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l'art

Publié le 24/05/2024

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« L’art On peut étudier l’art de deux points de vue : soit du point de vue de son spectateur, soit du point de vue de son producteur.

Dans un cas on s’interroge sur le plaisir esthétique que procure l’œuvre d’art, dans l’autre on s’interroge sur ce qu’est un artiste et sur les conditions nécessaires à la production d’un objet beau. S’interroger sur l’émotion du spectateur (ou de l’auditeur ou du lecteur) de l’œuvre d’art, c’est s’interroger sur l’expérience esthétique.

Qu’est ce qu’on veut dire, lorsqu’on juge que quelque chose est « beau » ? On note d’abord que l’émotion esthétique peut naître aussi bien du spectacle de la nature (le chant d’un oiseau) que d’un objet artificiel (une symphonie de Beethoven). L’une des particularités les plus profondes de l’être humain est qu’il ne se contente pas de constater la beauté de la nature : il essaie de produire artificiellement des objets beaux.

L’art est donc l’activité humaine qui cherche à créer artificiellement de la beauté. On peut se demander pourquoi les hommes ne se contentent pas de la beauté de la nature mais cherchent en plus à produire de la beauté artificiellement en imitant donc la nature.

Avant de tenter de répondre à cette question, il faut d’abord préciser ce qu’on entend par « beau » : qu’est-ce que la beauté d’un objet (naturel ou artificiel)? L’expérience esthétique Par expérience esthétique, on entend le jugement « ceci est beau » : ce pré est beau. Quand je dis « ce pré est beau » et quand je dis « ce pré est vert » j’attribue à l’objet « pré » une propriété : la couleur verte ou la beauté.

Mais les situations sont-elles comparables ? La couleur d’un objet est une propriété objective de cet objet : est-ce le cas de la beauté ? La beauté est-elle une propriété objective de la réalité ? Il est clair que non, puisque ce que je juge beau peut ne pas être jugé tel par autrui. Quand je qualifie un objet de beau, malgré l’apparence, je n’attribue pas une propriété à l’objet, mais j’exprime le plaisir que je ressens à contempler cet objet.

La beauté exprime l’effet que produit sur ma sensibilité la contemplation de l’objet et non une propriété objective de la chose, comme sa couleur, sa taille ou son poids.

Le jugement esthétique est un jugement de plaisir : ce n’est pas dit Kant – dans la Critique du Jugement – une jugement déterminant (qui détermine un aspect objectif de l’objet) mais un jugement réfléchissant (qui réfléchit l’effet que produit sur ma sensibilité la perception de l’objet). L’un est un jugement objectif, l’autre est un jugement subjectif.

En effet les sentiments de douleur et de plaisir sont purement subjectifs : personne ne peut ressentir à ma place la douleur ou le plaisir que je ressens.

Les sensations de plaisir et de peine sont purement subjectifs et il est difficile pour un observateur extérieur – un médecin par exemple – d’évaluer objectivement la douleur ressentie par le malade.

Il en va de même pour les sensations de plaisirs : ce sont des sensations proprioceptives (des sensations d’aise ou de malaise internes) qui sont purement intérieures et personnelles.

Donc le jugement de beauté étant un jugement de plaisir, ce jugement est purement subjectif (réfléchissant) et nullement objectif (déterminant). Par « esthétique », on entend donc un jugement qui exprime le plaisir qu’on ressent à la perception d’un objet.

Maintenant, ce plaisir n’est pas n’importe quel plaisir.

Quand je me régale d’un bon plat, j’éprouve un plaisir qui n’a rien d’esthétique.

Le plaisir esthétique est purement contemplatif, il n’est pas, comme le plaisir « gastronomique », un plaisir sensuel : le plaisir esthétique a une dimension intellectuelle que d’autres formes de plaisir n’ont pas : « c’est beau » (dit de ce film) n’est pas équivalent à « c’est bon » (dit de ce plat).

Kant enseigne qu’il faut ainsi distinguer deux jugements de plaisirs : le plaisir proprement esthétique du beau et le plaisir de l’agréable. Dans le domaine de l’agréable, règne la pure subjectivité : ce qui est agréable pour moi ne l’est pas forcément pour les autres et le principe qui règne est : « A chacun son goût » avec la règle : « Des goûts et des couleurs, on ne discute pas ».

