le bovarysme
Publié le 18/05/2020
Extrait du document
«
Gustave Flaubert, Madame Bovary,
Roman intérieur
LECTURE ANALYTIQUE DU TEXTE
1. Le récit fait alterner rêve et réalité dans un mouvement de contraste qui dit toute la déception du personnage
féminin, Emma Bovary.
De la ligne 1 à la ligne 32, le texte passe en revue plusieurs échappées lyriques que la
jeune femme se plaît à vivre en imagination.
L’amorce du paragraphe suivant (« La conversation de Charles
était plate comme un trottoir » l.33-34) est très nettement déceptive.La comparaison sonne comme une cassure,
une rupture brutale qui fait retomber dans la réalité (l.
33-49).
Suit l’admiration de Charles pour son épouse
dessinatrice et pianiste (l.
50-59).
Mais cette admiration confine chez le mari à l’idiotie et à la vanité (l.
60-64).
2. La retranscription des pensées d’Emma s’amorce par l’utilisation du discours indirect (« Elle songeait
quelquefois que… » l.
1).
Puis, le discours indirect libre (« Pour en goûter la douceur, il eût fallu… » l.
2-3)
permet de glisser dans le monde intérieur d’Emma.
Le passage qui suit (l.
3-10) est proche du discours direct
(présent de l’indicatif).
Le narrateur ressaisit le lecteur par un verbe introducteur : « il lui semblait que» (l.
10)
pour ensuite céder de nouveau au mouvement des pensées animant Emma et à leur retranscription au discours
indirect libre (l.
13-29).
L’absence de qualité du mari prête également à un monologue intérieur au discours
indirect libre (l.
44-49).
Une lecture à haute voix, chorale, permettra aux élèves de saisir les nuances de cette
retranscription.
3. La représentation qu’Emma se fait de la lune de miel reprend tout un ensemble de clichés redevables au
roman et à la poésie romantiques :
– harmonie entre le sentiment amoureux et les paysages sensuels et sublimes du Sud (l.
3-12) ;
– mélancolie propre aux pays nordiques : Suisse, Écosse ;
– peinture d’une âme tourmentée et insatisfaite (l.
17-22) ;
– attitude du don absolu (l.
23-32).
La correspondance entre le paysage et l’âme d’un peuple est une idée développée avec beaucoup d’originalité
par madame de Staël, dans De l’Allemagne .
Mais cet essai, victime de son succès, est repris et réduit à une
succession de stéréotypes.
Ces clichés nourrissent l’écriture des romans sentimentaux à la psychologie sommaire.
4. Une lecture expressive permettra de mettre en valeur le ton ironique qui sous-tend le passage.
Les excès du
lyrisme et des clichés font naître le soupçon et trahissent la distanciation du narrateur par rapport à son sujet.
5. Dans la tradition romanesque qui oppose l’idéalisation à la platitude du réel, Gustave Flaubert développe
des contrepoints déceptifs : « plate comme un trottoir de rue » (l.
34), « costume ordinaire » (l.
36), « boulettes
de mie de pain » (l.
53).
Il y a une retombée du rêve dans la banalité d’un quotidien médiocre et bourgeois,
d’une vie routinière qui s’oppose à toute forme d’exaltation et d’enthousiasme.
6. La négation domine dans le portrait de Charles : « sans exciter d’émotion » (l.
36) : préposition qui exprime
le manque, l’absence ; « il ne savait ni…, ni…, ni… » (l.
40-41) : conjonction ni employée en corrélation avec
ne ; « il ne put, un jour, lui expliquer » (l.
41-42) : particule négative ne ; « il n’enseignait rien […] ne savait
rien, ne souhaitait rien » (l.
46-47) : pronom indéfini comme auxiliaire de ne .
À l’inverse d’un héros romanesque, Charles est l’homme sans qualité dont le portrait ne peut être que négatif,
c’est-à-dire une somme de négations ou du moins la soustraction systématique de toute forme de talent.
On
fera commenter les structures insistantes et répétitives, le martèlement de négations absolues qui traduisent
l’insatisfaction d’Emma.
1.
»
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