L'abbé Pierre
Publié le 18/05/2020
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L'abbé Pierre, l'insurrection de la bonté
"Mes amis, au secours".
C'est par ces mots que l'abbé Pierre
va réunir des bénévoles pour secourir des familles en détresse
au cours de l'hiver 1954.
Son action continue aujourd'hui
encore: les compagnons d'Emmaüs sont toujours au service des
plus pauvres.
L'hiver 1954 est rude.
Début janvier, un bébé est mort dans
une carcasse d'autocar, sur l'un de ces campements de fortune
qui fleurissent aux portes des grandes villes.
C'est le
résultat des destructions massives de la guerre, mais aussi de
l'imprévoyance; le parc immobilier était déjà insuffisant en
1939.
Les familles s'entassent dans des habitats précaires ou
délabrés en attendant la reconstruction.
Cet hiver-là, blouson de cuir râpé sur la soutane, c'est un
prêtre pas comme les autres qui va obliger les nantis à ouvrir
les yeux sur le scandale.
Pour lancer son offensive contre
l'intolérable, l'abbé Pierre va se servir, tel un "pro" de la
communication, de ceux que l'on n'appelle pas encore les
médias.
D'abord "Le Figaro", où il parvient à faire publier
une lettre ouverte au ministre de la Reconstruction.
Il est
indigné, et le dit sans précautions, de voir des gens qui ont
un salaire mais pas de toit.
Il prête sa voix aux sans-voix:
"On n'est pas des gens méchants, monsieur le Ministre (...),
on n'est pas des mendiants, on gagne son pain, on veut bien
payer son loyer".
Ainsi secoué, le ministre assistera sous la
neige (et sous les objectifs des photographes) à l'enterrement
du bébé dans un petit cimetière de la banlieue parisienne.
Mais l'abbé ne se contente pas de ce geste.
Le 1er février, il
met en concurrence les radios de l'époque.
Après avoir
convaincu, avec l'aide d'un ami, la radio d'État de diffuser
un message qu'il dicte au téléphone, il arrive en trombe à
Radio Luxembourg: "Si vous ne voulez pas être en retard sur la
Radiodiffusion française, il est temps de me donner le micro".
On le lui donne: "Mes amis, au secours! Une femme vient de
mourir gelée, cette nuit, sur le boulevard Sébastopol".
La
voix éraillée enfle sous l'effet de la colère.
Elle demande,
elle exige.
Il faut, pour ce soir même, des tentes, des
couvertures, des poêles.
Il est 13 h 10.
À 14 heures, la rue La Boétie où l'abbé a
donné rendez-vous aux éventuels donateurs, doit être fermée à
la circulation tant la foule est dense des gens qui offrent
vêtements, argent, matelas, bijoux...
L'insurrection de la
bonté est en route.
Le drôle de curé à la barbe hirsute quitte la lumière des
projecteurs pour reprendre, avec ses compagnons, son humble
travail de chiffonnier.
Pas pour longtemps.
L'abbé est
condamné à la célébrité.
Des sans-logis aux SDF, il lui reste
à parcourir un demi-siècle de misère qu'il dénonce, sans cesse
et partout, en faisant des "coups" avec l'aide de ses amis
journalistes.
On le verra, à plus de quatre-vingts ans,
perclus de rhumatismes, soutenir les squatters en allant
dormir chez eux.
Déçu de n'avoir pu faire reculer
définitivement la misère au sein de notre société de
consommation? Non.
Il ne s'est pas fait d'illusions en
1.
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