Laurence Sterne
Publié le 09/12/2021
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Laurence Sterne naquit en Irlande le 24 novembre 1713. Tristram Shandy devint célèbre en 1759. Laurence Sterne avait donc quarante-six ans. Une nouvelle salade, un jeu de cartes, des chevaux de course portèrent aussitôt le nom de Tristram Shandy. Laurence Sterne, qui avait engendré ce phénomène, par contrecoup connut la gloire. On sait dans quelles circonstances Tristram avait été conçu, le premier dimanche de mars 1718 vers minuit, à l'heure où son père, ponctuellement, devait remonter l'horloge. On sait aussi que ce même père, neuf mois plus tard, fut désespéré quand il s'aperçut qu'on l'avait nommé Tristram au lieu de Trismégiste et que sa lamentation, s'élevant de plusieurs octaves, puis s'abaissant de même, avec l'interjection Hélas !, prit une forme typographique relativement nouvelle à l'époque, plus répandue par la suite, sous le nom de "calligramme". Tout cela ne devait pourtant pas si mal tourner si l'on considère que Tristram Shandy, deux siècles après sa naissance, est encore célèbre. Le père de Laurence Sterne était militaire. Soldat philosophe, il eut au siège de Gibraltar, à propos d'une oie, un duel avec un capitaine. Transpercé de part en part, piqué au mur, il eut le courage de demander à son adversaire de bien vouloir essuyer la pointe de l'épée avant de la retirer et fut sauvé grâce à cette précaution. Le jeune Laurence Sterne ne manque pas de souvenirs de vie de garnison, que vont illustrer l'Oncle Tobie et le Caporal Trim. On connaît le dada de l'oncle : l'architecture militaire. L'Oncle Tobie est l'une des plus belles pièces de l'immortelle panoplie de Laurence Sterne.
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Laurence Sterne
Laurence Sterne naquit en Irlande le 24 novembre 1713.
Tristram Shandy devint célèbre en 1759.
Laurence Sterne avait doncquarante-six ans.
Une nouvelle salade, un jeu de cartes, des chevaux de course portèrent aussitôt le nom de Tristram Shandy.Laurence Sterne, qui avait engendré ce phénomène, par contrecoup connut la gloire.
On sait dans quelles circonstances Tristram avaitété conçu, le premier dimanche de mars 1718 vers minuit, à l'heure où son père, ponctuellement, devait remonter l'horloge.
On saitaussi que ce même père, neuf mois plus tard, fut désespéré quand il s'aperçut qu'on l'avait nommé Tristram au lieu de Trismégiste etque sa lamentation, s'élevant de plusieurs octaves, puis s'abaissant de même, avec l'interjection Hélas !, prit une forme typographiquerelativement nouvelle à l'époque, plus répandue par la suite, sous le nom de "calligramme".
Tout cela ne devait pourtant pas si maltourner si l'on considère que Tristram Shandy, deux siècles après sa naissance, est encore célèbre.
Le père de Laurence Sterne était militaire.
Soldat philosophe, il eut au siège de Gibraltar, à propos d'une oie, un duel avec uncapitaine.
Transpercé de part en part, piqué au mur, il eut le courage de demander à son adversaire de bien vouloir essuyer la pointede l'épée avant de la retirer et fut sauvé grâce à cette précaution.
Le jeune Laurence Sterne ne manque pas de souvenirs de vie degarnison, que vont illustrer l'Oncle Tobie et le Caporal Trim.
On connaît le dada de l'oncle : l'architecture militaire.
L'Oncle Tobie estl'une des plus belles pièces de l'immortelle panoplie de Laurence Sterne.
Son père étant mort des fièvres à la Jamaïque, le jeune Laurence, grâce à la protection d'un cousin, faisait ses études à Cambridge, yprenait le degré de maître ès arts en 1740, et grâce à un oncle, devenait pasteur à Sutton dans le Yorkshire.
Ce pasteur aux bizarressermons fréquentait une abbaye du voisinage qui portait sur la porte la devise de l'abbaye de Thélème : "Fais ce que vouldras." Lesmoines s'y appelaient Pantagruel ou l'Oiseau Noir, célébraient Vénus, étaient capables, dit-on, d'administrer l'eucharistie à un singe.C'est là que Sterne trouva pour une bonne part sa vocation ; sophistiqueur de pensées et grabeleur de mots.
Le shandéisme est rabelaisien d'origine.
Il s'agit de faire "tourner longtemps et gaiement la roue de la vie".
Si M.
Shandy n'était pas unpeu fou, on pardonnerait difficilement à M.
Sterne d'avoir été d'abord un plagiaire, notamment de l'anatomie de la Mélancolie deBurton, à qui il prit des morceaux entiers.
Mais Laurence Sterne est assez bouffon pour qu'on l'excuse.
