LE CARTEL, HERRIOT ET LES SOCIALISTES (1924)
Publié le 11/06/2020
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Herriot fut l'homme du lendemain de cette victoire. Sa foi démocratique, sa sensibilité à tout ce qui était juste, généreux, humain, sa magnifique culture, qui le mettait de plain-pied avec tout ce qui fut grand dans notre passé, tout, jusqu'à sa bonhomie, son chapeau et sa pipe, en avaient fait une figure populaire, où la France démocratique se reconnaissait. Il avait alors tout son parti derrière lui, il le garda longtemps, il eût pu le garder toujours. Il le garda jusqu'au jour où, las sans doute des habituelles infidélités des lieutenants et des obligés, aux pressions desquels sa sensibilité même le rendait vulnérable, il s'installa sur les hauteurs du fauteuil présidentiel. Mais, pour qu'il pût réaliser tout ce que le peuple attendait et qu'il était capable de lui donner, il eût fallu d'abord que son gouvernement reflétât exactement ce que le suffrage universel avait voulu, c'est-à-dire que les socialistes en fussent. On va voir pourquoi il n'en fut pas ainsi ... ... Je crois bien que, parmi les radicaux, Herriot avait été à peu près le seul à souhaiter (la participation des socialistes) au gouvernement. Je veux dire parmi les chefs, car les troupes, elles, la voulaient fortement et furent déçues de leur refus; et beaucoup de simples élus la voulaient avec elles; mais les ministrables me parurent s'accommoder assez bien qu'il n'y eût pas davantage de parties prenantes. Ils trouvèrent malheureusement une aide en Léon Blum qui, pour d'autres raisons, n'en voulait pas davantage . ... Blum, qui avait vraiment donné toute sa vie au Parti, était peut-être plus soucieux de son unité que des conséquences que pouvait avoir son absence sur l'ensemble du mouvement démocratique en France. Il savait que la participation dressait contre elle une partie des militants, et parmi les plus anciens, les plus écoutés, attachés à cette conception intransigeante et un peu étroite de la lutte des classes, de la lutte du parti sur son terrain propre qui déjà, en 1919, avaient fait manquer le tournant du lendemain de la guerre. Peut-être aussi, surestimant les forces et les possibilités du parti, parisien, intellectuel, ne perçut-il pas assez, malgré toute la finesse de son analyse, nos réalités provinciales, le rôle qu'y jouaient les paysans, les classes moyennes, la persistance des traditions locales, qui les laissaient attachés à des formations politiques radicales ou même simplement républicaines. Il était peu probable qu'au moins dans le jeu normal des institutions, et hors un mouvement révolutionnaire dont l'heure était passée et dont seuls les communistes continuaient d'agiter la menace, fournissant ainsi des prétextes à la peur, le parti socialiste puisse prendre à lui tout seul le pouvoir. Joseph Paul-Boncour, Entre deux guerres, Souvenirs sur la IIIe -République, Paris, 1946, pages 88-92).
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C ARTEL, HERRIOT E T LES SO CIALISTES (1924 )
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reconnaissait.
Il avait alors tout son parti derrière lui, il le garda
longtemps, il eût pu le garder toujours.
Il le garda jusqu'au jour où,
/as sans doute des habitue/les infidélités des lieutenants et des
obligés, aux pressions desquels sa sensibilité même le rendait vul-
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Mais, pour qu'il pût réaliser tout ce que le peuple attendait et qu'il
était capable de lui donner, il eût fallu d'abord que son gouvernement
reflétât exactement ce que Je suffrage universel avait voulu, c'est-à
dire que les socialistes en fussent.
On va voir pourquoi il n'en fut
15 pas ainsi ...
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Je crois bien que, parmi les radicaux, Herriot avait été à peu près
le seul à souh.aiter (la participation des socialistes) au gouvernement.
Je veux dire parmi les chefs, car les troupes, elles, la voulaient
fortement et furent déçues de leur refus; et beaucoup de simples élus
20 /a voulaient avec elles; mais les ministrables me parurent s'accom
moder assez bien qu'il n'y eût pas davantage de parties prenantes.
Ils trouvèrent malheureusement une aide en Léon Blum qui, pour
d'autres raisons, n'en voulait pas davantage .
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Blum, qui avait vraiment donné toute sa vie au Parti, était peut-
25 être plus soucieux de son unité que des conséquences que pouvait
avoir son absence sur l'ensemble du mouvement démocratique en
France.
Il savait que· la participation dressait contre elle une partie
des militants, et parm i les plus anciens, /es plus écoutés, attachés à
cette conception intransigeante et un peu étroite de la lutte des
30 classes, de la lutte du parti sur son terrain propre qui déjà, en 1919,
avaient fait manquer le tournant du lendemain de la guerre.
Peut-êtrfi/ aussi, surestimant les forces et les possibilités du parti,
parisien, intellectuel, ne perçut-il pas assez, malgré toute la finesse
de son analyse, nos réalités provinciales, le rôle qu'y jouaient les
35 paysans, les classes moyennes, la persistance des traditions locales,
qui les laissaient attachés à des formations politiques radicales ou
même simplement républicaines.
Il était peu probable qu'au moins
dans le jeu normal des institutions, et hors un mouvement révolu
tionnaire dont l'heure était passée et dont seuls les communistes
40 continuaient d'agiter la menace, fournissant ainsi des prétextes à la
peur, le parti socialiste puisse prendre à lui tout seul le pouvoir.
138 Joseph
Paul-Boncour, Entre deux guerres,
Souvenirs sur la rne
République, Paris, 1946, pages 88-92).
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