Le droit de dissolution sous la Ve République : une désuétude programmée ?
Publié le 15/06/2024
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Dissertation : Le droit de dissolution sous la Ve
République : une désuétude programmée ?
Introduction
Le droit de dissolution de l'Assemblée nationale, attribué au
Président de la République par la Constitution de la Ve
République française, a historiquement servi à résoudre des
crises institutionnelles et à maintenir la responsabilité
politique.
Cependant, son usage s'est raréfié au fil des
décennies, au point de devenir presque désuet.
Cette
évolution soulève des questions quant à la pertinence et à
l'efficacité de ce pouvoir dans le contexte actuel de la Ve
République.
Problématique
Comment le droit de dissolution, initialement conçu comme
un outil crucial pour l'équilibre des pouvoirs, a-t-il évolué
pour devenir un instrument marginalisé, et quelles en sont
les implications pour le fonctionnement de la démocratie
sous la Ve République ?
I.
Le droit de dissolution : fondements historiques et
évolution sous la Ve République
A.
Justifications historiques et théoriques du droit de
dissolution
Le droit de dissolution trouve ses racines dans la tradition
orléaniste et la pensée de Léon Duguit, où il était justifié
par la nécessité de maintenir un pouvoir légitime mais
irresponsable.
Ce mécanisme permettait au Président de
dissoudre l'Assemblée nationale pour résoudre des conflits
institutionnels ou pour rationaliser un Parlement perçu
comme indiscipliné.
L'orléanisme voyait en ce droit une
façon de préserver l'équilibre des pouvoirs tout en
maintenant une stabilité politique.
L'article 12 de la Constitution de 1958 précise que "le
Président de la République peut, après consultation du
Premier ministre et des Présidents des assemblées,
prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale".
Cet
article visait à fournir un outil de gouvernance permettant
de résoudre les impasses politiques.
B.
Évolution contemporaine et désuétude
1.
Usage initial et transformations sous la Ve République
La Ve République, instaurée par la Constitution de 1958, a
accordé au Président de la République le droit de dissoudre
l'Assemblée nationale.
Ce droit, énoncé dans l'article 12 de
la Constitution, visait à permettre au Président de résoudre
des impasses institutionnelles et de renforcer la stabilité
politique.
Cependant, son usage a évolué au fil du temps.
Exemples historiques :
• De Gaulle et la dissolution de 1962 : En 1962, après
que l'Assemblée nationale ait refusé la confiance au
gouvernement de Georges Pompidou, le général de
Gaulle a utilisé le droit de dissolution pour appeler à
des élections anticipées.
Cette dissolution a permis de
renforcer la légitimité du pouvoir exécutif en obtenant
une majorité parlementaire soutenant la politique
gaulliste.
• De Gaulle et la dissolution de 1968 : Suite aux
événements de mai 1968, marqués par des grèves
massives et des manifestations, de Gaulle a dissous
l'Assemblée nationale pour réaffirmer l'autorité
présidentielle et obtenir une nouvelle majorité
parlementaire.
Cette dissolution a été perçue comme un
moyen de répondre à une crise de légitimité et de
restaurer l'ordre.
• Chirac et la dissolution de 1997 : Jacques Chirac a
prononcé la dissolution de l'Assemblée nationale en
1997, espérant renforcer sa majorité parlementaire.
Cependant, cette décision a conduit à une cohabitation
avec une majorité de gauche, illustrant les risques
politiques associés à l'utilisation de ce droit.
2.
La présidentialisation du régime et la raréfaction de
la dissolution
Avec le temps, la Ve République a évolué vers une
présidentialisation du régime, où le Président de la
République joue un rôle de plus en plus dominant.
Cette
transformation a contribué à la raréfaction de l'usage du
droit de dissolution, le Président n'ayant plus besoin de
recourir à cet instrument pour affirmer son autorité.
Facteurs contribuant à la désuétude :
• Stabilité des majorités présidentielles : L'élection du
Président de la République au suffrage universel direct,
instaurée en 1962, a renforcé la légitimité présidentielle
et a souvent conduit à des majorités parlementaires
stables, réduisant ainsi la nécessité de dissoudre
l'Assemblée nationale.
• Réforme du quinquennat : La réforme
constitutionnelle de 2000, instaurant le quinquennat
présidentiel, a aligné la durée des mandats présidentiel
et législatif.
Cette réforme a contribué à synchroniser
les élections présidentielles et législatives, diminuant
encore la probabilité de recours à la dissolution.
• Usage stratégique limité : L'histoire récente montre
que les Présidents hésitent à utiliser le droit de
dissolution en raison des risques politiques qu'il
comporte, comme en témoigne l'exemple de Chirac en
1997.
La dissolution peut entraîner une cohabitation ou
une majorité parlementaire hostile, rendant le
gouvernement difficile.
II.
Typologie des dissolutions et implications pour
l'équilibre des pouvoirs
A.
Dissolutions neutres versus dissolutions politisées
1.
