L’art
Publié le 06/02/2024
Extrait du document
«
I.C.
b) L’art : cette ivresse et cette extase dont émane le beau
Nietzsche pense que l’art est la combinaison de deux tendances que l’artiste acquiert et développe : le
dionysiaque et l’apollinien.
On commence par le côté Apollon, dieu du soleil et de l’harmonie : c’est l’amour
des belles formes, l’artiste est d’abord celui qui va apprendre les belles formes.
C’est l’harmonie.
Puis on
poursuit avec le côté Dionysiaque, dieu du vin et de l’ivresse : c’est la force brute qui vient malmener les belles
formes.
C’est le penchant vers ses pulsions, ses élans.
C’est le côté passion.
De ces deux tendances
contradictoires, naît l’œuvre d’art.
Il y a, en ce sens, dans toute émotion esthétique, une extase : mais cette sortie hors de soi est une ivresse des
sens, ivresse d’un corps qui célèbre sa présence au monde.
C’est là ce qu’entend Nietzsche dans la Naissance
de la tragédie en comprenant l’émotion esthétique comme une ivresse dionysiaque.
Estime-t-on ainsi que l’art est un simple jeu d’illusions ? C’est justement ce qui, selon Nietzsche, fait
paradoxalement sa vérité.
La vie, en effet, réclame l’illusion, illusion qui lui donne toute son intensité et
sa dimension.
Si l’art, dès lors, est créateur d’illusions, il est, pour raison même, le « grand stimulant de la
vie », lui donnant la forme enivrante qu’elle réclame et ce qui est à même d’héroïser notre existence.
Qu’est-ce que la vie ? Une intensité.
Et l’illusion de l’art, bien plus que toutes les vérités des sciences,
déchaîne cette dimension, place l’existence sous l’excès qui la caractérise en propre, faisant de nous de «
grands vivants ».
L’œuvre, ainsi, nous découvre le caractère sacré du sensible : sacré, ce qui submerge, ce qui me
transperce, ce qui m’éclaire, ce que je peux approcher sans précaution ce qui me saisit bien plus que je ne le
comprends.
C’est « l’enchantement de la vision et le plaisir de l’apparence » qui dévoile l’Etre, comme le
souligne Nietzsche.
Voici comment il définit cette ivresse artistique et cette esthétisation de l’existence dans le Crépuscule des
idoles, la reprochant de l’expérience exaltante de l’amour : « Dans cet état on enrichit tout de sa propre
plénitude : ce que l’on voit, ce que l’on veut, on le voit gonflé, serré,vigoureux, surchargé de force.
L’homme
ainsi conditionné transforme les choses jusqu’à ce qu’elles reflètent sa puissance (…) Tout, même ce qu’il
n’est pas, devient quand même, pour l’homme, la joie en soi ; dans l’art, l’homme jouit de sa personne en
tant que perfection.
».
L’art et son rapport à la nature et au réel
II.
A.
L’art pour plaire est imitation de la nature (Aristote)
•
La distinction entre art mécanique et art libéral
L'art est une activité proprement humaine qui mène à la production d'objets matériels ou
intellectuels.
Aristote différencie, en effet, deux types d'art :
-
les arts « mécaniques » (la peinture, l'architecture, la sculpture...) qui produisent des objets
matériels et physiques.
les arts « libéraux » (la rhétorique, les mathématiques, la musique...) qui produisent des
objets intellectuels.
Selon Aristote, les arts libéraux sont les plus nobles puisqu'ils élèvent l'esprit.
Les arts
mécaniques, eux, font appel au corps et asservissent l'homme.
•
L’art repose sur l’imitation de la nature : la mimesis
Le plaisir esthétique est lié à la dimension mimétique qu’Aristote attribue à toutes les formes d’art.
Dans sa Poétique Aristote ramène les différentes espèces de poésie, la plus grande partie de la
musique et de la peinture au genre commun de la mimésis.
La mimesis n’est pas dévalorisée comme
pour Platon.
Néanmoins, Aristote affirme que l’objet d’art est inférieur à l’objet naturel.
La nature, elle, possède
une spontanéité propre et une autonomie de développement, quand l’objet artistique est dépendant de
l’action humaine pour naître et évoluer.
Par conséquent, la finalité de l’art serait d’imiter la nature, et
plus particulièrement la perfection de la nature dont il est lui dépourvu.
« L’art, affirme Aristote, ou bien exécute ce que la nature est impuissante à effectuer, ou bien il
l’imite » (Physique).
• L’art ne cherche pas le vrai : il est vraisemblable.
L’artiste n’est pas soumis à la vérité de son objet, il se contente du vraisemblable qui est moins
précis que le vrai : « Il est en effet moins grave d’ignorer que la biche n’a pas de cornes que de manquer
en la peignant, l’art de la représentation.
