Laideur et représentation artistique (Hugo, Baudelaire) - Provocation
Publié le 20/05/2022
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29.03.2016- CORRIGE BAC BLANC: POESIE
Question sur un corpus:
On attend la mise en évidence des éléments provocateurs:
–
le choix du sujet, à rebours de la tradition poétique: surprenant, dégoûtant, repoussant, anticonformiste
–
l'éloge paradoxal de cet objet laid: opposition entre la trivialité de l'objet décrit, sa laideur, et le
vocabulaire appréciatif* (connotations péjoratives, mélioratives).
–
la rupture avec la tradition lyrique en poésie: on fait l'éloge de l'être aimé, de l'objet apprécié, or ici
on célèbre le laid, le choquant, le repoussant...
de façon à interpeller le lecteur (provocateur = saisir
l'attention du lecteur)
I°: Hugo romantique, Baudelaire moderne, Corbière et Nouveau proches du symbolisme, des zutistes/ Corpus
qui décrit des objets laids et repoussants, à rebours de la tradition poétique/ En quoi sont-ils provocateurs?
I- la provocation naît du choix de l'objet décrit:
une charogne : objets repoussants ou peu appréciés chez Hugo et Corbière: l'araignée et l'ortie sont
qualifiées de "maudites, chétives", le crapaud est repoussant et déprécié: "Un crapaud ! – Pourquoi
cette peur, ...
Rossignol de la boue."/ femme en décomposition chez Baudelaire, précision de la
description de la putréfaction choque par sa crudité: "Brûlante et suant les poisons/Ouvrait d'une façon
nonchalante et cynique/Son ventre plein d'exhalaisons.": on chante traditionnellement la femme aimée,
sa beauté!.
Enfin, objet trivial du quotidien avec le peigne, qu'encense le poète bien qu'il soit
dégoûtant: "elle est à qui le laisse /S'épanouir dans sa hideur."
II- La provocation naît plus encore de l'éloge que font les poètes de ces objets laids ou
repoussants: ils sont , en effet, dignes d'être aimés, dignes d'être loués et chantés.
Sorte d'antiblason (le blason est un poème élogieux de l'objet aimé)
Nouveau et Hugo font un éloge des objets méprisés et triviaux: bien qu'il soit crasseux, laid, sale..."le
peigne est un grand seigneur": vers- refrain qui clôture les 12 premières strophes, non sans humour.
Le poète oppose cette devise à tous les arguments dévalorisants le peigne.
Hugo prend le ton de la plainte, pathétique, pour faire réagir son lecteur à la condition affreuse qui est
faite à l'ortie et à l'araignée "O sort ! fatals nœuds ! "Plaignez la laideur, plaignez la piqûre,/ Oh !
plaignez le mal ! ": ponctuation expressive renforce le pathétique.
Hugo renverse les idées reçues: "
La mauvaise bête et la mauvaise herbe/ Murmurent : Amour !", tout est digne d'être aimé!
Corbière se compare au crapaud, avec malice et provocation, pour désigner sa condition de poète
incompris et maudit, manière aussi de souligner son inventivité, qui se joue des règles poétiques
traditionnelles dans ce sonnet inversé (2 tercets, 2 quatrains): c'est au dernier vers du dernier quatrain
(la volta) que s'opère l'inattendue comparaison à l'objet méprisé "Bonsoir- ce crapaud là , c'est moi."/
Enfin, Baudelaire, recourt à l'oxymore et à l'antithèse, dessinant paradoxalement, et non sans humour
noir, un beau tableau de la charogne si repoussante: " la carcasse superbe", "Et ce monde rendait une
étrange musique,/ Comme l'eau courante et le vent", " Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève":
harmonie qui s'oppose à la description hideuse de la chair putréfiée "ventre putride, épais liquide"...
III- Provoquer pour interpeller le lecteur, réinventer une esthétique poétique nouvelle:
Projet baudelaire d'extraire le beau du mal, Les Fleurs du mal: la charogne est prétexte à une réflexion
sur le temps qui passe et notre condition de mortel "Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection, /Etoile de mes yeux,...".
Dernière strophe à l'humour grinçant marqué, revient
à l'idée que l'oeuvre poétique immortalise l'être aimé, mais non plus figée dans la beauté idéale:
"...Dites à la vermine / Qui vous mangera de baisers/ Que j'ai gardé la forme et l'essence divine/ de
mes amours décomposées." De même, les autres poètes du corpus nous invitent à changer notre
regard sur le monde, à casser les idées reçues, à regarder ce qu'on méprise ou ce qu'on ignore par
habitude.
Ils emploient l'apostrophe et l'adresse directe au lecteur: "J'aime l'araignée et j'aime l'ortie,/
Parce qu'on les hait...
Plaignez...!; "...Viens, c'est-là, dans l'ombre."; "Quoi ? l'on ose dire à voix haute
Sale comme un...
"
C°: la provocation est à la fois esthétique -choix d'un objet laid ou repoussant- et morale – nous interpeller pour
nous faire réagir et changer notre regard.
C'est d'ailleurs en renversant les règles poétiques que les artistes
réinventent l'art, comme ce fut le cas des surréalistes à l'aube du XXè..
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