la vague (fiche de lecture)
Publié le 08/12/2021
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La vague
Ce roman, inspiré de faits réels s'étant déroulés dans un petit lycée américain, à la fin des
années 1970, met en scène Ben Ross, un professeur d'Histoire à la pédagogie plutôt
innovante, qui décide de mettre en place une expérience radicale: face aux réactions
incrédules de ses élèves après la diffusion d'un documentaire sur la Shoah et le nazisme, et
qui lui demandent comment les Allemands ont pu laisser commettre de pareilles horreurs
sans réagir, Ben Ross décide de renforcer la cohésion de sa classe par un simple slogan, à
l'efficacité redoutable: "La Force par la Discipline, la Force par la Communauté, la Force par
l'Action". En quelques jours, certes, la discipline s'est améliorée, l'esprit de groupe
prédomine entre élèves, mais ceux-ci commencent à perdre tout esprit critique. Très
rapidement, ils se dotent d'un nom, d'un salut, véritable signe de reconnaissance, adoptent
un uniforme destiné à dissimuler les inégalités sociales, et se mettent à révérer leur
professeur comme un véritable leader, obéissant sans broncher au moindre de ses ordres.
Celui-ci, peu à peu, semble également se prendre au jeu, et apprécie, non sans une certaine
ambivalence, la posture dans laquelle le placent ses élèves. Mais les premiers heurts
commencent lorsque certains élèves décident de ne plus suivre le mouvement, conscients
des dérives qui se mettent lentement mais sûrement en place; aussitôt, ils sont considérés
comme les brebis galeuses du groupe, à remettre dans le droit chemin ou à éliminer sans
scrupules. Dès lors, plus rien ne semble pouvoir arrêter La Vague, ce mouvement qui se
propage comme une traînée de poudre dans l'enceinte du lycée, et auquel tous les élèves
sont contraints d'adhérer, sous la menace de représailles, si bien que l'Histoire paraît sur le
point de se répéter, en dépit de toutes les leçons prétendument tirées du passé...
"Aurais-je été meilleur ou pire que ces gens, si j'avais été allemand?" a chanté, il y a
quelques années un célèbre trio d'artistes. C'est la question que pose ce livre, inspiré d'une
anecdote réelle, mais à laquelle il refuse de répondre, pour la simple et bonne raison
qu'aucune réponse prédéfinie ne peut y être apportée. Si le raisonnement qui sous-tend ce
roman, bien que par moments naïf et trop simpliste (voire carrément stupide: Hitler, malgré
les rumeurs, n'était pas peintre en bâtiment, et l'hypothèse de sa folie a maintes fois été
battue en brèche par les historiens), a néanmoins le mérite d'ouvrir de nombreuses pistes de
réflexion, le véritable point faible de cet ouvrage est son style, catastrophique. Une
dissertation d'un élève de seconde serait mieux rédigée, ce qui n'est pas peu dire. Les
dialogues entre personnages sont creux, les descriptions inexistantes, les analyses réduites à
la portion congrue... Le vocabulaire est désespérément pauvre, les phrases sans aucun
souffle, y compris dans les "discours" du professeur Ross adressés à ses élèves et censés les
embrigader par une efficacité rhétorique qui demeure introuvable dans le texte qui nous est
présenté.
Ajoutons que les caractères des personnages sont à peine ébauchés, faisant la part belle
aux stéréotypes et aux clichés; seul le professeur, avec son ambivalence manifeste lorsqu'il
commence à se laisser prendre à son propre jeu, pourrait susciter l'intérêt du lecteur, mais le
manque de recul de l'auteur sur son personnage et sur son œuvre empêche d'en tirer des
analyses pertinentes. Alors oui, le thème est passionnant, l'expérience mérite qu'on s'y
arrête, mais le livre n'est clairement pas à la hauteur de ses ambitions, et déçoit nettement
par rapport au film magistral qui en a été tiré, et qui est bien plus subtil et percutant.
L'avantage de ce roman est qu'il se lit très rapidement (à ce propos, le choix de la
typographie est scandaleux: les lettres sont exagérément agrandies, comme dans un livre
pour enfants de moins de dix ans, sans doute pour masquer la brièveté, et donc la
superficialité, d'un roman qui refuse de traiter le fond de la question comme elle le
mériterait), et donc permet de prolonger la réflexion qu'il aborde bien trop légèrement. En
somme, une entreprise louable, mais malmenée par une forme scolaire et d'une platitude
exaspérante, ce qui est fort dommage sur un thème aussi grave que celui-ci: oui, de telles
interrogations sont nécessaires et salutaires, mais elles méritent mieux que ce banal pensum
pour réellement nous faire réfléchir, puisque, plus que jamais "le ventre est encore fécond
d'où a surgi la Bête immonde...", comme l'a dit un certain auteur d'un plus grand talent.
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