L'affaire Henriette CaillauxUn coup de panique.
Publié le 17/05/2020
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«
1 / 2 L'affaire Henriette Caillaux
Un coup de panique
«Voulez-vous vous lever, Madame», dit le président à l'accusée Henriette Cail
laux en ce 20 juillet 1914.
On peut
s'étonner de voir un magistrat aux assi
ses employer une formule aussi respec
tueuse, mais
il ne s'agit pas là d'un pro
cès comme les autres: Joseph Caillaux,
l'époux de la meurtrière, un aristocrate
qui siège à gauche, un patricien qui dé
fend l'impôt sur
le revenu, est un per
sonnage hors de pair.
Depuis janvier 1914,
il est l'objet d'une
furieuse campagne de presse; ses adver
saires Briand et Barthou ont voulu en
finir avec lui et ont chargé Gaston Cal
mette, directeur du Figaro, d'organiser
l'offensive; ils veulent abattre Caillaux
parce qu'il menace
le capital et, surtout,
parce qu'il est capable de «s'arranger avec l'Allemagne».
Si les prochaines
élections lui donnent le pouvoir, ce sera
la fin de la «politique de fermeté» qu'ils
défendent avec le président Poincaré.
Le 10 mars, Calmette écrit dans son
journal: «Voici le moment décisif où il est nécessaire de ne reculer devant
aucun procédé, même s'il se peut que
notre morale et nos inclinations person
nelles
le condamnent.» Henriette Cail
laux s'affole: Mme Geydan, la première
femme de Joseph Caillaux, détient une
correspondance échangée entre Henriet
te et son mari au temps où elle était
encore sa maîtresse; Henriette est per
suadée que Calmette va mettre en cause
sa vie intime;
si les lettres sont publiées,
c'en est fait de son honneur; son père lui
fermera sa porte;
sa prochaine présenta
tion à la reine d'Angleterre sera impossi
ble; sa fille, surtout, risque de voir son
1914
mariage compromis.
Perdant la tête,
Henriette se rend le 16 mars au siège du
Figaro et tue Calmette de cinq coups de
revolver.
Le scandale oblige Caillaux à démis
sionner, ce qui arrange Poincaré et ses
amis.
Caillaux ne sera pas au pouvoir
pour s'opposer
à leur politique étran
gère.
Les lettres d'Henriette Caillaux sont
produites à l'audience
par Mme Gey
dan; elles ne contiennent rien qui puisse
intéresser la politique; les révélations
promises par Calmette se rapportaient à
une affaire
de fmancier véreux prétendu
ment protégé par Caillaux; l'épouse de
ce dernier a donc agi par méprise.
Pour Maître Chenu, partie civile, la complici
té de Caillaux et de sa femme est éviden
te:
«La femme tire aussi bien que l'hom
me et court moins de risques!» déclare t-il.
Le procureur admet les circonstan
ces atténuantes, mais retient l'intention
criminelle et la préméditation.
Quant
à
Maître Labori, l'ancien défenseur de
Dreyfus et de Zola, qui défend Henriet
te,
il parle d'«un lamentable incident,
infiniment malheureux et irréparable, de
la nervosité humaine exaspérée ...
».
Après une heure de délibération, le jury, à la stupéfaction générale, répond: «Nom> au chef d'homicide volontaire.
Henriette Caillaux est acquittée.
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