L'animal : l'objet des droits fondamenatux
Publié le 17/10/2022
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TD / Droits fondamentaux
Le 6 octobre 2022
Sujet : L’animal : l’objet des droits fondamentaux ?
Comme l’a affirmé un grand juriste britannique du 18 et 19e siècle, J.
Bentham, à propos de la
reconnaissance des droits aux animaux : “ la question n'est pas peuvent-ils raisonner ?, ni "peuvent-ils
parler ?, mais bien : peuvent-ils souffrir ?”.
C’est donc la capacité de sentir la souffrance qui
commande naturellement un certain niveau de respect des Hommes envers des animaux et qui est à la
base de régimes juridiques accordés à l’animal de nos jours.
Avec l’explosion des courants de pensée
comme le sont par exemple l’environnementalisme ou véganisme et avec l’accordement des droits
fondamentaux à des groupes minoritaires ou désavantagés, la société souhaite aller encore plus loin et
la conception actuelle commence à être jugée de rudimentaire, tout en suscitant des nombreux enjeux
juridiques.
Historiquement, dans le monde encore rural, il n’était guère question de se soucier avec la
reconnaissance des droits fondamentaux aux animaux.
Ils étaient seulement un outil de travail et la
source de subsistance pour leur maitre.
Avec la popularisation des animaux de compagnie, l’Homme
prend la conscience du fait qu’il est, avec l’animal, le seul être vivant avec lequel il a plusieurs choses
en commun.
La rédaction du Code civil de 1804 range l’animal parmi les biens meubles (article 528).
La texte pivot de la protection animalière en France est la Loi Grammont du 2 juillet 1850, qui prévoit
une peine d’amende de “5 à 15 francs” et “1 à 5 jours en prison”, “pour ceux qui auront exercé
publiquement et abusivement des mauvais traitements envers les animaux domestiques”.
Néanmoins, il est discutable que ce texte vise à protéger l’animal plus que le public des scènes
pouvant lui être désagréables.
Pendant plus que 100 ans le droit français restait quasiment muet à ce
sujet et la seule évolution observable est le décret du 7 septembre 1959 qui sanctionne des mauvais
traitements envers des animaux également dans le cadre privé.
Il a fallu que la protection animalière
quitte la sphère du Code civil pour pouvoir progresser dans l’État des droits de l’Homme.
La loi du 19 novembre 1963 instaure le délit d’actes de cruauté envers l’animal, qui est régit
aujourd’hui par l’article 521-1 du Code pénal ; la loi du 10 juillet 1976 fixe les principes fondamentaux
de la protection animalière, comme le sont l’interdiction d’utilisation d’un animal de façon abusive,
l’interdiction d’exercer le mauvais traitement sur lui et l’on y admet, pour la première fois, que l’animal
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est un être sensible, ce que l’on retrouve actuellement à l’article 214-1 du Code rural et de la pêche
maritime.
Ne restent pas de côté les sources internationales de la “protection” animalière.
L’on peut citer
par exemple le Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie de 1987, qui vise
de façon générale le bien-être des animaux domestiques ou encore la Déclaration Universelle des
Droits de l’animal, rendue public en 1990, qui, quant à elle, représente une prise de position
philosophique sur les rapports qui doivent désormais s'instaurer entre l’Homme et les espèces animales.
Néanmoins, la défaillance de ces conventions est liée au fait qu’il ne s’agit que de belles déclarations
diplomatiques, amenant ou incitant des Etats signataires à améliorer la protection des animaux ou
accroitre le respect envers eux sans pour autant prévoir une sanction en cas de manquement à ces
dispositions.
Dans le cadre du droit communautaire, depuis le Traité d’Amsterdam de 1997, l’on considère
l’animal comme étant un “être sensible” et dans des divers domaines, l’on devrait être contraint de
“prendre en compte ses exigences de bien-être”.
Celui-ci est considéré par la Cour de justice de l’Union
européenne comme une “valeur à laquelle les sociétés démocratiques contemporaines attachent une
importance accrue depuis un certain nombre d’années” (CJUE, 17 décembre 2020, Consistoire central
israélite de Belgique et autres).
Pour que la “sensibilité” émerge en Code civil français, il a fallu
attendre la loi du 16 février 2015, qui reconnait les animaux comme des “êtres vivants doués de
sensibilité”, sans pour autant aménager leur régime, qui reste, encore à l’heure actuelle, celui des biens.
Il semble pertinent d’évoquer que le projet de cette loi a été précédé de divers initiatives des ONG,
comme les pétitions de la Fondation 30 Millions d’Amis.
