La Ruhr

« 1 / 2 1 [ 4 janvier 1967 Série C-10 Fiche No 1538 Ruhr 1.

Par un curieux paradoxe, la première région industrielle du monde, symbole de pays noir, s'est développée le long d'un petit affluent du Rhin, la Ruhr, au cours sinueux, encaissé, verdoyant, presque romantique.

Le véritable pays noir est formé par l'axe Duisburg-Dortmund (plus au nord).

Avec ses crassiers et ses cokeries, ses puits de mines et ses usines sidérurgiques, ses conurbations et ses cités-dortoirs, il constitue l'artère principale d'une gigantesque nébuleuse (6000 km 2 ) située entre le Rhin à l'ouest, la Ruhr au sud et la Lippe, autre affluent du Rhin, au nord.

2.

A l'origine de ce développement se trouvent les richesses minières (surtout la houille) et l'acier.

Le gisement de charbon s'étend sur 140 kilomètres d'ouest en est.

L'activité du bassin s'est peu à peu déplacée du sud, aujourd'hui en voie d'épuisement, vers le nord-est, où l'exploitation est rendue difficile et peu rentable à cause de la profondeur des veines (elles atteignent -1500 mètres).

Aussi, bien que les réserves soient encore considérables (50 milliards de tonnes jusqu'à -1200 mètres), la produc­ tion ne cesse de diminuer: 125 millions de tonnes en 1956, 115 en 1959, autour de 105 en 1965.

Ces difficultés techniques ajoutées aux mesures de rationalisation de l'exploi­ tation et à la concurrence toujours plus vive du pétrole expliquent qu'on envisage la fermeture du tiers des puits et le licenciement de 70 000 travailleurs.

Il en est résulté en 1966 un malaise social grandissant.

3.

L'extraction est assurée pour plus de la moitié par des filiales de sociétés sidérur­ giques.

Cette conjonction a favorisé l'établissement de véritables dynasties indus­ trielles.

La plus connue, Krupp, première société du monde pour la diversité des produits fabriqués (3000) occupe 112 000 ouvriers et employés.

Elle n'est plus cepen­ dant la première société sidérurgique d'Europe occidentale depuis la concentration de Thyssen avec Phoenix-Rhelnrohr, dont la production d'acier en 1962 a dépassé 6 millions de tonnes.

4.

La chimie constitue après le charbon et l'acier le troisième pilier de la puissance industrielle de la Ruhr.

La venue en force des produits pétroliers et la présence d'un grand gisement de sel lui impulsent une débordante vitalité.

La chimie de synthèse, avec notamment les plastiques et les fibres synthétiques, est particulièrement dyna­ mique.

Ce secteur aussi est dominé par la présence de quelques géants: Bayer, pre­ mière société chimique de l'Europe des Six, Hoechst, Chemische Werke Hüls.

Cer­ taines villes comme Leverkusen et Mari ne vivent que de la chimie.

Fait significatif: alors que la main-d'œuvre diminue dans les mines et stagne dans la sidérurgie, elle a en revanche augmenté de 211% dans l'industrie chimique de 1938 à 1961.

5.

Conséquence de l'industrialisation, la Ruhr regroupe une concentration de 9 mil­ lions d'hommes.

En 1820, Duisburg, Essen, Dortmund étaient des bourgades de 5000' âmes.

Elles comptent aujourd'hui entre 500 000 (Duisburg) et 750 000 habitants (Essen).

De Duisburg, le plus puissant ensemble portuaire intérieur du monde, à Dortmund, c'est une véritable tralnée urbaine continue.

Depuis la guerre, les vagues successives d'expulsés d'Europe de l'Est, puis de réfugiés d'Allemagne orientale, enfin de travailleurs étrangers (300 000 dont 24 000 dans les mines en 1965) sont venues grossir la masse de cette population. 2 / 2. »