Entre la pizza et la paëlla, à chacun son goût. Par contre, lorsqu’on dit d’un film, d’un livre ou d’un tableau qu’il est beau – que c’est un chef d’œuvre – et qu’autrui ne partage pas notre sentiment, nous allons, au contraire discuter : débattre et tenter de convaincre l’autre qu’il se trompe, comme si la beauté était non pas une question de ressenti personnel mais de vérité objective : on dit : « c’est beau », et non « cela (m’) est agréable ».

Dans le jugement du beau, on ne juge pas seulement pour soi-même, mais on tend à attribuer à tout un chacun le plaisir ressenti.

Le plaisir qu’on éprouve n’est pas ressenti comme une simple affaire de goût mais comme universellement partageable (même si en fait ce n’est pas le cas).

Il y a dans le jugement du beau une prétention à l’universalité qu’il n’y a pas – constate Kant – lorsqu’on dit seulement que quelque chose est « agréable ». Kant aboutit ainsi à la caractérisation suivante du beau : « Est beau ce qui plaît universellement sans concept ». Dans cette caractérisation, il y a trois éléments : .

Le plaisir .

L’universalité .

L’absence de concept Le plaisir fait du jugement esthétique un jugement subjectif – puisque le plaisir dépend d’une sensation intérieure et non d’un constat objectif -.

L’universalité distingue le plaisir esthétique du plaisir de ce qui est bon ou agréable : le plaisir du beau est ressenti comme si fort qu’il est vécu comme universellement communicable, dépassant la question purement subjective des goûts et des couleurs.

Tout se passe comme si le plaisir ressenti n’était pas attribué à mon goût mais transcendait les sensibilités de chacun pour devenir un fait objectif et universel : non pas « ça (m’) est agréable » mais « c’est beau ».

Jamais je n’admettrai sans discuter que quelqu’un puisse nier la beauté que je vois dans tel objet, là où je ne discuterai pas des goûts culinaires, par exemple, de chacun.

La différence entre le plaisir du beau et celui de l’agréable est que le premier est vécu – même si ce n’est pas le cas – comme universellement partageable : il a en quelque sorte valeur objective.

Un film de divertissement prétend seulement me faire passer un bon moment : si la personne qui m’accompagne s’est ennuyée, je ne débattrai pas.

Par contre pour un film « d’auteur » - que je ressens comme un chef d’œuvre – si la personne qui m’accompagne ne partage pas le plaisir et l’intérêt que j’ai éprouvé à suivre le film, je vais débattre : essayer de la convaincre qu’elle se trompe, comme si le plaisir ne relevait pas d’un ressenti subjectif (de mon goût) mais d’une vérité objective.

Quand on essaye de convaincre, c’est qu’il y a un enjeu de vérité.

Il y a donc dans le plaisir esthétique une tension entre un élément subjectif – on parle d’un plaisir ressenti et non d’un fait extérieur et objectif – et un élément universel – on attribue à tous le plaisir ressenti : on juge pour les autres et on est prêt à combattre le dissentiment des autres -. Donc l’expérience esthétique est l’expérience d’une sensation de plaisir vécue non comme subjective – ce qu’elle est, bien sûr – mais comme universellement partageable (même si dans les faits elle n’est pas universellement partagée). Enfin, et c’est le troisième élément, cette universalité ressentie ne repose sur aucun concept.

Normalement un jugement universel repose sur un concept : une définition. Lorsque je dis que la proposition « 5 + 7 = 12 » est universellement vraie (quelle que soit la personne qui compte), j’appuie cette affirmation sur une définition objective de ce que sont les nombres « 5 » et « 7 » et des règles de leur addition.

Par contre, quand j’affirme, comme si c’était un fait objectif (et non une simple question de goût) : « c’est beau », je ne peux pas appuyer l’universalité que je donne à mon jugement sur une définition objective : sur un concept universel de beauté comme il y a un concept universel de nombre.

Il est impossible de définir une règle objective permettant de distinguer objectivement ce qui est beau de ce qui ne l’est pas : il n’y a pas de science du beau, reposant sur un concept universel de beauté.

Kant remarque ainsi que « la beauté ne se prouve pas : elle s’éprouve ». Donc quand Kant parle à propos du jugement esthétique d’ « universalité sans concept », il utilise une expression volontairement paradoxale.

Il veut réfuter deux excès contraires : ..... »

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