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Le dialogue ?

Publié le 15/05/2020

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« RAPPEL DE COURS: LE DIALOGUE Dans les Méditations métaphysiques (1641), Descartes prétendreconstruire toutes les vérités à partir de lui seul.

La première certitude àlaquelle les Méditations aboutissent est en effet celle de l'existence dusujet pensant : « je pense donc je suis » est une certitude absolue, quipeut être affirmée quand bien même il n'y aurait au monde aucune autrevérité, quand bien même ni le monde ni les autres n'existeraient.

C'estcette situation qu'on nomme (pour la critiquer) solipsisme, c'est-à-dire latendance du sujet pensant à n'affirmer aucune autre réalité que lui-même.Pourtant, la simple expérience du dialogue contredit le solipsisme, etc'est sans doute pour des raisons profondes et non seulement «littéraires » que bien des philosophes ont écrit des œuvres sous formede dialogue : Platon bien sûr, mais aussi Berkeley, Leibniz, Hume...

Dansles dialogues de Platon par exemple, on voit souvent Socrate, qui mènele jeu, discuter avec un jeune homme qui ne lui répond au fond que paroui ou par non.

En apparence ici, la pensée de Socrate est magistrale etne se forme pas de façon « dialogique ».

Mais pourquoi Platon éprouve-t-il alors le besoin de l'exposer sous forme de dialogue ? Ce n'est passeulement pour la rendre plus vivante.

En vérité, l'assentiment del'interlocuteur est une manière de traduire le besoin où est la pensée des'objectiver.

Même si l'autre ne me fait pas changer d'avis (ce qui restebien entendu toujours possible dans une situation idéale de dialogue), lesimple fait de lui demander de se ranger à mes raisons leur donne unstatut qu'elles n'auraient pas eu si je les avais énoncées tout seul.« Dans l'expérience du dialogue, écrit Merleau-Ponty, il se constitue entreautrui et moi un terrain commun, ma pensée et la sienne ne font qu'unseul tissu, mes propos et ceux de l'interlocuteur sont appelés par l'étatde la discussion, ils s'insèrent dans une opération commune dont aucunde nous n'est le créateur ».

Le dialogue fait penser.

Il manifeste quepenser est penser avec autrui, en se confrontant avec autrui : penser parsoi-même ne doit pas se confondre avec le refus du commerce de lapensée des autres.

Platon disait d'ailleurs que penser est comme undialogue intérieur de l'âme avec elle-même.

Comme l'écrit le philosopheallemand contemporain Jurgen Habermas, la raison est «communicationnelle » : ce n'est pas celle du sujet cartésien, isolé face aumonde et se définissant à partir de soi seul.

Un monde sans autrui neserait pas seulement un monde où il serait impossible de vivre, maisaussi un monde où il serait impossible de penser.

Platon écrit toute son oeuvre sous forme de dialogues.

Cette tradition littéraire propre à la philosophie, née avec ladémocratie grecque, s'est prolongée au moins jusqu'au XVIIe siècle (Leibniz, Berkeley, Hume ont écrit des dialoguesphilosophiques), et il n'est guère de philosophe pour ne pas reconnaître la vertu éminemment philosophique de toutdialogue véritable.Pourquoi accorde-t-on cette vertu au dialogue ?1 – Il suppose l'égalité des interlocuteurs.

La relation qui passe par le dialogue est par nature contraire à la relationd'autorité, car c'est une relation fondée, comme à l'Assemblée démocratique d'Athènes, sur l'échange d'arguments : si jeme plie aux arguments de l'autre, je ne lui obéis pas. 2 – Le dialogue exclut la violence pour lui préférer la raison.

La décision même de dialoguer indique que l'on a refusé lerecours à la force ou à l'intimidation pour s'imposer et qu'on fait confiance à la seule « force » des idées et à l'examen de lavalidité des raisons avancées. 3 – Le dialogue interdit de décider du vrai pour les autres.

Il manifeste que penser est penser avec autrui, en seconfrontant à autrui : penser par soi-même ne doit pas se confondre avec le refus du commerce de la pensée des autres. 4 – Enfin, le dialogue récuse la figure archaïque du maître de vérité.

La vérité recherchée en commun dans un dialoguedépend des raisons qu'on avance ; elle n'est ni une vérité révélée, ni un dogme.C'est à la lumière de ces vertus philosophiques du dialogue qu'il faut comprendre le prestige de Socrate, père de tous lesphilosophes, bien qu'il n'ait rien écrit, et peut-être justement parce qu'il n'a rien écrit et a passé sa vie à dialoguer avecses concitoyens sur la place publique.

En se prétendant lui-même ignorant, Socrate ne délivre pas de vérité : il interrogeet, grâce à son « ironie », démonte les opinions toutes faites de ses interlocuteurs.

Il incite ainsi chacun à une rechercheauthentique de la vérité.Mais tous les dialogues se valent-ils ? Platon oppose la dialectique philosophique, dialogue véritable, à l'éristique dessophistes qui n'en est que le faux-semblant.La première se fonde sur la possibilité d'un accord entre les interlocuteurs et, surtout, elle organise la confrontation en vuede la recherche sincère de la vérité.

La seconde, au contraire, est polémique et ne cherche qu'à réduire l'adversaire ausilence.

En ce sens, pour Platon, la pratique sophistique du dialogue n'est au fond qu'une forme déguisée de violence.. »

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