Le dernier jour d'un condamné (Victor Hugo), chap. 22
Publié le 09/12/2021
Extrait du document
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En 1829, peu de temps après la révolution française Victor Hugo publie Le denier jour d'un condamné. Après un siècle d'évolution et de renouveau philosophique, Hugo perpétue la tradition en plaçant au centre de son œuvre uneréflexion humaniste sur la condamnation à mort.
Ce roman écrit sous la forme d'un journal intime est censé être tenupar le condamné lui-même.
Il y relate ce qu'il a vécu depuis son procès jusqu'à son exécution.
Dans le passage quenous allons étudier le prisonnier est transféré à la conciergerie.
« Une espèce de cabriolet oblong » lui sert devéhicule pour ce cour voyage au cours duquel s'établit une discussion entre l'aumônier, l'huissier et lui-même.
Cettediscussion est son premier contact humain depuis prés de six semaines.
Pourtant le protagoniste fait preuve d'unecertaine ironie et d'une attitude désinvolte face à cette confrontation avec l'extérieur.
Nous nous poserons laquestion de savoir comment l'auteur fait ressortir le fatalisme permanent du protagoniste face à sa destinée.
Danscette perspective nous verrons dans un premier temps en quoi la structure du chapitre reflète l'état d'esprit ducondamné, puis, dans un deuxième temps nous analyserons comment l'atmosphère varie en fonction duprotagoniste.
La construction du chapitre étudié traduit l'état d'esprit du condamné.
Le chapitre est une antithèse, une bouclevicieuse savamment construite qui illustre le caractère obsessionnel d'une situation.
L'obsession de l'échafaud etl'attente de la guillotine sont les thèmes principaux de l'œuvre et sont au centre des tourments du protagoniste.
Lamise en situation du chapitre est établie en deux phrases « Me voici transféré, comme dit le procès-verbal.
Mais levoyage vaut la peine d'être conté.
».
Ces phrases relèvent du registre de l'ironie amère, elles lancent le ton duchapitre.
Cependant elles ne se contentent pas d'éclairer le lecteur sur la nature du récit, mais introduisent par lamême occasion la structure symétrique du chapitre.
Le début n'est que le reflet de la fin.
Dans les premières lignesl'auteur nous indique que « Sept heures et demie sonnaient » quand « l'huissier s'est présenté », pour mieux nousrappeler dans les dernières lignes que « huit heures et demie sonnaient à l'horloge du Palais».
Il ne faut négligeraucun détail car quand le narrateur parle du Palais, il fait référence ici au palais de justice, qui incarne le systèmejudiciaire de la société, tout comme l'huissier au début du passage.
Système qui rappelons le est la cause de tousles problèmes du condamné ainsi que celle de ses réflexions tourmentées.
On peut suggérer que c'est la présence del'huissier qui provoque des vertiges au prisonnier « j'ai fait un pas ; il ma semblé que je ne pourrait en faire unsecond, tant ma tête était lourde et mes jambes faibles.
» et c'est à la vue du Palais de justice qu'il croit que lesbattements de sont cœur vont s'arrêter.
On relève, dans la continuité de ses deux phrases respectives unphénomène étonnant.
Paradoxalement après s'être senti défaillir, le protagoniste surmonte très rapidement lasituation et fait preuve d'une force impressionnante par rapport à son état précédent.
« Cependant je me suis remiset j'ai continué d'une allure assez ferme », ou encore « j'ai recueillie mes forces […] j'ai sauté […] je me suisenfoncé à grands pas ».
Coup de maître, pour l'auteur qui introduit une antithèse à l'intérieur d'une autre.
Cettemise en abîme souligne qu'il n'y a aucune évolution, la situation reste la même du début jusque à la fin.
Par ce fait ilparait logique qu'il n'y ait aucune progression narrative.
Le condamné quitte « le seuil du cachot » pour mieux« sauté à bas du cachot roulant ».À la fin du chapitre une heure entière c'est écoulait, la grande aiguille a fait letour du cadran, pour mieux revenir à sa place initiale.
Ce tour du cadran est métaphoriquement parlant l'écho dessouffrances, des terreurs, des dialogues intérieurs du condamné.
Le rythme qu'impose cette géométrie littéraire, vapermettre au lecteur de s'identifier au héros.
De vivre ses faits et gestes.
Pour approfondir cette sensation VictorHugo utilise une focalisation interne.
Le lecteur ne voit, ne sait, ne pense que se que le narrateur voit, sait oupense.
C'est le monologue intérieur qui par l'absence d'interlocuteur amplifie se rapprochement lecteur/narrateur.
Lelecteur est dans la conscience même du condamné, il est lui aussi exposé a la guillotine.
L'utilisation de phrasesbrèves et courtes intensifie la violence des faits.
Belle façon pour l'auteur de persuader ses lecteurs que lacondamnation à mort est un procédé horrible.La construction du dialogue entre Le prêtre, l'huissier, et le condamné est elle aussi très intéressante.
Le narrateurétant lui-même un des personnages du dialogue, il maîtrise le lecteur et lui impose son point de vue.
En touteconscience l'auteur introduit un décalage entre les paroles.
Pratiquement chaque réplique est ponctuée d'uneintervention du narrateur-personnage.
« Hé ! hé ! a repris l'huissier en haussant la voix pour avoir le dessus sur lebruit des roues ; infernales voiture ! Infernale ! En effet ».
L'auteur ne précise l'intervention du narrateur par aucuneponctuation.
L'écrit devient parole dans un souci de réalité.
Comme si le texte avait était écrit par un auteurdébutant qui n'aurait pas pris le soin de relire son manuscrit, comme si le condamné avait était emporté par sonémotion lors de la rédaction de son texte autobiographique.
De plus toutes les interventions du narrateur-personnage exposent encore une fois son obsession, il est persuadé d'être au centre de la conversation alors qu'ilne l'est pas.
« Je pense, ai-je répondu, que je ne penserais plus ce soir.
».
Il n'est pas le sujet de la conversation,mais il devrait l'être Hugo souligne la négligence de l'huissier qui ne se soucie pas de l'avenir du jeune homme.
A telpoint qu'il ne saisit pas les allusions de ce dernier, qu'il fait des allusions déplacées sur ses compagnons de voyage.
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