Il apparait évident que le législateur devient
sensibilisé au sujet d’animal et notamment semble partiellement céder aux revendications de ces
groupements, ce qui se manifeste également par l’adoption de la loi du 30 septembre 2021 sur le
renforcement contre la maltraitance de l’animal, qui interdit, entre autres, les spectacles d’animaux
dans les cirques.
Il convient donc de reprendre la formule de John Stuart Mill que Tom Regan placée dans leur
oeuvre Les droits des animaux et de citer en même temps Jean-Pierre Marguénaud1 : “« Tout grand
mouvement doit passer par trois étapes : le ridicule, la discussion, l'adoption ».
Celle du ridicule est
incontestablement derrière nous ; nous nous trouvons au point de bascule de la discussion à
l’adoption.”
Le sujet nous invite à présent de définir ses termes.
L’animal est donc un être vivant
hétérotrophe, capable de sensibilité, vivant organisé en nature ou domestiquement et capable de se
1 Jean-Pierre Marguénaud : L’animal sujet de droit ou la modernité d'une vieille idée de René Demogue, RTD Civ.
2021 p.591
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déplacer, par opposition aux végétaux, ne disposant néanmoins pas de langage articulé, par opposition
aux Hommes.
Il semble raisonnable, au vu des enjeux posés par le sujet, de diviser la locution “l’objet des
droits fondamentaux” en deux, et d’examiner d’abord la notion “l’objet de droit” et puis, celle de
“droits fondamentaux”.
L’objet de droit est une chose ou une personne sur laquelle peut s’exercer un droit et l’on met
cette notion en opposition à celle de sujet de droit, qui sont, au moins en droit privé, les personnes
juridiques ou morales titulaires de la personnalité juridique, pouvant grâce à cette dernière bénéficier de
droits et être débitrices d’obligations.
La notion “droits fondamentaux“ peut être appréhendée ainsi : “Ce sont des droits accordés à
chaque individu et assurés dans un état de droit et une démocratie.
Les droits fondamentaux sont
constitués, au sens large, des droits de l'homme et du citoyen et des libertés publiques.2”.
En
restreignant le terme, l’on s’aperçoit qu’il s’agit notamment des droits protecteurs, dont le rôle principal
est de protéger la vie et la dignité des êtres vivants personnifiés.
Il faut à présent délimiter l’étendu de nos futurs développements.
Il ne s’agira pas de présenter
l’ensemble de droit animalier français ou celui prévu dans les conventions internationales.
L’on va
plutôt s’attarder sur le régime de l’animal en droit français qui coïncide avec l’étendu des droits lui
étant accordés, tout en s’intéressant aux éventuelles évolutions juridiques qui seront peut-être assez
bientôt observables.
Il convient alors de s’interroger sur le point de savoir si l’animal est-il seulement un objet de
droit ou a-t-il des espoirs à devenir un sujet des droits fondamentaux ?
Il serait pertinent d’y répondre d’abord en expliquant pourquoi il est très peu probable que
l’animal se verrait accorder un jour une véritable personnalité juridique lui permettant de devenir un
vrai sujet de droits protecteurs comme ne le peuvent être que ceux bénéficiant de celle-ci (I), mais il
serait néanmoins judicieux d’évoquer que l’animal, tout en ne disposant pas d’une personnalité
juridique à proprement parler, est incontestablement un être en quête de reconnaissance juridique de
plus en plus aboutie (II).
I.
La justification du régime actuel de l’animal au vu de l’impossibilité d’accordement de la
personnalité juridique
2 https://justice.ooreka.fr/astuce/voir/515649/droits-fondamentaux
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Les juristes civilistes conservateurs raisonnent dans la logique que peuvent bénéficier de la
personnalité juridique, ouvrant l’accès à la reconnaissance d’un vaste palette des droits fondamentaux,
seulement les sujets de droit, c’est à dire les personnes physiques et morales (A), et que cette
impossibilité d’accordement de la personnalité juridique à proprement parler aux animaux justifie leur
soumission actuelle au régime des biens (B).
A.
L’impossibilité évidente d’accordement de la véritable personnalité juridique aux
animaux
La qualité de sujet de droit est accordée seulement aux personnes physiques ou morales, au
moins en droit privé français.
La personnalité juridique, telle que l’on la connait actuellement, permet à
ses bénéficiers de détendre des droits et d’être le débiteur des obligations, ces deux capacités étant
indissociable.
C’est à ce titre qu’elles puissent conclure des contrats, doivent payer des impôts ou
encore se marier ou fusionner légalement.
L’on imagine très mal que tels actes pourraient être conclus par un animal, ou encore que les
créanciers pourraient saisir le patrimoine d’un animal, qui est inexistant.
C’est dans le Code civil où on
trouve le régime de ces actes, dans le même Code civil qui a été conçu pour régir strictement des
relations intra-personnelles et des relations d’un propriétaire avec ses biens.
