Le Feu follet

« PIERRE RIEU A OCHELLE C'est par Louis Aragon que Drieu avait fait la connaissance de Jacques Rigaut, jeune bourgeois d'origine modeste, dandy t a pageur lié au mouvement dada, grand amateur de mariages américains .

Il devait servir d'abord de modèle au per sonnage de Gonzague dans la longue nouvelle La Valise vid e (N.

R.F ., 1923).

Après le suicide de s on ami , Drieu écrivit un déchirant Adi eu à Gonza gue qu 'on trouv e dans toutes les réédition s du Feu f o llet.

Dessins de Léon Schubiger Le Feu ollet Faire une fin A Iain a trente ans.

C'est un bourgeois sans but qui ne veut pas vieillir.

Intelligent et sensible, il a vécu sa jeunesse comme une promesse.

Promesse de gloire, d'amour, d'argent, qui dure.

Mais, submergé d'exigences, il n'a rien fait.

Doué de séduction, il n'a pas su garder les femmes qu'il a aimées et qui l'ont entretenu.

Alors Alain s'est drogué , enfermé encore, prolongeant ses illusions loin d'un monde inconsis­ tant peuplé de formes vides.

Sa jeunesse fut un men­ songe dont le désastre est consommé.

Alain a horreur de la médiocrité : il se tire une balle dans le cœur.

Le suicide à la boutonnière T out le destin fugace d'Alain est dans la méta­ phore-titre de ce récit paru en 1931, où Pierre Drieu La Rochelle, prenant pour prétexte le suicide de son ami Jacques Rigaut, raconte les derniers jours d'un homme que la vie a gâté et qui renonce à vivre.

Alain appartient à cette génération qui a subi de plein fouet la secousse violente de la guerre ; il cherche à se réadapter à une société où les valeurs d'avant­ guerre, encore proclamées , sont pourtant déjà périmées.

Il le sait, les rejette, mais ne trouve rien à leur sub­ stituer.

Il flotte dans un état d' ape­ santeur morale où sa liberté l'effraie et le désarme.

Comment peut-on vivre d'une ma­ nière authentique dans un monde qui ne l'est pas? Rigoureusement, il n'y a pas de problème, puisqu'il n'y a pas de solution.

Il s'agit de sortir de l'hypothèse et de fuir le monde : érémitisme ou suicide.

Alain est un bourgeoi s, pas un mys­ tique : le suicide est donc sa solution.

Il faut rendre à Pierre ce qui est à Alain.

Il semble bien au fond que Drieu se soit tué pour les mêmes rai­ sons qu'il prête à son personnage: parce que, ne sa­ chant s'adapter à un monde sans authenticité , il avait tenté de modeler le monde à son besoin de grandeur, imaginé un nouvel ordre éthique, cru au fascisme , et que, ce rêve ruiné, la vie valait seulement qu'on se donnât la peine de la quitter.

X:\" SIÎ ·:< 'LE ---- - - --- --- U n homme de trente ans se condamne lui-même à mort après avoir constaté la faillite de sa vie.

«Je l'ai vu roulé( ...

) hurler à la mort dans une cage d'escalier.

». »