» C’est une faute accidentelle par rapport à la zoologie, ce
n’est pas une faute poétique.
•
Cependant, l’art produit quelque chose de vrai : L’art produit la catharsis.
Aristote
met en évidence la carthasis, c’est-à-dire l’épanchement des mauvaises passions.
Par procuration,
les citoyens vont vivre les péripéties du personnage principal (le héros) et ils cela purgera leurs «
mauvaises passions ».
B.
Cependant, la beauté artistique est moins élevée que la beauté de la nature (Hegel)
Contrairement à Aristote, Hegel récuse dès le début de son Esthétique l’idée que l’art devrait imiter la nature.
Hegel refuse de penser l’art sous l’idée de mimesis.
L’art ne peut égaler la nature.
« En voulant rivaliser avec la nature par l’imitation, l’art restera toujours au-dessous de la nature et
pourra être comparé à un vers faisant des efforts pour égaler un éléphant ».
L’objet naturel est vivant.
L’œuvre ne peut rendre la vie.
Elle n’en est qu’une caricature
(déformation, résultat grotesque = qui prête à rire).
En outre, il semblerait que la copie soit condamnée à être inférieure à son modèle :
- L’art n’a pas les moyens de représenter le réel.
L’œuvre ne trompe qu’un seul sens à la fois
- Cet art est stérile : il reproduit ce que l’homme croise au quotidien
- En imitant, l’artiste ne fait qu’étaler son habileté.
-L’art qui imite ne trompe que les plus « idiots » d’entre nous
L’imitation de la nature prive l’art de sa liberté.
« C’est priver l’art de sa liberté, de son
pouvoir d’exprimer le beau.
».
L’œuvre a son but en elle-même, elle n’a pas de finalité
extérieure.
C.
L’art dévoile la singularité de chaque chose
Si donc l’art n’est pas une imitation de la nature, le propre de l’œuvre d’art pourrait être de dévoiler le
réel de façon inédite, arrachant le voile des conventions et des valeurs qui ordonnent en général notre
perception du réel.
En ce sens, comme le souligne Merleau-Ponty, l’œuvre d’art nous dévoile une
réalité singulière, la « nappe de sens brut » que recouvrent nos habitudes.
De ce fait, dans le
Phénoménologie de la perception, il distingue deux façons de percevoir le réel : la perception
originaire et la perception seconde.
C’est cette dernière qui caractérise le rapport quotidien qui nous
unit auréel : elle consiste à ne voir dans le réel que ce que l’habitude, les conventions sociales et
culturelles, nous disposent à y trouver.
Ainsi, loin de nous laisser surprendre par les choses, nous
trouvons uniquement en elles que ce que nous nous attendons à y trouver.
Une telle perception ne
rencontre jamais la nouveauté : tout ce qui est senti a déjà été perçu et est anticipéavant même d’être
éprouvé.
Le réel est alors sans surprise.
A cette perception seconde, Merleau-Ponty oppose une perception qu’il nomme « originaire ».
Une telle perception suppose que nous sortions du rapport ordinaire que nous avons au réel.
Percevoir ainsi le monde, c’est le percevoir comme si nous le percevions pour la première fois.
C’est une façon de retrouver les sensations brutes et intenses que nous avons de toutes choses, avant
qu’elles soient ordonnées, classées, conceptualisées.
L’œuvre d’art est justement l’expression d’une
telle perception : une façon de « recommencer le monde » dans la contemplation et l’émerveillement,
de retrouver chaque chose comme un événement singulier,un surgissement de sensations uniques.
Partant, la force et la vérité des œuvres d’art consiste à bouleverser notre rapport au monde, en
transformant la façon dont nous le percevons, en nous invitant à déplacer le regard habituel, usé,
que nous portons sur chaque chose, afin de retrouver l’éclat et l’intensité de notreexpérience.
• Le peintre Paul Klee (peintre suisse des année 1900 qui appartient au surréalisme) avait une
belle formule pour exprimer la révolution du regard, la révolution des sens, qui s’opère dans
l’œuvre d’art : « L’art doit révéler et rendre visible l’invisible ».
Le rôle de l’art n’est pas d’imiter ou
de reproduire la réalité mais de la dévoiler.
La particularité de l’art est qu’il est inutile en soi :
purement contemplatif, il se contente de révéler une certaine manière d’appréhender le monde.
L’œuvre d’art est paradoxale : elle exprime un regard subjectif sur le monde en même temps qu’elle
révèle un pan de la réalité.
L’œuvre d’art étend notre perception du monde au-delà de nous-même.
C’est en cela qu’il rend le monde davantage visible.
Quel est cet invisible que l’art manifeste ? C’est justement ce que nous avons cessé de voir, les choses
et les êtres n’ayant pour nous d’autre sens que celui que leur donne notre intérêt.
D .
La finalité éthique de....
»
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