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Le devoir de voter n'est pas remis en cause

Publié le 14/05/2024

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« Causes Le devoir de voter n'est pas remis en cause, mais il obéit à un impératif moral et social moins fort que par le passé.

Dans un climat de relative désinstitutionnalisation de la politique, de plus grande individualisation des choix et des convictions personnelles, le droit de ne pas voter acquiert une certaine légitimité. Les Français restent dans l'ensemble attachés aux institutions politiques et aux rouages de la démocratie représentative.

Mais ils sont critiques à leur endroit, moins confiants et plus sceptiques quant à leur efficacité.

Pour 79 % d'entre eux, il est extrêmement important que les gens votent régulièrement aux élections pour assurer le bon fonctionnement de la démocratie, mais 62 % jugent qu'il est aussi extrêmement important que les gens manifestent pour défendre leurs revendications. La participation politique s'organise à partir de plusieurs scènes d'expression citoyennes et de plusieurs répertoires d'action : le vote, l'abstention et la manifestation.

C'est à partir d'un usage combiné de la démocratie représentative et de la démocratie participative que de plus en plus de citoyens se font entendre.

Il est plus facile aujourd'hui de protester et de se positionner contre que d'adhérer à un système ou à une ligne politiques.

Et dans l'utilisation de ces formes d'expression protestataire, l'abstention occupe une certaine place.

La « démocratie d'élection » s'est quelque peu érodée, et si l'on est passé, selon les mots de Pierre Rosanvallon, « d'une démocratie politique « polarisée » à des formes de « démocratie civile » plus disséminées », d'autres formes de l'activité politique se sont quant à elles raffermies, telles que la « démocratie d'expression », la « démocratie d'implication » ou encore la « démocratie d'intervention ».(2) Les analyses du comportement électoral ont mis au jour une augmentation des usages intermittents et alternés du vote et de l'abstention.

Plus de quatre français sur dix (45 %) reconnaissent s'être déjà abstenus.

L'électeur d'aujourd'hui est d'abord un votant intermittent, donc un abstentionniste intermittent. Etude de cas : la France Le rapport des Français à la politique s’est considérablement dégradé au cours des trente dernières années : les gouvernements successifs ont échoué à endiguer le chômage, l’image du personnel politique s’est ternie et le clivage gauche-droite s’est atténué. L’infidélité sans culpabilité est devenue une norme de notre société.

Beaucoup en font l’expérience en matière de consommation ou dans les relations amoureuses.

Cela touche aussi la sphère électorale.

En effet, le temps où le vote était solidement enchâssé dans une classe sociale, corrélée elle-même à une proximité partisane largement organisée autour du clivage gauche-droite, est révolu.

Aujourd’hui, la volatilité électorale est devenue l’enjeu clé de toute élection, rendant l’exercice de la prédiction électorale particulièrement complexe et bien plus aléatoire que pendant les années 1970 ou même 1980.

Dans cette mobilité et, plus généralement, dans l’évolution des comportements électoraux, il convient de distinguer deux grands facteurs : le rapport à la politique ellemême, qui s’est profondément transformé, et le sens donné à l’élection. Une transformation profonde du rapport à la politique s’est opéré. Avant : Pendant des décennies, la politique a captivé les Français : dans les années 1970, plus de 70% d’entre eux déclaraient s’y intéresser, et ils avaient raison d’y accorder une place éminente.

D’abord parce que la guerre a été une constante de nos sociétés et que l’art de s’y préparer ou de l’éviter fait partie de l’essence du politique.

Ensuite parce que les choix opérés par le pouvoir en place avaient un impact immédiat et profond sur la société et la vie quotidienne (emploi, logement, pouvoir d’achat, accès au crédit, fiscalité).

Enfin, parce que la politique mobilise des visions et des systèmes de valeurs qui déterminent le degré de liberté et d’émancipation d’une société, les droits et les devoirs en vigueur, la façon dont sont traitées les femmes et les différentes minorités, les mœurs tolérées ou non par la loi, etc.

La politique gère également la sécurité publique, sans laquelle aucune société ne peut perdurer. L’intérêt pour la politique connaît son apogée à la fin des années 1970, pour plusieurs raisons : • le choc pétrolier et la montée rapide du chômage commencent à angoisser profondément la société française ; • la situation internationale est porteuse de dangers majeurs, l’affrontement idéologique EstOuest risquant de mener à une guerre nucléaire ; • la droite est au pouvoir depuis 1958 et un désir d’alternance traverse la société française.

La victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1981 s’inscrit dans ce contexte : "Une autre politique est possible", ne cesse de déclarer le leader socialiste.