Les dissolutions neutres : un idéal rarement atteint
Les dissolutions neutres, où le Président de la République
agit en tant qu'arbitre impartial pour résoudre des crises
institutionnelles sans motivations politiques explicites, sont
théoriquement justifiées par le besoin de restaurer
l'équilibre des pouvoirs et de maintenir la stabilité politique.
Cependant, ces dissolutions sont rares en pratique.
Caractéristiques des dissolutions neutres :
• Absence de motivations politiques évidentes : Une
dissolution neutre est censée être motivée par des
raisons institutionnelles, telles que l'incapacité de
l'Assemblée nationale à fonctionner efficacement ou à
former un gouvernement stable.
• Maintien de l'équilibre des pouvoirs : L'objectif
principal est de restaurer un équilibre entre les pouvoirs
exécutif et législatif, en assurant que l'Assemblée
nationale représente fidèlement la volonté populaire.
Exemple limité :
• De Gaulle en 1962 : Bien que cette dissolution ait été
partiellement motivée par la volonté de renforcer
l'autorité présidentielle, elle visait également à résoudre
une crise de confiance parlementaire et à établir une
majorité stable.
2.
Les dissolutions politisées : prédominance et risques
Les dissolutions politisées sont plus courantes et sont
souvent utilisées par les Présidents pour des raisons
stratégiques, telles que renforcer une majorité parlementaire
ou répondre à des crises de légitimité politique.
Ces
dissolutions sont motivées par des considérations politiques
explicites, souvent au détriment de l'équilibre institutionnel.
Caractéristiques des dissolutions politisées :
• Motivations politiques explicites : Les dissolutions
politisées sont généralement déclenchées pour
renforcer la position du Président ou pour résoudre des
crises de légitimité perçues comme menaçant l'autorité
exécutive.
• Impact stratégique : Ces dissolutions visent à obtenir
un avantage politique immédiat, comme une majorité
parlementaire plus favorable, au lieu de résoudre une
impasse institutionnelle.
Exemples historiques :
• De Gaulle en 1968 : La dissolution de 1968, après les
événements de mai, visait clairement à renforcer la
position de de Gaulle et à restaurer l'ordre en obtenant
une majorité parlementaire renouvelée.
• Chirac en 1997 : La dissolution de 1997, bien qu'ayant
échoué à atteindre ses objectifs, illustre l'usage
stratégique du droit de dissolution pour tenter de
consolider une majorité parlementaire.
Conséquences et implications :
• Affaiblissement du Parlement : Les dissolutions
politisées peuvent affaiblir la représentation
parlementaire, en utilisant le Parlement comme un outil
pour renforcer le pouvoir exécutif plutôt que comme un
contrepoids indépendant.
• Risque de crises politiques : L'utilisation stratégique
du droit de dissolution peut entraîner des crises
politiques, notamment en cas de cohabitation ou de
majorité parlementaire hostile, compliquant ainsi la
gouvernance.
Conclusion
Le droit de dissolution, bien que conçu comme un
instrument essentiel pour maintenir l'équilibre des pouvoirs
sous la Ve République, a évolué vers un outil politisé,
utilisé principalement pour des gains stratégiques.
Cette
évolution contredit les principes de séparation des pouvoirs
prônés par Montesquieu et compromet l'équilibre
démocratique en affaiblissant le rôle du Parlement.
Pour
restaurer l'efficacité et la pertinence de ce droit, il est
crucial de repenser ses modalités d'exercice et de renforcer
le rôle du Parlement dans le système institutionnel français.
B.
Implications et réflexions sur l'avenir du droit de
dissolution
La pratique contemporaine du droit de dissolution pose des
questions sur son rôle véritable et son utilité dans le
système politique actuel.
La désuétude de ce pouvoir reflète
une transformation profonde de la dynamique
institutionnelle, où le Président n'a plus besoin de recourir à
la dissolution pour affirmer son autorité.
Cette situation
interpelle sur la nécessité de repenser ce droit pour qu'il
retrouve sa fonction originelle de garant de l'équilibre
démocratique.
Pensée Philosophique et Limites du Droit de
Dissolution
La Thèse de Montesquieu et la Séparation des Pouvoirs
Montesquieu, dans "De l'esprit des lois", prône une stricte
séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire pour
garantir la liberté et éviter la tyrannie.
Le droit de
dissolution, tel qu'il est utilisé aujourd'hui, peut contredire
cette séparation en renforçant disproportionnellement le
pouvoir exécutif au détriment du pouvoir législatif.
Théorie de Léon Duguit
Léon Duguit, inspiré par l'orléanisme, voyait la dissolution
comme un moyen de maintenir l'équilibre des pouvoirs en
assurant une responsabilité indirecte du pouvoir exécutif.
Pour Duguit, ce mécanisme permettait de rationaliser un
Parlement perçu comme indiscipliné ou de résoudre des
conflits institutionnels.
Limites et Conséquences du Droit de Dissolution
Usage Politique
Le droit de dissolution, lorsqu'il est utilisé pour....
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