'histoire.
La mise en perspective une fois faite, quelle estla situation du problème aujourd'hui? Ce n'est sûrement pas l'opinion « personnelle » qui peut permettre à elle seulede répondre : il faudra renvoyer à une science et à un savoir en train de se constituer, ceux du littéraire, à unerecherche collective, si on ne veut pas se contenter de répercuter les lieux communs sur « les grands hommes ».Remarque : Cette manière d'envisager le sujet en exclut d'autres, possibles : notamment l'aspect biographique etmoral du problème de l'homme de génie (comment vit-il dans son temps? quels sont ses rapports avec sescontemporains? comment est-il reçu? il n'y a pas de grand homme pour son valet de chambre, etc.).
Première partie : les données vécues du problème
Deux manières de poser la question : pour le sens commun (les mass média aidant), ce qui l'emporte c'estl'admiration pour l'homme de génie; pour l'école et la science, on peut expliquer l'exceptionnel (mais on n'aboutit pasau même résultat).De là découlent deux lieux communs : l'art-miracle, indépendant de ses conditions d'existence (Mozart enfant).
L'artqui après tout n'est que...
la résultante des conditions d'existence.
Les thèses réductrices l'emportent.En fait il y a réduction dans les deux cas, la première étant la plus répandue pour des raisons démagogiques : il n'y apas besoin d'être instruit, le génie c'est comme le tiercé, « ça » peut arriver à tout le monde...
a) Le scandale du génie : l'œuvre peut toujours apparaître comme explicable; ce qui demeure inexplicable, c'estpourquoi elle a été faite par tel homme.Placés dans des conditions (matérielles, culturelles...) égales, les hommes ne parviennent pas tous aux mêmesrésultats.Le génie fait preuve non tant pour l'inégalité entre les hommes que pour la richesse et la diversité, pour lespossibilités de l'humanité.
b) L'art comme rationalité : vieux sujet, la thèse du miracle absolu et de la non-détermination du génie a très tôtété ressentie comme démissionnaire et réactionnaire (Mme de Staël cherche à lier littérature à histoire et fait desgrands hommes — Rousseau et Voltaire — des porte-parole de réalités qui les dépassent).Il y a, d'autre part, une homologie entre les configurations artistiques et la réalité (Taine démontre ainsi la « liaisondes choses simultanées » : une tragédie de Racine, l'architecture de Versailles, une oraison funèbre de Bossuet sontcomparables et correspondent à la rationalisation et à la mise en ordre de la société classique).Par là le génie est intégré à l'effort prométhéen des hommes au lieu de lui être opposé.
Mais la difficulté commencelorsqu'on veut expliquer de la même manière la personnalité : si L.
Goldmann a pu rendre compte des tragédies deRacine comme « structures signifiantes » , il ne s'est pas intéressé aux problèmes de la biographie et de lapersonnalité de Racine.Mais cet effort intégrateur a été vite détruit par une autre entreprise : la réduction du génie à ses conditionsd'existence et de fonctionnement.
Par exemple Taine explique les grands écrivains par la race, le milieu, le moment,mais laisse de côté le problème de la singularité du travail de l'écrivain, et de la production du sens par l'écriture.
Deuxième partie : mise en perspective
(Reprendre ici les définitions, données au début, de nature et d'idéologie sans lesquelles le sujet n'est pas traité nitraitable.)a) Diderot formule sa théorie du génie contre l'esthétique des règles, contre une sorte d'ancien régime littéraire.
Cequ'il appelle nature est, ailleurs, l'équivalent du mérite, plébéien, brimé par l'ordre classique.
Il proclame les droits dugénie, comme d'autres avaient proclamé ceux de la raison.b) Qui est visé? les « saines doctrines » qui disent que l'art est une combinaison de goût, de raison, de morale.
MaisDiderot s'adresse aux hommes d'une nouvelle raison, d'un nouveau goût, d'une nouvelle morale : ce n'est pas uneproclamation anarchique ni irresponsable.c) Mao, lui, formule sa théorie contre les définitions et pratiques idéalistes qui prétendent faire échapper la créationlittéraire et artistique en général aux conditions matérielles, et rejettent en même temps toute idée de responsabilitépolitique des artistes.
Contre les mandarins, Mao utilise (après d'autres, mais dans des conditions nouvelles) lathéorie marxiste :— il faut remonter : à la base il y a l'économique (rapports de production);— au-dessus le politique (rapports sociaux qui en découlent) ;— et enfin l'idéologique qui émane du politico-économique; parmi cet idéologique, il y a la création artistique.Autrement dit : on ne peut connaître l'art sans connaître l'idéologique qui l'enveloppe, et cet idéologique n'est passéparable du politique et de l'économique.
Il ne faut pas perdre de vue que Mao a été conduit là par une exigencepratique : quelle littérature pour aider la révolution? Il y a donc glissement à la politique.
Troisième partie : de la contradiction.
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