Il instaure le thème de la "rupture avec le capitalisme", destinée à lutter efficacement contre le chômage grâce à la nationalisation du crédit et d’une partie de l’appareil productif, à la relance de la consommation et à de nouveaux droits accordés aux citoyens et aux travailleurs.

Par ailleurs, le pouvoir entend aussi bâtir une société plus sociale et plus égalitaire. Mais Cette alternance, porteuse de tant d’espoirs, va générer la première grande désillusion et introduire une première fêlure, considérable, dans le rapport à la politique.

En effet, contrairement à ce que promettaient les slogans, la vie n’a pas changé.

Même si nombre de nouveaux droits ont été très vite octroyés, la population a rapidement déchanté.

Le chômage explose, conduisant au tournant de la rigueur de 1983 : la France accepte définitivement l’ordre économique occidental de marché, cherche à réduire ses déficits et à améliorer la compétitivité de son appareil productif.

Non seulement “l’autre politique” n’est pas parvenue à endiguer le chômage mais l’idée même d’une réponse globale – politique, sociale et économique – à la crise s’est fracassée. Pendant les vingt années qui suivront, les Français vont vivre diverses expériences au travers d’alternances gauche-droite quasi systématiques.

En 1986, la cohabitation – en mars 1986, Jacques Chirac est nommé chef du gouvernement par François Mitterrand, à la suite de la victoire de la droite aux élections législatives – et le printemps libéral forment une brève parenthèse avant la réélection – triomphale – de François Mitterrand à la présidence en 1988, avec un peu plus de 54% des suffrages.

Cette phase de cohabitation débouche en 1993 sur une déroute historique du Parti socialiste (PS) aux élections législatives (17,6% des voix) et une nouvelle cohabitation.

Avec Édouard Balladur au poste de Premier ministre, la droite tente à nouveau une politique plus libérale. Elle est vite tempérée deux ans plus tard, en 1995, par la victoire de Jacques Chirac à la présidentielle, placée sous le sceau de la "lutte contre la fracture sociale". Cette politique sera oubliée à son tour au bout de six mois, puis le gouvernement sera sanctionné, lors des élections législatives de 1997 suivant la dissolution de l’Assemblée nationale, par la victoire des socialistes et une nouvelle (la troisième) cohabitation.

Le Premier ministre Lionel Jospin mène alors une politique social-démocrate et profite dans un premier temps d’une croissance exceptionnellement forte.

À partir de 2000-2001, cependant, son bilan s’effrite et le chômage repart à la hausse.

Lors de la présidentielle de 2002, Lionel Jospin est devancé au premier tour, le 21 avril, par Jean-Marie Le Pen, président du Front national (FN), qui se qualifie pour le second tour face à Jacques Chirac.

Le choc est considérable dans le pays.

Jacques Chirac est réélu avec plus de 82% des suffrages exprimés, mais sa victoire est en trompe-l’œil.

En vingt ans, la croyance en l’efficience de la politique s’est effondrée. La crise s’avère en effet intense ; c’est une crise de l’impuissance sur le front du chômage.

Durant un quart de siècle, les alternances politiques se succèdent, entrecoupées de périodes de cohabitation, et le chômage, préoccupation numéro un des Français, ne descend quasiment jamais sous le taux de 9%.

Cela atteste l’incapacité des gouvernants à mettre en œuvre des politiques susceptibles d’obtenir des résultats.

Et sans résultats un pouvoir est frappé d’illégitimité.

En outre, les alternances gauche-droite ayant conduit à un même échec, la persistance du chômage fait naître un doute plus radical sur la politique elle-même : celle-ci a-t-elle un impact sur la réalité ? À l’impuissance dans la lutte contre le chômage s’ajoute une inquiétude de plus en plus vive des Français concernant leur sécurité.

Le bilan de Lionel Jospin étant également contesté sur ce point, ils ont le sentiment que les pouvoirs en place ont échoué dans ce domaine.

Enfin, quelques mois avant le 21 avril 2002 ont eu lieu les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis, qui ont mis en évidence la vulnérabilité de la première puissance mondiale face au terrorisme mais aussi, brutalement, à la mondialisation : nul n’est à l’abri dans un monde définitivement ouvert, tel est l’enseignement majeur.

L’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle n’est donc pas un accident mais l’aboutissement d’un processus.

Dès 1983, sur fond de désillusion à l’égard de l’alternance de 1981, le FN émerge en affirmant que tout n’a pas été tenté en matière de chômage et en préconisant la préférence nationale pour remédier aux échecs des politiques de gauche et de droite.

Cependant,.... »

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