« L'auteur dramatique n'est auteur dramatique que parce qu'il est lui-même le théâtre d'un incessant conflit qu'il ne peut ni résoudre ni dépasser, et dont il essaye de se délivrer en l'objectivant, en le dépliant sous nos yeux »
Publié le 20/12/2021
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Ci-dessous un extrait traitant le sujet : « L'auteur dramatique n'est auteur dramatique que parce qu'il est lui-même le théâtre d'un incessant conflit qu'il ne peut ni résoudre ni dépasser, et dont il essaye de se délivrer en l'objectivant, en le dépliant sous nos yeux ». Ce document contient 924 mots soit 3 pages. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système gratuit d’échange de ressources numériques. Cette aide totalement rédigée en format PDF sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en: Français / Littérature.
«
INTRODUCTION
II n'est pas rare que la critique d'aujourd'hui s'inspire de la psychanalyse pour éclaircir le
mystère de la création artistique et littéraire.
Aussi peut-on lire sans surprise, dans une
étude sur Molière, cette affirmation de M.
P.-A.
Touchard : « L'auteur dramatique n'est
auteur dramatique que parce qu'il est lui-même le théâtre d'un incessant conflit qu'il ne
peut ni résoudre ni dépasser, et dont il essaye de se délivrer en l'objectivant, en le
dépliant sous nos yeux ».
Sans surprise peut-être, mais non sans réaction : que penser
en effet de ce tour si dogmatique et si exclusif : « ...
n'est auteur dramatique que parce
que...
» ? Ainsi se posent deux questions, qu'il conviendra d'éclairer par des exemples.
Les conflits subconscients peuvent-ils être une source de l'inspiration dramatique ? En
sont-ils la seule source ?
I.
LES CONFLITS SUBCONSCIENTS DE L'AUTEUR S'EXTÉRIORISENT PAR
L'AFFRONTEMENT DE SES PERSONNAGES
Beaucoup d'oeuvres dramatiques portent en effet la marque d'oppositions latentes.
Le Misanthrope en est peut-être l'exemple le plus clair.
Si Philinte était, comme on l'a dit,
« le sage de la pièce », et Alceste la victime jetée en pâture aux rires du parterre,
comment expliquerait-on que quelques-uns des accents humains les plus graves de notre
théâtre aient été précisément placés dans la bouche d'Alceste ?
« Je veux que l'on soit homme, et qu'en toute rencontre Le fond de notre coeur dans nos
discours se montre...
Tant pis pour qui rirait J'ai tort, ou j'ai raison»...
Molière aurait-il été sublime malgré lui ? Il est plus simple de penser qu'il portait en lui
un Philinte et un Alceste, c'est-à-dire un courtisan accommodant, ami des bonnes
compagnies et de leurs plaisirs, et un honnête homme écoeuré des bassesses et des
frivolités qu'il côtoyait, et plus amèrement de celles auxquelles il avait pu lui-même
prendre part.
Comment, s'il avait été tout Philinte, comprendrait-on la hardiesse de sa
peinture, et s'il avait été tout Alceste, sa réussite à la Cour, la fantaisie et la grâce qui
éclairent souvent son théâtre, et cette gaîté qui, quoi qu'en dise Musset, n'est pas
toujours triste ? Ainsi pouvons-nous voir, à travers le dialogue d'Alceste et de Philinte, se
« déplier sous nos yeux » et s'« objectiver » le double visage de Molière.
De même on pourra penser, devant le tête-à-tête de Don Juan et de Sganarelle, devant
celui de Mercure et de Sosie, ou encore ceux des époux Jourdain, que Molière « se
délivre », par le grossissement et la poésie dramatiques, d'un conflit insoluble.
Bourgeois, assez proche du peuple par ses origines, il est entré dans l'orbite des Grands.
Il connaît les « valeurs » selon lesquelles on vit et on pense dans ces deux mondes ;
elles ont dans son coeur des attaches vivaces, quoiqu'il en voie fort bien l'envers ridicule
ou redoutable : d'un côté, la bonne volonté, le respect, le dévouement, la prudence; de
l'autre l'élégance, la désinvolture, l'art de jouir et l'art de plaire.
Il fait en quelque sorte
exploser ce mélange à distance pour ne plus sentir en lui-même ce qu'il a d'instable et de
troublant.
Le théâtre de Musset ressemble sur ce point à celui de Molière.
Presque partout on y
retrouve face à face les deux personnages que Musset portait douloureusement en lui :
d'un côté, l'être intact, au coeur pur, dont il a la nostalgie ; de l'autre, l'être flétri,
sceptique, lâche ou superficiel, qu'il craint d'être devenu sous l'effet de la débauche.
Ce
conflit se « déplie » dans une série de figurés contrastées : le timide Coelio et le roué
Octave dans les Caprices de Marianne ; Lorenzaccio usé et avili et Philippe Strozzi,
vieillard au coeur juvénile ; Cécile et Valentin dans Il ne faut jurer de rien.
Le théâtre de notre temps offre des antithèses comparables.
Anouilh semble aussi
impuissant à trancher entre l'intransigeance de la conscience et la sagesse moyenne
nécessaire à la vie commune, que Montherlant entre sa hantise de la « qualité » et
l'appétit naturel qui le porte au bonheur.
Le théâtre claudélien, en face des âmes avides.
»
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