L’animal politique Le langage Pourquoi et comment vivons-nous en société ?
Publié le 22/04/2024
Extrait du document
«
L’animal politique
Le langage
Pourquoi et comment vivons-nous en société ?
ette question pose le problème du besoin et de l’interdépendance des individus. Les
C
individusens’associantsontplusforts.Lavieensociétépermetunéchangedecompétences.
L’expression « animal politique » manifeste la recherche philosophique de ce qui fait le
propre de l’homme, recherche de ce qui distingue l’homme des autres espèces animales.
Nouspoursuivonsdoncnotrerecherchedecequifaitlaparticularitédel’êtrehumain.Après
avoir interrogé la conscience, la raison, la technique, le travail, ou encore l’art comme
caractéristiques qui nous distingueraient du reste du vivant, nous nous demandons ici si le
langage ne serait pas également un moyen de signer notre humanité.
Texte 1 - L’homme est un animal politique
Aristote,Les politiques
I l est manifeste, à partir de cela, que la citéfaitpartiedeschosesnaturelles,et
que l’homme est par nature un animal politique, et que celui qui est hors cité,
naturellement bien sûr et non par le hasard ⟨ des circonstances ⟩, est soit un être
dégradésoitunêtresurhumain,etilestcommeceluiquiestinjurié⟨encestermes⟩
par Homère :
« sans lignage, sans foi, sans foyer ».
ar un tel homme est du même coup naturellement passionné de guerre, étant
C
commeunpionisoléaujeudetrictrac.C’estpourquoiilestévidentquel’hommeest
un animal politique plus que n’importe quelle abeille et que n’importequelanimal
grégaire.Car,commenousledisons,lanaturenefaitrienenvain;orseulparmiles
animaux l’homme a un langage. Certes la voix est le signe du douloureux ou de
l’agréable, aussi la rencontre-t-on chez les animaux ; leur nature, en effet, est
parvenuejusqu’aupointd’éprouverlasensationdudouloureuxetdel’agréableetde
se les signifier mutuellement. Mais le langage existe en vue de manifester
l’avantageux et le nuisible, et par suite aussi le juste et l’injuste. Il n’y a en effet
qu’unechosequisoitpropreauxhommesparrapportauxautresanimaux:lefaitque
seuls ils aient la perception du bien, du mal, du juste, de l’injuste et des autres ⟨
notions decegenre⟩.Oravoirdetelles⟨notions⟩encommunc’estcequifaitune
famille et une cité.
Aristote,Les politiques, IVe siècle av.
J.-C, chapitre2, Livre I, p.
90 - 91
Analyse
our Aristote le fait de vivre en société et d’échanger ses compétences est ce qui fait le
P
propredel’homme,etcelas’expliqueparunespécificitéhumainequirésideenl’instrument
que les hommes utilisent pour coopérer : le langage. Le langage se distingue du langage
animal parce qu’il permet d’exprimer un jugement sur ce qui est juste et sur ce qui est injuste.
e langage est ce qui permet de créer un monde commun, parcequ’ilpermetd’établirdes
L
règles de vie en société en fonction de ce qui a été jugé juste et bon.
ristote précise que l’homme est par nature un animal politique. On rejoint l’idée que la
A
naturedel’hommeestdecréerlaculture.Sil’enfantapprendaprèsquelquesannéesàparler
c’est parce qu’il avait le potentiel de créer du sens à traverslelangage.Doncenvivanten
société l’homme ne s’extrait pas de sa nature, il la réalise.
1) Identifier la thèse de l’auteur.
’organisation sociale et politique des hommes entre eux est naturelle, elle n’est pas
L
culturelle, construite comme c’est le cas pour les philosophes du contrat social tels que
HobbesouRousseau.Eneffet,pourcesauteurs,leshommesavantdeseconstituerensociété
civileviventdansunétatdenaturedanslequeliln’existeniloisniinstitutions.Ilsdiffèrent
néanmoins surla naturede cet état de nature justement.
2) Relevez les notions essentielles du texte et proposez-en une définition.
ité:
C
Communauté politique organisée.
nimal politique:
A
Idée que ce qui fait le propre de l’homme est de vivre en société avec ses semblables.
angage:
L
Système ou ensemble de signes qui permet l’expression ou la communication.
Institutionuniverselleetspécifiquedel’humanitéquicomportedescaractéristiquespropres.
Onopposeainsilelangageàlalangue.Lelangageestunefacultéouaptitudeàconstituerun
système de signes, tandis que la langue désigne unensembleinstituéetstabledesymboles
verbauxouécritspropresàuncorpssocialetsusceptibled’êtrebienoumaltraduitdansune
autre langue. On distingue également le langage de la parole qui est l’acte individuel par
lequel s’exerce la fonction linguistique.
oix:
V
Son produit par les cordes vocales.
ature:
N
La nature désigne d’abord ce qui existe en dehors du monde humanisé, transformé par
l’homme.Lemondenaturelestcequiexisteindépendammentdesintentionsetdeseffortsde
l’homme. Cependantl’hommepeutaussiêtredéfinicommeayant/possédantunenature,il
estencesensunêtrenaturel.Uneambiguïtérésulted’ailleursdecesens,lanaturehumaine
désigne ce qui est commun à tous les individus, tandis que la nature d’une personne peut
aussi désigner ce qui singularise l’individu, son tempérament et éventuellement ses
dispositions ou aptitudes innées, opposées aux acquis de son éducation.