Son vrai nom, c'est Yorik, quineuf cents ans plus tôt avait été, comme nous le savons par Hamlet, bouffon du roi de Danemark.
En ce descendant "il y avait uncomposé de mercure et de sublimé des éléments extraordinaires et effervescents avec autant de vie, de fantaisie et de gaieté decoeur que le plus doux climat en aurait pu engendrer et réunir".
Yorik n'aimait surtout pas la Gravité qui ne vaut pas même ce qu'enavait dit un bel esprit français qui l'avait définie "un maintien mystérieux du corps pour couvrir les défauts de l'esprit".
En un mot, Yorikne ratait jamais l'occasion de dire ce qui lui venait à l'esprit, sans fourberie ni malveillance.
Cette filiation, nous la retrouvons, nettement posée dans le Voyage sentimental.
Sterne se trouve à Paris, sans passeport et va confierses ennuis au comte de B...
Comme, de son propre aveu, rien n'embarrasse tant Laurence que de dire qui il est, il ouvre leShakespeare qui se trouve sur la table et y recherche le nom de Yorick.
Sur quoi il obtient son passeport de M.
le duc de Choiseul, car"un homme qui rit ne saurait être dangereux".
Laurence Sterne aura été le bouffon du siècle de la raison, et aussi longtemps quel'humanité aura conscience qu'elle ne saurait sans sombrer dans la plus noire stupidité se passer de bouffons, Laurence Sterne auradroit de cité.
Sa recette : le principe de l'association des idées qu'il utilise sans vergogne et pousse in fine au génie, il l'a trouvé dans le trente-troisième chapitre de l'Essai sur l'entendement humain de Locke.
Mais le style de Sterne ne fut pas seulement une attitude.
Nous pouvons en prendre pour preuve ses digressions amoureuses.
Jeunepasteur, il fit la cour à une jeune fille, malade comme lui de la poitrine.
Il put l'épouser en 1741.
De France, alors qu'ils cherchaienttous deux à soigner leurs poumons, il écrivait à son ami Stevenson, créateur de la rabelaisienne abbaye : Sum fatigatus et ægrotius demea uxore plus unquam.
Contre toutes ses espérances, sa femme devait lui survivre.
Il est le premier à reconnaître qu'il lui faut unedulcinée en tête.
Pour Catherine Béranger de Fourmentelle, dite Kitty, il se voudrait veuf, mais le succès de Tristram Shandy la lui faitoublier et quand la malheureuse va le rejoindre à Londres, il ne lui accorde pas même un rendez-vous.
A cause des lettres de Yorick àElisa Draper, l'Indienne, cette avant-dernière folle passion est plus connue que les autres.
Mais le pauvre Yorick, persuadé que l'amourétait le seul moyen d'éviter les basses actions, fut amoureux toute sa vie.
Il eut de plus la larme dix-huitième, diderota et rousseauisa; bref, il ne fut sauvé que par son humour.
Entre l'idéal et le réel, entre Dieu et l'absurdité de la condition humaine, l'humour jette une passerelle.
Selon que l'esprit appréhendecette situation avec plus ou moins d'amertume, l'humour va du noir au rose.
Sterne choisit délibérément le rose, la bouffonnerie, lesourire.
"Vive la bagatelle !" Innocence et tolérance.
"Les exercices de ma plume sont comme ceux de mon enfance, quand je couraisà cheval sur un bâton." L'humour à la Sterne ne va pas sans courage.
Sterne fut malade toute sa vie.
A Londres, le succès, selon lesparoles de Garick, lui tourna la tête et lui gâta l'estomac.
A vrai dire, l'agitation londonienne réveilla sa tuberculose.
En 1762 ildébarquait à Calais.
A Paris, Tristram est célèbre et Sterne est fêté, notamment par Diderot, jusqu'au moment où il vomit le sang et vase reposer à Toulouse, puis visite Bagnères, Aix, Marseille, Montpellier.
Revenu à Paris, il connaît deux mois de grand amour, retourneà Londres.
De nouvelles hémoptysies l'en chassent, il va en Italie, à Milan, Florence, Naples...
Sa vie est une fuite devant la maladie.
Ilavait souhaité mourir seul dans une auberge.
Il mourut selon son voeu, dans un hôtel de Bond Street.
La légende veut que soncadavre ait été volé et vendu à un maître docteur de Cambridge qui le disséqua jusqu'au moment où l'un des assistants s'évanouit enreconnaissant le pauvre Yorick.
Dix ans s'étaient écoulés depuis la parution des deux premiers livres de Tristram Shandy.
Il mourait trois semaines après la publication du Voyage sentimental (février 1768).
Son oeuvre était inachevée.
Mais c'est bien ainsiqu'il l'avait conçue : fuyant la fin par tous les moyens..
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