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le courant des hétérodoxes

Publié le 13/01/2024

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« 7 – Des économistes/courants hétérodoxes : L’orthodoxie économique est le paradigme dominant dans la science économique, en anglais Mainstream. Depuis le XIX°, elle est constituée du courant Classique/Néoclassique (jusqu’à son expression la plus récente avec la NEC), même si entre 1945 et 1975, elle a intégré une partie de la théorie keynésienne (dans la synthèse classico-keynésienne). Les hétérodoxes sont les économistes qui ont développé des modèles alternatifs au mainstream, comme Keynes et les keynésiens (en dehors de la synthèse), les marxistes ou les institutionnalistes, tous déjà cités et très divers (les keynésiens et les institutionnalistes ne remettent pas en cause le droit de propriété, au contraire des marxistes Certains sont plus difficilement rattachables à une école (ou alors ils se réclament de plusieurs influences), et sont quasi inclassables.

Ils présentent un certain nombre de points communs entre eux : --- Ils abordent des domaines nouveaux de l’économie et posent des questions nouvelles. --- Ils ont souvent une approche pluridisciplinaire.

Ils intègrent à leurs analyses l’apport d’autres disciplines : l’histoire (le temps long chez Braudel, les cycles d’innovation de Schumpeter), la sociologie des organisations ou l’approche institutionnelle (Veblen et Galbraith). --- Ils adoptent une méthodologie qui privilégie les faits, les cas concrets plutôt que les raisonnements abstraits ou la modélisation mathématique, considérant que le mainstream est irréaliste ou rejeté par les faits. --- Ils ont souvent un point de vue critique ou différent sur le système capitaliste, le fonctionnement de marché, le rôle de l’Etat. a – Schumpeter : Joseph Schumpeter (1883 – 1950).

Autrichien naturalisé américain, ex-banquier devenu universitaire. Admirateur de Walras, formé à l’école néoclassique autrichienne, lecteur assidu de Marx mais néanmoins hétérodoxe.

Consacre l’essentiel de son œuvre à l’évolution longue du capitalisme. Il accorde une place centrale à l’innovation.

L’innovation est un élément nouveau introduit dans le processus de production-distribution (nouveau produit, nouvelle méthode de production, nouveau débouché, nouvelle source de matière première, nouvelle organisation du marché etc.).

Une innovation-produit place le producteur en situation de quasi-monopole vis à vis du consommateur (du fait de son avance technologique) = « rente de monopole » (qui s’achève avec l’arrivée d’un produit comparable sur le marché). Les innovations obéissent à un processus de création/destruction ou de « destruction créatrice » qui renouvelle sans cesse la production économique.

Elles résultent le plus souvent de « grappes d’innovations » associant plus avancées technologiques.

Elles génèrent des cycles en fonction de leur durée de vie depuis leur apparition, leur arrivée à maturité et la phase d’obsolescence qui nécessite de nouvelles grappes d’innovations etc. Ces cycles d’innovation ont été corrélés par Schumpeter aux cycles de Kondratieff, mis à jour dans les années 1920 par l’économiste russe N.

Kondratiev (cycles de longue durée, de 50 ans environ, divisé en 2 phases : A de croissance, B de crise, se succédant assez régulièrement depuis le début du XIX°s.) ; pour Schumpeter, une phase A correspond à l’émergence et l’arrivée à maturité d’une série d’innovations, la phase B correspond à l’amorce de son dépassement technologique et aux tâtonnements menant à de nouvelles innovations (thèse discutée cependant). Compte tenu du rôle qu’il assigne aux innovations dans le capitalisme, Schumpeter accorde une place tout aussi centrale aux entrepreneurs : à l’origine des innovations, visionnaires plus que gestionnaires, capables de se projeter dans l’avenir et de rompre avec la routine pour renouveler la production et la consommation, ils jouent un rôle clé dans la croissance économique. Contrairement à Keynes, Schumpeter ne croit pas au rôle économique de l’Etat (sauf dans des situations exceptionnelles comme les périodes de reconstruction post-guerre), il croit davantage à l’action des entrepreneurs pour pérenniser le système capitaliste.

Paradoxalement, il rejoint Marx sur l’avenir du capitalisme en adoptant la thèse stagnationniste de l’auteur du Capital (reprise de l’état stationnaire de Ricardo) : l’économie capitaliste est menacée par une tendance à la bureaucratisation et à la trustification, freins au processus d’innovation qui pourraient condamner le système à long terme.

Pour échapper à cette fin programmée, Schumpeter défend l’idée d’une démocratie fondée sur une économie d’entrepreneurs capables de produire en permanence de l’innovation. b – Veblen : Thorstein Veblen (1857 – 1929), américain d’origine norvégienne, universitaire tardif et auteur à succès grâce à un talent de polémiste, se situe à la frontière entre l’économie et la sociologie. Refusant la thèse des néoclassiques de l’individu rationnel agissant en fonction de ses intérêts et maximisant ses préférences, T.