J ustice:
Cf.juste / injustedans le texte.
La réflexion sur la justiceestaussianciennequelaphilosophie.Lajusticedésigneàlafois
une vertu et une organisation générale harmonieuse de la vie sociale.
orale:
M
Cf.bien / maldans le texte.
La moraleestensonsensordinaireunensemblederèglesdeconduiteetdevaleursausein
d’une société ou d’un groupe. En philosophie, la morale désigne une doctrine raisonnée
indiquant les fins que l’homme doit poursuivre et les moyens d’y parvenir.
elevez les connecteurs logiques et identifiez ce qu’ils introduisent : u
ne
3) R
définition, un argument, un exemple, un présupposé, une cause, une
conséquence… ?
4) Distinguez, en suivant le raisonnement d’Aristote la voix du langage.
nargumentd’autoritéquiexpliquequel’hommeestparnatureunanimalpolitiqueestselon
U
Aristote qu’il possède lelangageetplusprécisémentqu’ilestleseulàposséderlelangage.
En effet, ce que possèdent les animaux n’est pas le langage maisunevoix.Cettevoixleur
permet d’exprimer ce qui est agréable ou désagréable, douloureux ou non. Le langage lui
permetàl’hommedes’interrogeretdes’exprimersurlesplansdelamorale(lebienetlemal
et de la justice (le juste et l’injuste).
5) Proposez un découpage du texte.
6) Rédigez l’explication de texte.
https://www.philolog.fr/lhomme-est-par-nature-un-animal-politique-aristote/
Introduction
Présentation du texte
Ce texte est un extrait de l’ouvrageLes Politiquesécrit par Aristote au IVe siècle avant J.-C.
Le problème soulevé
e thème de ce texte est lerapportdel’hommeàlaviepolitique.Aristoteposelaquestion
L
suivante : l’homme est-il par nature voué à vivre dans une communauté politique ou bien
s’agit-il d’une construction culturelle ?
La thèse
a thèse d’Aristote est donc que l’homme est par nature voué à vivre dans une cité parce
L
qu’il détient une faculté particulière qu’est le langage. C’est le sens de la fameusecitation
d’Aristote selon laquelle l’homme est un animal politique.
Les enjeux
our bien comprendre l’intérêtdelaquestion,ilfautsaisirsesenjeux.Aristotes’opposeici
P
aux conceptions contractualistes (ou conventionnalistes) de la vie politique. Selon ces
dernières,leshommesviventd’abordendehorsdelasociétéestnesontamenésàformerdes
communautés politiques que pour des raisons utilitaires (la satisfaction optimale de leurs
besoins, par exemple). Danscetteperspective,lacitén’estpourl’hommequ’uninstrument.
Aristote souhaite au contraire montrer que la vie politique a pour l’homme une valeur
intrinsèque, et non seulement instrumentale.
Le plan du texte
ansunepremièrepartie,Aristoteaffirmelanaturalitédelacitéetlecaractèrenaturellement
D
politique de l’homme. Dans une deuxième partie, il distingue les animaux sociaux et les
animaux politiques que sont les hommes : les premiers sont simplement des animaux qui
vivent ensemble, tandis que les seconds non seulement vivent ensemble, mais partagent
égalementdesvaleurs.Dansunetroisièmepartie,Aristotemontrecommentonpeutdéduire
la naturalité politique de l’homme à partir du fait qu’il possède la raison ou le langage.
I.
La naturalité de la cité et le caractère politique de l’homme
a) Contre le contractualisme
a première affirmation d’Aristote est que lacité,c’est-à-direlacommunautépolitique,est
L
quelquechosedenaturel.Cetteaffirmationestétroitementliéeàl’affirmationselonlaquelle
l’homme est par nature un animal politique. Cette thèse a trois conséquences majeures et
interdépendantes.
remièrement, cela signifie que la communauté politique n’est pas une création artificielle
P
des hommes comme l'affirment les contractualistes tels que Hobbes, Locke ou Rousseau.
Selon Hobbes, l’état de nature est un état de guerre, contraignant l’hommeàuneviequasi
animale. Il y règne le droit de nature qui est ledroitdetouthommesurtouthommeetsur
touteschoses.L’hommeestalorsexposéàlapeurd’unemortviolentedufaitd’autrui.Pour
échapper à lapeuretàlaviolencepermanentesleshommesdoiventquitterl’étatdenature.