La summa diviso, cardinale en droit français, entre les personnes et les choses explique l’enjeu
entier autour l’impossibilité d’accorder la véritable personnalité juridique aux animaux, qui leur
permettrait de devenir le sujet à proprement parler des droits au sens large.
Dans la théorie pure de
droit, soit on connait des personnes ou des choses et l’entité qui n’entre ni dans une de ces deux
catégories reste un objet de droit.
L’autre difficulté qui se poserait avec l’accordement de la personnalité juridique à l’animal est
celle d’ordre taxinomique.
L’on connait des milliers d’espèces et de types d’animaux, dont chacun
d’eux présente les caractéristiques différentes et dont chacun est jugée plus pu moins utile pour
l’Homme.
Comment procéderait-on à l’accordement de cette personnalité juridique ? L’on l’accorderait
aux mammifères, mais pas aux reptiles ? Créerait-on un type de personnalité juridique propre à chaque
espèce ? Ce type de gymnastique juridique semble être complètement dérisoire et à l’époque actuelle
l’on connait des enjeux bien plus préoccupants.
L’on accorde la personnalité juridique aux personnes physique pour qu’ils puissent accomplir
les actes de la vie quotidienne, aux personnes morales pour qu’elles puissent poursuivre leur objet ou
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intérêt social.
Or un animal n'a pas à accomplir de tels acte et ne dispose non plus “de volonté
particulière, au sens délibératif ; partant, la reconnaissance de ses intérêts semble dépourvue d’effet3”.
Comme l’on vient de le démontrer, l’accordement de la personnalité juridique au sens strict du
terme aux animaux, comparable à celle dont sont dotées les personnes physiques ou morales est tout
simplement irréalisable et dépourvu d’intérêt.
Cette impossibilité de jouir, en droit français, de la vraie
personnalité juridique permet de comprendre parfaitement la soumission des animaux au régime des
biens (B).
B.
La soumission nécessaire des animaux au régime des biens étant pourtant spécifique
L’article 515-14 du Code civil, tel que crée par la loi du 16 janvier 2015, dispose : “Les
animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité.
Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux
sont soumis au régime des biens”.
Etant privé de la personnalité juridique, le régime qui leur est
applicable est donc celui des biens, plus précisément des biens immeubles par destination (article 524
du Code civil) ou des biens meubles par nature (article 528 du Code civil), et cela est la seule
explication logique possible par rapport à sa position en droit français.
L’animal est avant tout une composante de la nature, servant à nourrir des Hommes, à être leur
compagnon ou encore un objet sur lequel l’on teste des avancés scientifiques ou technologiques.
Comme l’avait remarqué Professeur Libchaber “il est une chose qui s'achète et se vend - ou s'acquiert
par droit de premier occupant quand il est sauvage ; il peut être l'objet de contrats tels que le louage
ou, en sens inverse, de ceux par lesquels il reçoit des soins4…”.
En étant un bien, il est soumis à la
bonne volonté de son propriétaire, qui dispose d’usus et fructus sur l’animal, comme sur tous les autres
biens dans son patrimoine.
Néanmoins, les choses s’améliorent pour l’animal en cas d’abusus, qui est d’après le droit de
biens, la troisième prérogative accordée au propriétaire.
À ce titre, il apparaît judicieux de mentionner
un assouplissement de l’application stricte du régime de biens.
En reconnaissant à l’animal la qualité
d’un “être doué de sensibilité”, l’on met en place un système de sa protection contre des abus.
Pour
affirmer les choses clairement, le régime de biens s’applique aux animaux seulement en harmonie avec
des règles spéciales prévues dans des divers branches du droit, qui sont censées de le protéger.
En admettant sa sensibilité, l’on reconnait sa capacité de sentir la douleur et c’est la raison pour
laquelle l’on souhaite la limiter au strict nécessaire, accordant ainsi à l’animal un certain niveau de
dignité.
3 R.
Libchaber, La souffrance et les droits : A propos d'un statut de l’animal, Recueil Dalloz 2014 p.387
4 R.
Libchaber, La souffrance et les droits : A propos d'un statut de l’animal, Recueil Dalloz 2014 p.387
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Comme un coordinateur le plus pertinent du comportement de l’Homme envers l’animal
apparait le Code rural et de la pêche maritime qui, par exemple, à son article L214-1 oblige le
propriétaire de l’animal de le placer “dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques
de son espèce”, ou encore à l’article L214-3 interdit “d'exercer des mauvais traitements envers les
animaux domestiques” et en même temps limite les expériences biologiques médicales et scientifiques
exercées sur l’animal “aux cas de stricte nécessité”.
Cette protection est mise en oeuvre principalement par l’article 521-1....
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