le dormeur du val
Publié le 24/06/2024
Extrait du document
«
Séance 15 : EL n°16.
Arthur Rimbaud, « Le Dormeur du val »
Introduction : Arthur Rimbaud est considéré avec Charles Baudelaire comme le précurseur de la poésie moderne.
Il
arrête d'écrire à environ 20 ans et part en Afrique où on perd sa trace.
Il est l'archétype du poète maudit (relation interdite
avec Paul Verlaine…).
Il a environ 16 ans lorsqu'il quitte le domicile familial de Charleville.
Il écrira 22 textes qu'il
confiera à son ami poète Paul Demeny = Cahiers de Douai.
Pendant cette fugue, il traverse des régions dévastées par la
guerre franco-prussienne.
L'année suivante il demandera à Demeny (qui s’y refusera) de détruire ce cahier car il a évolué
dans sa vision de la poésie, renonçant au romantisme et au culte de la forme.
« Le Dormeur du val » est un des premiers
poèmes de Rimbaud.
Il respecte la forme du sonnet : deux quatrains, deux tercets possédant leur autonomie syntaxique
et sémantique.
Chaque quatrain contient une phrase ; les tercets deux phrases.
Rimbaud prend certaines libertés avec le
système de rimes classique : il n'emploie pas le même jeu de rimes dans les deux quatrains et remplace les rimes
embrassées traditionnelles par des rimes croisées.
On pressent une vision neuve de la poésie.
Le titre de ce sonnet
résume bien son contenu : il s’agit en apparence d’un jeune soldat endormi dans une nature refuge.
Comment ce sonnet
progresse-t-il vers sa chute ?
1) Un cadre bucolique et heureux : 1er quatrain
Le premier quatrain est consacré à l'évocation d’une nature idyllique, l'impression est entièrement celle d'une belle
journée d'été où toutes les conditions sont rassemblées pour être heureux.
Précision du lieu = une nature accueillante : v.1 le présentatif « c’est » pose le cadre, un « trou de verdure ».
Cette
vallée étroite donne l'impression d'un endroit abrité, paisible.
On a la mention d’« une rivière » (mot à la rime) au creux
d’une « montagne » (v.3), complément circonstanciel de lieu.
Le GN « petit val » (v.
4) reprend le titre et le « trou de
verdure » du v.1 pour camper ce décor protégé.
Les notations de couleurs où domine le vert avec la « verdure » (v.
1),
les « herbes » (v.
2) participe à une nature verdoyante.
Le cadre est idyllique.
Une nature vivante : la personnification de la rivière avec le verbe « chante » (v.
1) rend cette nature familière.
L’adverbe « follement » (v.2) associé au verbe d’action au participe présent « accrochant » crée une idée de rapidité, de
vie.
L’adjectif « fière » (v.
3) personnifie la « montagne ».
La nature paraît une entité capable d’agir, de penser.
Cette
nature vivante semble en fête : la rivière dotée du pouvoir magique habille d'argent les herbes qui l'environnent.
L'oxymore « haillons/d'argent » (v.
2-3), appuyé par le rejet semble exprimer le pouvoir de métamorphoser la pauvreté
(« haillons » = vêtements déchirés) en richesse, le laid en beau.
La nature est exubérante, pleine de vie.
Le verbe
« mousse » (v.4) connote le pétillement de la joie de vivre.
En outre, les sens sont sollicités avec la vue (relief, couleurs,
lumière) et l’ouïe (chant).
C’est une nature animée, enchanteresse.
Une nature lumineuse : on a des jeux de lumière avec le « soleil » cité au vers 3 et repris par le verbe « luit » positionné
en rejet au vers 4.
Les vers 2-3 offrent une métaphore, les « haillons d’argent » soulignent les reflets du soleil, les
projections d'embruns sur les « herbes », les gouttes d'eau où s'accroche la lumière du soleil sous la forme de lambeaux.
« D'argent » placée en rejet met en valeur la luminosité de la scène.
La métaphore « un petit val qui mousse de rayons »
(v.
4) indique une lumière légère qui prend la forme d’une texture agréable.
L'importance du champ lexical de la lumière
est marquée par la versification : « d'argent » et « luit » rejetés aux v.
3 et 4 et suivis d’une coupe forte ; « rayons » placé
à la rime, en fin de quatrain (v.
4).
Les rayons du soleil se propagent par réverbérations, ce paysage est baigné par la
lumière.
C’est une hypotypose, la description de la nature se donne à voir.
2) Le personnage du dormeur : 2d quatrain.
Rimbaud présente un dormeur dans cette nature accueillante : les éléments végétaux, le « cresson bleu » (v.
6), les
« herbes » (v.
7), le « lit vert » (v.
8) suggèrent à nouveau une scène colorée, un cadre champêtre.
L’identité du personnage est mentionnée, c’est « un soldat », son âge est évoqué, il est « jeune » (v.
5).
L’adjectif
postposé met en avant sa jeunesse, son innocence.
L’article indéfini « un » est généralisant, c’est un jeune soldat parmi
tant d’autres.
Son portrait est organisé et commence par le haut du corps : « tête » (v.
5), « nuque » (v.
6).
Sa tête « nue »,
dénudée, sans casque indique qu’il est au repos.
Le champ lexical du sommeil et du calme sont associés au soldat : son
corps est allongé ; cette information est répétée avec insistance : « baignant dans le frais cresson bleu » (v.
6), « étendu
dans l'herbe » (v.
7), « dans son lit » (v.
8).
La préposition « dans » est répétée comme si le personnage faisait partie de
ce décor « de verdure », il semble en osmose avec la nature.
Le soldat dort paisiblement : le verbe « dormir » sera répété
trois fois, en position privilégiée : en rejet au vers 7, en rejet après la césure au v.
9, au début du vers 13.
Sa « bouche
ouverte » (v.
5) peut être un indice de sa sérénité, témoignant de son abandon voluptueux au sommeil.
De même, le GN
sa « nuque baignant dans le frais cresson bleu » (v.6) peut évoquer l’idée de bien-être, de fraîcheur en plein soleil.
Le
complément circonstanciel de lieu « sous la nue » (nuage, ciel) mis en valeur par la même rime au vers 5 renvoie à une
position allongée sous la voûte céleste.
La métaphore « la lumière pleut » placée à la rime au vers 8 pourrait souligner
l’idée d’une lumière liquide baignant le soldat.
Enfin, la métonymie « lit vert » (v.8) rappelle la présence d’une nature
verdoyante.
C’est donc un lieu bucolique, propice à la sieste, à l’abandon total.
Dans les quatrains, on a une sorte de
tableau impressionniste avec des jeux de lumière, des touches de couleurs, des contours flous (mousse, nue).
Ce poème
évoque une scène de printemps ou d’été, un adolescent endormi dans une campagne familière, lumineuse et colorée.
Idée de symbiose apparente ; mais à laquelle la chute du poème apporte une autre signification inquiétante.
Un faisceau d’indices renvoie déjà à la maladie et à la faiblesse : Le GN « bouche ouverte » (v.
5) surprend, cette
position figée peut se rapporter à celle d ‘un mort.....
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