Le comique et le contrepoint tragique dans DOM JUAN de Molière

« Le comique et le contrepoint tragique dans DOM JUAN de MolièreLa pièce de Molière est bien une comédie au sens où l'entend le XVIIe siècle, c'est-à-dire un mélange des genres, le rire n'étant que l'un des ressorts duthéâtre, à côté de l'émotion ou de l'effet tragique.

Le style accepte le mélange des éléments de langage de la farce et du sublime.

En réalité, il ne faut pasconfondre « comique » et « comédie », même si l'intrigue de la comédie s'appuie pour une large part sur les ressorts du comique.

Dom Juan appartient à la trilogie des pièces de combat de Molière : Tartuffe (1664), Dom Juan (1665), Le Misanthrope (1666). Ces pièces audacieuses se caractérisent par un ton extrêmement sérieux, même si le comique est présent en différents endroits.

Or, ce qui caractérise Dom Juan, c'est justement la forte présence du comique et d'un contrepoint tragique tout aussi fort. Le comiqueLe comique se caractérise de façon précise par le style et par la mise en scène.

Les procédés du comique sont : le comique de situation, le comique de motset le comique de geste.

Tout cela se retrouve dans Dom Juan, mais les passages comiques semblent insérés artificiellement au milieu d'un ensemble tragique ou disposés de façon à briser l'effet tragique d'un contexte.La présence artificielle de passages comiquesDeux passages correspondent à cette définition : l'acte II dans sa totalité, l'épisode des paysans, et la scène 3 de l'acte IV , la visite de M.

Dimanche.

Cesdeux passages exploitent à fond tous les procédés du comique.Acte II:— Le comique de situation : le monde des paysans.Le spectateur rit de la condition sociale de Pierrot, Charlotte et Mathurine.Le comique de mots: le patois paysan, les jurons...— Le comique de geste : les mains sales de C har-lotte, les soufflets reçus par Pierrot et Sganarelle.Scène 3 de l'acte IV:Le comique de situation : Don Juan inverse le rapport de force, Sganarelle imite son maître...Le comique de mots : l'interruption constante des phrases de M.

Dimanche, le jeu sur les mots de Don Juan...Le comique de geste : Sganarelle qui retire les sièges, ou qui pousse M.

Dimanche hors du théâtre...Molière a voulu donner à ces passages un ton essentiellement comique, proche de la farce pour certains aspects de l'acte II. Des passages destinés à briser l'effet tragiquePlusieurs passages correspondent à cette définition.

Les plus importants sont :l'impuissance dialectique et la chute de Sganarelle au moment du débat sur la religion avec Don Juan (A CTE III, scène 1) ;la peur de Sganarelle lors de la découverte du tombeau du Commandeur et au moment où la statue lui fait signe (AC TE III, scène 5) ;la gourmandise de Sganarelle après la visite de Done Elvire (ACTE IV, scène 7) ;l'impuissance dialectique de Sganarelle après la tirade sur l'hypocrisie de Don Juan (A CTE v, scène 2) ; Mes gages, mes gages...

de Sganarelle lors du dénouement tragique (ACTE y, scène 6). Par ailleurs, des éléments comiques traditionnels apparaissent tout au long de la pièce comme la couardise du valet, ou un élément nouveau comme la critique de la médecine (début de la scène 1 de l'acte III).

En homme de théâtre, Molière sait que tous les passages comiques permettent de dynamiser lamise en scène, contrairement aux longues tirades d'une tonalité plus dramatique.Le contrepoint tragiqueUn point précis montre la dimension tragique de la pièce : l'annulation du rapport de différence morale et sociale qui existe entre tous les personnages qui s'opposent à Don Juan.

Habituellement, le comique naît de cette différence morale et sociale, objet du spectacle théâtral, qui existe entre les représentantsde la société : nobles, bourgeois, paysans...

Une pièce comme Le Bourgeois gentilhomme énonce, dans son titre, le comique fondé sur la différence sociale, avec l'association de deux termes contradictoires pour les contemporains de Molière : bourgeois et gentilhomme. Dans Dom Juan, le pathétique fonde le rapport d'identité qui existe entre des personnages socialement et moralement différents.

Pierrot, Charlotte, M. Dimanche, Sganarelle sont aussi des personnages pathétiques, à côté de Done Elvire, Don Louis et Don Carlos.

Mais le contrepoint tragique estessentiellement assuré par la présence de personnages héroïques, la destinée du personnage principal et le dénouement allégorique. Les personnages héroïques sont Done Elvire, Don Louis, Don Carlos et Don Alonse.

Face à l'humiliation et à la honte, ils conservent la maîtrisearistocratique de leur comportement et de leur langage.

Don Juan accepte d'aller jusqu'au bout de son destin.

Le dénouement allégorique accepte ladescription de la mort.À l'intérieur de la comédie, le propos de Molière est grave.

Nous savons que, de 1664 à 1666, Molière juge son siècle et qu'il s'en prend, avec une audacestupéfiante, à la noblesse dépravée et au clergé dégradé.

C ela suffit pour assurer aux pièces de la trilogie une tonalité tragique.Le comique de MolièreLa dimension comique du théâtre de Molière est évidente : M olière a d'abord été un auteur de farces*, et, à côté des farces pures, les grandes comédies demoeurs, comme Tartuffe ou Dom Juan, contiennent des scènes farcesques.

Mais en dehors des farces du début, le comique n'est jamais purement ornemental ou gratuit chez Molière, il est l'élément essentiel d'une dramaturgie qui mêle farce*, comédie* et tragédie* pour atténuer la gravité d'un théâtrefondamentalement pessimiste.. »