L’homme raisonnable qui cherche la paix, deviendra citoyen d’un État. Les hommes
abandonnent alors leur droit de nature sur toutes choses par un consentement mutuel et
général.Ilsleconfèrentàunsouverainquiexercedèslorslepouvoirpolitiqueenleurnom,
par délégation. L’État ouRépubliqueestdoncuneconstructionrationnelleetartificielledes
hommes,etnonunprolongementdelanaturecommechezAristote.Lasouverainetédel’État
est absolue et légitimepuisqu’ellerésulted’unelibredélégation.L’Étatassurelasécuritéet
l’ordre;ilestlasourceuniquedelaloi.C’estdoncparuncontratqueleshommessortentde
l’étatdenaturepourentrerdansunétatqu’ilsjugentplusavantageuxpourlasatisfactionde
leurs intérêts, à savoir l’état civil ou politique.
our Aristote au contraire, l’hommevitparnatureencité.Iln’yapasdepassaged’unétat
P
naturelàunétatcivilartificiel:l’étatcivilestnaturel.Celanesignifiepasbiensûrquetous
leshommessontnésdansunecommunautépolitique.Ilabienfalluquedeshommesexistent
d’abord, puis établissent des cités ensuite. Mais s’il est vrai que la cité est postérieure à
l’homme sur le plan chronologique, elle lui est antérieure sur le plan téléologique
(c’est-à-dire dans l’ordre des finalités) : il était dans la nature del’hommedevivreencité
même avant qu’une cité existe.
b) L’homme, partie du tout politique et de l’ordre cosmique
’idée quelacitéestnaturelleimplique,deuxièmement,qu’unhommequinevivraitpasen
L
cité serait un être incomplet, une pièce détachée d’une totalité à laquelle elle est censée
appartenir.Celaneveutpassimplementdireque,defait,l’hommequivitencitéestundes
membres d’une communauté politique. Cela signifie, plus profondément, que la vie d’un
hommesanscommunautépolitiqueperdsonsens,commel’existenced’unepiècedepuzzle
isolée. C’est en ce sens qu’Aristote écrit qu’un homme qui vivrait en dehors d’une
communauté politique serait « soit un être dégradé soit un être surhumain, etilestcomme
celui qui est injurié ⟨ en ces termes ⟩ par Homère : « sans lignage, sans foi, sans foyer ».
».
ourmieuxcomprendrecepoint,ilfautresituerleproposd’Aristotedanslecontextegénéral
P
de sa philosophie. Aristote défend une conception téléologique du monde : selon lui, le
monde est une totalité rigoureusement organisée,danslaquellechaqueêtreetchaquechose
occupent une place bien précise et accomplissent une fonction bien précise. Affirmer que
l’homme est un animal politique, c’est donc affirmer que, troisièmement, la place et la
fonction que lui assigne l’ordre cosmique se trouve dans la cité, parmi ses semblables.
L’homme non politique est un homme qui ne réalise pas sa nature. C’est donc un homme
nécessairement malheureux, car la réalisationdesanaturevadepair,pourAristote,avecle
bonheur.
II.
Les animaux sociaux et l’homme politique
a) L’homme n’est pas un animal social comme les autres
ans la deuxième partie de l’extrait, Aristote établit une distinction importante entre le
D
caractère social et le caractère politique. Aristote soutient que l’homme est un animal
politique, et non pas simplement un animal social. L’homme n’est évidemment pas leseul
animal à vivre en communauté. C’est aussi le cas d’innombrables espèces, comme les
abeilles par exemple. Être sociable, pour un animal, signifie simplement vivre en
communauté. Être politique signifie quelque chose de plus, à savoir le fait que nous
partagions des valeurs avec nos semblables.
b) La voix animale n’est pas le langage humain
n pourrait penser que les animaux sociaux sont aussi politiques en ce sens,careuxaussi
O
partagentcertaineschosesencommuniquantlesunsaveclesautres.Ilspoussentnotamment
des cris pour témoigner du caractère agréable ou désagréable de leurs expériences
subjectives. La«voix»quepossèdentlesanimauxestprécisémentcettefacultéd’exprimer
l’agréable ouledésagréable.Maiss’ilestvraiquelesanimauxpossèdentla«voix»,ilsne
possèdent cependant pasle«discours»,quiestlaspécificitédel’homme.Enquoiconsiste
donc cette faculté proprement humaine qui le distingue des autres animaux et permet à
Aristote....
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- ARISTOTE, La Politique: L'homme est de par sa nature un animal fait pour la société civile (commentaire)
- ARISTOTE, La Politique: L'homme est de par sa nature un animal fait pour la société civile
- Les défiance à l’égard de la représentation politique et les institutions politique qui cimente la société
- Histoire : La France dans l’Europe des nationalités : politique et société (1848 - 1871)
- Le génie créateur est-il un pur don de la nature (Diderot) ou le reflet, sur le plan idéologique, de la politique et de l'économie d'une société (Mao Tsé-Toung) ?