Veblen soutient que les acteurs sont modelés individuellement par leurs instincts et collectivement par les institutions qui les enserrent.

Les instincts sont par exemple les liens de parenté, la propension au travail (« l’instinct artisan ») etc.

Les institutions sont des constructions sociales résultant de contrats implicites ou explicites (les droits et obligations individuels, le marché etc.) qui définissent les rôles et les statuts des individus dans la société.

Instincts et institutions interagissent. T.

Veblen développe une vision critique du capitalisme.

Il dénonce la dérive technocratique et mécaniste de l’économie (rôle croissant des ingénieurs et des experts).

Il invente le concept de consommation ostentatoire pour désigner la surconsommation de ce qu’il appelle « la classe des loisirs » (les riches oisifs) : consommation symbolique vécue comme un signe extérieur de richesse génératrice de gaspillage (l’ostentation se substituant à la satisfaction des besoins).

Le « ce qui n’est pas cher ne vaut rien » de Veblen remplace le « ce qui est rare est cher » de Walras (cf.

Biens de Veblen). c – Galbraith : John Kenneth Galbraith (1908 – 2006), canadien devenu américain, universitaire à la fois professeur, théoricien et vulgarisateur, mais aussi conseiller économique (du président Kennedy) et même ambassadeur, s’inscrit dans le courant institutionnaliste américain comme Veblen.

Galbraith est un théoricien des organisations, en particulier les grandes firmes. Pour Galbraith, les grandes firmes sont au cœur du système économique.

Ces firmes sont dominées par une technostructure c’est-à-dire l’ensemble des ingénieurs et des techniciens de l’entreprise qui se sont substitués aux entrepreneurs.

Contrairement aux gestionnaires et aux managers, ces technocrates ne prennent pas de décisions mais orientent les choix de l’entreprise par la nature des informations qu’ils transmettent.

Les firmes sont ainsi selon Galbraith entre les mains d’un pouvoir anonyme qui découle d’un transfert de pouvoir vers les techniciens. Le pouvoir des firmes agit aussi sur les consommateurs.

Contre les néoclassiques pour qui les agents rationnels imposent leurs préférences aux marchés, Galbraith soutient que les consommateurs sont conditionnés par les stratégies commerciales des firmes.

Les firmes créent chez les consommateurs des besoins par leur politique de marketing/publicité et imposent leurs prix : thèse de « la filière inversée ». d – Perroux : François Perroux (1903 – 1987), universitaire, professeur au Collège de France, économiste de formation ne se réclame ni de l’école néoclassique, ni de l’école keynésienne, ni du marxisme sans être hostile à aucune d’entre elles.

Ses travaux ont tenté de construire une économie humaniste. Il se prononce pour une économie politique qui permette de rendre intelligible la complexité de l’économie réelle en tenant compte de l’épaisseur historique qui caractérise les faits économiques et sociaux et en menant une approche pluridisciplinaire. Pionnier de l’économie du développement, on lui doit deux définitions devenues classiques de la croissance (« augmentation soutenue du produit global net ») et du développement (« combinaison des changements mentaux et sociaux rendant apte à faire croître durablement et cumulativement le produit réel global », ou si on simplifie : ensemble des mutations qui accompagnent une croissance durable), la définition de la croissance renvoie au conjoncturel et au quantitatif, la définition du développement aux structurel et au qualitatif. F.

Perroux défend une économie concrète au service de l’homme.

Une économie qui rompe avec la notion d’équilibre général du marché, avec celle de l’individu rationnel maximisant ses intérêts et avec l’économie d’échange inégal.

Une économie qui adopterait des « processus d’équilibration » (ou de régulation) pour corriger les erreurs du marché, qui serait fondée sur les mobiles allocentriques des individus (tournés vers les autres et non vers soi-même) et qui substituerait à l’économie d’échange une économie du don à l’échelle mondiale.

Une économie qui marquerait « la fin de l’économique » et « l’avènement de l’homme social ». e – Braudel : Fernand Braudel (1902 – 1985) n’est pas économiste mais historien.

Universitaire, professeur au Collège de France, il appartient à l’Ecole des Annales, groupe d’historiens défendant à partir des années 1930, une histoire totale et une prise en compte du temps long. F.

Braudel croit à l’unité des sciences humaines et à la démarche pluridisciplinaire.

Il introduit en histoire économique le concept neuf de l’étagement des temporalités (long, moyen et court terme). Le titre de son livre majeur illustre ce concept des différentes échelles de temps (qui recoupent les différentes échelles d’espace) : « Civilisation matérielle, économie, capitalisme », étude économique couvrant quatre siècles du XVI au XVIII° s (1979). La « civilisation matérielle » représente pour Braudel les structures du quotidien : se nourrir, se vêtir, se loger.

C’est l’économie « au ras du sol », l’économie « en-dessous du marché » (produisant des biens qui.... »

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